5.0 Je pense que le titre est mal choisi. En tout cas par rapport à ce que tente de faire passer le film. Le « mon » engage Paul de Marseul, personnage campé par Niels Arestrup. Le « tu » ne concerne pas son fils, mais plutôt le fils de son complice dans la vendange. Personnage qui fait tardivement son apparition dans le film mais surtout qui reste relégué au second plan, relégué au statut de fils parfait, que Paul aurait aimé avoir, efficace et brillant dans le métier, qui sait reconnaître au goût, à l’odeur un vin d’un moins bon, y débusquer chaque saveur qu’il propose. Ce garçon est alors présent en remplacement provisoire de son père (régisseur du domaine et donc élément irremplaçable pour seconder Paul) qu’une tumeur mortelle ronge péniblement. Le titre collerait à une histoire qui se bâtirait autour de cette relation, mais le film semble beaucoup plus proche du vrai fils, Martin, joué par Lorant Deutsch, enfin nul doute qu’il affirme avec beaucoup (trop) d’empathie son penchant vers ce pauvre garçon un peu maladroit, un peu benêt, éternel ados surtout moins dictatorial que son père. Ce n’est pas grave cette affaire de titre, en soi, mais ça m’a beaucoup gêné, je ne sais pas comment s’appelle le livre que le film adapte, ni s’il raconte cette histoire de cette manière là mais je trouve frustrant que le film respecte son appellation à peine dix minutes sur toute sa durée.
Tu seras mon fils est une énième histoire de famille, un affrontement entre un père et son fils et le film se chargera d’entrouvrir peu à peu les zones d’ombre qui le nourrissent quant au passé vécu des personnages. Rien de très original donc à découvrir des fêlures familiales ayant pour cause la mort de la mère puisqu’on ne la voit pas dans le film, on n’en parle pas, comme s’il fallait à tout prix gardé l’aspect twist pour la fin, asséné par une révélation bien emmitouflée musicalement. Cette histoire de père qui ne reconnaît pas son fils, lui qui est tout son opposé (Legrand n’y va pas subtilement quant aux différenciations entre les deux personnages, tout les oppose donc il faut le montrer) et ce garçon qui cherche désespérément la reconnaissance de son père, travaillant systématiquement dans son ombre et donc peu promis à un avenir viticole si ce n’est la reprise du domaine de son père. Sauf que Paul ne l’entend pas comme ça ! Ce n’est pas son fils qui doit reprendre les rennes, mais quelqu’un de sa trempe à lui, un battant, quelqu’un qui gère et montre qu’il gère, un jeune qui a des couilles. Tombé du ciel (Legrand choisi de forcer cette venue accentuant ainsi le pouvoir maléfique de Paul) c’est ce jeune homme, sensiblement le même âge que le fiston, installé aux Etats-Unis (l’image est encore une fois délicate) qui débarque avant tout pour rendre visite à son père malade puis pour donner un coup de main au domaine puisque l’on est en pleine vendange.
Le film est donc attiré vers deux options : Un climat de mort permanent et l’humiliation redondante. Il ne choisit pas la bonne voie. Car pour moi c’est avant tout un film traversé par la mort, il s’ouvre sur une mort, enfin sur une incinération, le récit se situe à l’instant où le domaine est menacé parce que l’homme le plus important se meurt et puis forcément cet état qui doit tarauder Paul qui peut tout aussi bien sentir que la fin est proche et penser à celui qui le remplacera, l’épisode explicatif de la mère etc. Pour moi ça ne parle que de ça, c’est terrifiant. Mais Legrand préfère la facilité, la redondance inutile et pénible. Le film devient alors le théâtre d’une humiliation continuelle alors que jusqu’ici Paul était au mieux indifférent aux états d’âme de son fils. Niels Arestrup en fait des tonnes (plisse continuellement les yeux, fronce les sourcils, secoue la tête, pince le bec) mais il le fait bien, il est impressionnant et si j’avais ce père là il y a bien longtemps que j’aurais cessé de le côtoyer quotidiennement – cette cohabitation me semble par ailleurs improbable, dans la volonté du fils j’entends. Lorant Deutsch en fait des tonnes lui aussi (baisse les yeux, s’égosille tout seul, marmonne, grimace) mais il le fait moins bien. Tout cela rejoint ce que j’ai déjà dit, à savoir que le problème majeur du film c’est l’emphase avec laquelle il fait subvenir ces différences, cette guerre père/fils, sans aucune subtilité.
Reste que le film se suit très bien, que la mise en scène, bien qu’un peu télévisuelle, en tout cas peu inspirée, est tout de même très sobre et sait varier les angles de vues, n’hésitant pas à utiliser (même s’il y avait cent fois mieux à faire) l’espace proposé par le domaine viticole de cette terre de Saint-émilion, dans lequel le film fut entièrement tourné. Et puis quoiqu’on en dise Tu seras mon fils est un film qui parle de vin, qui montre un peu de la fabrication des vendanges à la vinifs, qui montre aussi de belles caves où l’on débouche des vins presque centenaires, donc il donne envie de se faire un banquet et de boire du grand vin rouge et c’est déjà pas si mal.
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