Le couperet.
7.5 Ce qui rapproche le cinéma de Moutout avec celui de Cantet (Ressources humaines) c’est le rapport entretenu avec le monde de l’entreprise, les hiérarchies, l’utilisation du pouvoir quel qu’il soit et la prise de conscience que l’on bascule ou non du mauvais côté. Ce qui le différencie c’est son âpreté, son enrobage. Beaucoup plus intense chez Cantet et pourtant plus utopique. Dans les deux films c’est un petit nouveau – un junior comme on les appelle dans Violence des échanges en milieu tempéré – qui devient le sous-fifre du patronat, apparaissant dans un premier temps comme arriviste, inconséquent avant de comprendre les procédés mis en cause et puis de douter. Il y a le schéma utilisé chez Cantet, plus brut, avec ces joutes verbales entre patrons et syndicats, et celui chez Moutout, plus intime, où l’on apparaît désespéré et éternellement seul. Ressources humaines m’apparaît plus audacieux et son optimisme – le garçon piégé se rebelle – me fascine. C’est une claque de ce genre que l’on ne se remet pas aussitôt, de celles qui donnent envie de lever le poing, de sortir les banderoles. Violence des échanges en milieu tempéré passe aussi par l’étape de la prise de conscience, mais beaucoup plus violemment car sans échappatoire. En un sens il est plus réaliste, plus sombre. Le jeune homme se rend compte qu’il devient le coupeur de tête – il travaille dans un groupe de consulting chargé en l’occurrence du rachat d’une boite de métallurgie qui peine à tirer son épingle du jeu, laquelle il faut donc restructurer c’est à dire faire des évaluations de personnels en vue d’en licencier un certain pourcentage – et ne cassera jamais cette procédure, même s’il trouve ce qu’il fait immonde (une scène où on le voit plein de honte et de fierté mélangées fait froid dans le dos) parce qu’il s’est engagé dans une vie confortable qui a ses yeux ne vaut pas ce que lui demande sa petite amie, à savoir de laisser tomber. Si ce n’est pas moi c’est un autre qui le fera, semble t-il dire. Franchement j’en suis sorti démuni. Je trouve ce film terrifiant.
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