4.0 La réussite du film de Forman tient dans son non-respect des conventions du biopic. Et c’est un spécialiste du genre (Amadeus, Larry Flint) là-dessus. Personnage quelque peu antipathique, parfois incompréhensible. Oubli volontaire d’éclaircissement du récit. Refus de l’élégance, au sens complaisant. C’est vrai que de ces points de vue là Man on the moon s’avère fascinant. Jusqu’à sa façon de brasser la vie de cet homme, sans jamais situer temporellement, sans jamais rendre important un événement de sa vie qui le fut. Tout est asséné à cent à l’heure si bien que l’on débarque dans le film sans repères, avec qui plus est une proéminence de la parole. A ce titre, la première scène est sans nul doute ce qu’il y a de mieux, avec ce personnage complètement ahuri (Jim Carrey jouant Andy Kaufman) qui nous regarde en nous débitant quelques mots avant de dire que le film est terminé (générique à l’appui enchaîné d’un écran noir d’une bonne quinzaine de secondes) puis de revenir en nous chuchotant presque à l’oreille que ce procédé l’empêche de faire partager son film à ceux qui ne le comprendraient pas. C’est vrai que l’on cerne d’emblée le personnage. Quelqu’un de fou, sur une autre planète, une sorte de farce ambulante qui semble croire que tout n’est qu’illusion, que la bêtise c’est le sérieux.
Moi, le problème que j’ai avec ce film c’est que je le trouve justement pas assez fou, pas à la hauteur du personnage charismatique qu’il convoque. Ou alors pas suffisamment passionnant dans ses enchaînements. Forman veut tellement faire et montrer de ce personnage si imposant qu’il oublie tout le reste. Les personnages secondaires comme sa mise en scène. Je vois très peu de cinéma là-dedans dans ce qu’il a de suggestif. Très peu d’idées. L’exemple parfait ce sont les multiples contre-champ du show de Andy que Forman nous offre afin que nous suivions systématiquement les réactions du public. Tout est saccadé. Et du coup, je n’ai plus l’impression de voir le show du personnage Andy mais celui de l’acteur Jim. Je ne vois pas grand chose d’intéressant dans ce film au-delà du simple récit lequel retrace uniquement quelques moments de la vie du trublion Kaufman.
Après, j’aime beaucoup l’idée de la farce et comment le film en parle. J’aime le fait que Forman se soit focalisé sur les parties de catchs (contre des femmes) d’Andy qui révèlent assez justement l’absurdité de ce sport/spectacle. J’aime aussi beaucoup l’instant où Andy annonce qu’il a un cancer et les pluies de rires et moqueries de ses amis qui s’abattent sur lui, certains contestant cette idée la trouvant de mauvais goût, d’autres approuvant le style jusqu’au-boutiste en continuant de le soutenir.
Le cercle dans lequel s’est engagé Andy (Tu n’as que ce que tu as crée, lui dira son agent Shapiro) est aussi celui du film. A force de vouloir tenter de comprendre le faux on en oublie presque le vrai. Moi je vois un film qui a du rythme, une dynamique énorme, quelques moments délicieux mais à aucun moment je ne suis séduis autrement que par la farce. Jamais le film ne m’agrippe vraiment. Il reste une farce alors qu’il tente d’être autre chose, il suffit d’évoquer la fin du film. Et comme toute farce c’est marrant sur le moment puis on ne s’en souvient plus.