La piel que habito – Pedro Almodovar – 2011

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     5.0   Almodovar est sans nul doute le cinéaste qui illustre parfaitement l’évolution de ma sensibilité cinématographique. Aujourd’hui je n’attends aucun de ses films, j’y vais, par simple curiosité et probablement un mélange de désir de croiser à nouveau la marque de mes premières amours avec l’envie non-négligeable de se plonger encore dans un de ces récits vertigineux. Il y a quelques années, Todo sobre mi madre, puis Hable con ella avaient été des chocs telluriques tels que le cinéaste espagnol est certainement pour quelque chose dans mon amour ineffaçable pour le cinéma. Ce sont deux films que je n’ai jamais revus. J’ai peur de les revoir. Car entre-temps, mes nombreuses découvertes du reste de la filmographie du réalisateur m’ont conduit à me rendre compte, qu’il s’agisse de ses films récents (Volver, Etreintes brisées…) ou moins (Femmes au bord de la crise de nerfs, La loi du désir…) que je ne suis plus du tout sensible à ce cinéma là. Et dans le même temps je ne le déteste pas, c’est aussi pour cela que je vais systématiquement voir un film d’Almodovar, même si cela est devenu insupportable d’entendre les gens parler de la sortie d’un de ses films comme d’une importance inébranlable, de le voir chaque année en compétition au festival de Cannes avec tous ces branquignols qui s’égosillent de ne pas le voir repartir avec la plus haute distinction, comme s’il était le chef de file du cinéma européen. Ce cinéma là n’a pas bougé depuis le premier film. C’est d’ailleurs étrange cette espèce d’anachronisme permanent qui surgit des récents films d’Almodovar, comme s’il les avait tous tourner en 88. Je ne pense pas que ce soit un cinéaste qui évolue, au mieux il propose de très beaux récits qu’il agrémente avec son éternelle science du montage, on ne peut pas lui enlever ça, mais en terme de mise en scène tout est devenu morne. Car j’ai tout de même le souvenir que lorsqu’il réalise Todo sobre mi madre il y a un poil plus de dix ans, le grain est différent, le film est sombre, terrible à en pleurer et l’univers proposé (images et sons) accentue cet état funeste. Ce n’est qu’un souvenir, si ça se trouve je trouverais cela tout aussi moche que ses récents aujourd’hui je n’en sais rien, mais c’est tout de même le souvenir d’une mise en scène, d’une ambiance alliées au propos du récit. La piel que habito me semble habité d’un déséquilibre flagrant à ce niveau là : Le récit est terrible une nouvelle fois, douloureux, c’est un mélodrame extrêmement chargé comme Pedro n’en avait encore jamais fait, et pourtant j’ai sans cesse l’impression d’assister à une bouffonnerie, de m’être égaré dans une représentation du cirque Pinder ou un spectacle de Parc Astérix. Il y a quelque chose d’indigeste dans la représentation de ce mélodrame et contrairement à ce que l’on aurait vu dans une majorité d’autres films d’autres réalisateurs, l’indigestion n’intervient pas via le récit mais par l’image et le son, ces balances de couleurs assez moches, ces post synchro scandaleuses, des plans aussi travaillés que dans une sitcom. Pourtant, le récit à plusieurs niveaux ô combien casse-gueule, avec sa flopée de flash-back, se révèle rapidement (excepté la première partie du film) passionnante. J’aime l’idée qu’il y ait comme quatre films en un, que la découpe intervienne quand on ne l’attend plus, même si le procédé du double rêve m’apparaît tout de même un peu maladroit dans sa redondance et son principe d’un rêve face à un autre rêve. C’est en tout cas à partir de cet instant que l’intérêt naît de cette histoire de séquestration d’une femme cobaye à laquelle nous avions le droit depuis le début, sans trop savoir l’origine de tout ça, si ce n’est qu’on a un éminent chirurgien esthétique, spécialiste des greffes de visage, qui garde une femme dans une pièce de sa villa, qui semble être le jouet de toutes ses expériences illégales (création d’une nouvelle peau artificielle) qu’il dit réaliser sur des souris. Hormis la réalisation une fois encore, j’avais l’impression de me plonger dans un Cronenberg (Faux-semblants, Crash) le gore en moins, m’attendant à un film de chair (le film s’ouvre presque sur la scarification du corps de la jeune femme) et fascination de la souffrance, du miracle scientifique avant que justement Almodovar opère à un virage brutal, via le double rêve, précédé tout de même par l’annonce coup de poing concernant la mort de la femme du docteur Robert Ledgard (dont on apprend qu’il a offert les traits du visage à la patiente enfermée) dans un accident de voiture, quelques années plus tôt, suivi de celui de sa fille. On l’aura compris, Almodovar veut raconter davantage qu’une simple folie cronenbergienne ou qu’un mélo terrifiant à la Franju (Les yeux sans visage) ou qu’une volonté de faire revivre une morte par l’image (Vertigo). Et en cela La piel que habito devient un film très intéressant, Il n’est pas une redite, il cherche à conjuguer les genres, naviguant temporellement tout en éclaircissant petit à petit chaque zone d’ombres. Il y a comme souvent peu de subtilités même si ci et là de bonnes idées tout de même, dans le rapport à l’isolement, à l’amour, à la folie et surtout à la perte d’identité. Vicente, enlevé pour avoir selon Ledgard violé sa fille, devient Vera. Et reprend les traits de la femme de Ledgard morte six ans plus tôt. Il faudra une ruse de Vicente/Vera pour se séparer de Ledgard et s’en aller rejoindre sa mère dans le vieux magasin de fringues d’occasion. C’est très beau ce que dit le film sur l’identité, sur le fait qu’une apparence ne peut changer une identité. Vicente est méconnaissable physiquement évidemment mais ce désir de retrouver les siens est resté intact. La fin est très belle. Après c’est un film complètement improbable mais j’aime cette dimension fantastique qui nourrit le récit et souvent les films du cinéaste espagnol. Le film pourrait donc être bouleversant mais je trouve cela d’une telle platitude mise en scénique que ça occulte tout ce que j’aurais pu ressentir. Je vois ce que je n’aime pas partout donc je ne suis pas totalement emporté. Néanmoins c’est depuis Hable con ella le film de Pedro qui me surprend le plus, simplement par l’utilisation du montage qui me semble ici osé et réussi.

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