Sueurs froides.
6.0 Le cinéma de Jacques Rivette est un cinéma du glissement. Mettre en place avant de défaire. Brouiller les cartes, ouvrir des brèches, s’y aventurer, revenir, s’y replonger et cela avec un talent de metteur en scène hors pair, saisissant avec patience une durée réelle, une atmosphère singulière. C’est le voyage de Sandrine Bonnaire par le train dans Secret défense. Ce sont les répétitions de théâtres à n’en plus finir dans La bande des quatre. Ou encore dans un style à son paroxysme : la pose de Béart nue pour le pinceau de Picolli durant une bonne partie de La belle noiseuse. A ce jour, il n’y a pas de cinéma qui soit le plus proche de mes sensibilités que celui de Rivette, avec ces trois films cités.
Je retrouve cette ambiance au début de Histoire de Marie et Julien. Et le cinéaste va jusqu’à s’intéresser au personnage masculin, le filmer dans ses gestes quotidiens qu’il offre à son travail et sa passion d’horloger. Autour de ça, il y a une rencontre avec une femme, qu’il dit avoir connu un an auparavant. Ils vont tomber amoureux. Elle ne tardera pas à venir s’installer chez lui. Il y a aussi cette étrange femme, madame X, que Julien fait chanter pour une affaire de trafic d’objets anciens. Le récit s’éparpille et dans le même temps on ne peut pas faire plus minimal. J’aime cette sensation d’inconnu qui s’ouvre, de récit qui prend une envergure folle, mais à son rythme. Secret défense est un pur chef d’œuvre hitchcockien à ce niveau là. Histoire de Marie et Julien est, selon moi, un grand film raté. Cette division en quatre parties à savoir « Julien » puis « Julien et Marie » puis « Marie et Julien » et enfin « Marie » participe clairement à cette idée de glissement fascinant qui traverse l’œuvre de Rivette. Mais tout s’étiole à partir de « Marie et Julien ». Et soit l’on a tout compris soit absolument rien. Mais la sensation est la même.
Rivette dit de belles choses sur le couple, sur le fait que quelque soit ce que l’on est pour l’autre, on ne le connaît pas entièrement, il ne nous connaît pas entièrement. Rivette montre que le mystère perdure. Sauf que mises à part toutes ces séquences sexuelles incroyables, rien ne me passionne là-dedans, il manque véritablement quelque chose, une ambiance, un enjeu, peut-être pas grand chose mais il y a un manque c’est certain. On y parle de revenants, de ceux qui ne saignent pas, qui tentent de faire d’une pièce un tombeau, il y a un vertige qui pourrait être très beau mais le film semble mort, sans passion. Dès sa moitié il ne m’atteint plus du tout. J’y reconnais toujours le génie du metteur en scène par instants ci et là mais plus du tout comme il m’arrive de l’admirer.
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