Energie outrancière.
6.0 Ce film me rappelle un peu La vie au ranch. Mais Contrairement à lui qui recherche la saturation par l’image et le son, l’étirement de la séquence, le plan plein, le film de Noémie Lvovsky se concentre sur des instants, saynètes foutraques qui donnent une dimension explosive.
Cinéma de l’instant qui saisit la violence du moment. La cinéaste ne s’intéresse pas vraiment aux causes ni aux conséquences. Une bagarre éclate dans les couloirs d’un lycée après la classe, on ne saura pas pourquoi, Lvovsky ne montre pas les signes. Lorsque l’une d’entre elles tombe malade (probablement une tumeur) la cinéaste ne dira pas grand chose de son issue, simplement illustrée par un dessin d’animation comme ceux que l’on montre aux enfants dans les spots de prévention. Elle ne joue jamais la carte facile du pathos, ça ne l’intéresse pas. C’est l’énergie brute qu’elle cherche. Les deux films (avec celui de Letourneur) ont au moins ça en commun. Et aussi de rechercher la saturation par la parole. Très peu de blanc, toujours du mouvement. Mouvement par le montage chez Lvovsky, par les personnages dans le plan chez Letourneur. Parti pris honorable mais qui moi me touche assez peu, patchwork énergique de scènes montées en saccade, je trouve ça rapidement lourd. Reste que contrairement à son précédent film Oublie-moi qui jouait énormément sur cet état de trouble, d’incertitude en permanence, ce mouvement d’avant en arrière (le cinéma de Noémie Lvovsky me fait l’effet d’un surplace en sinusoïde) mais qui ne m’emportait nulle part, car cette impression d’un personnage qui stagne m’ennuyait beaucoup, La vie ne me fait pas peur est en perpétuelle évolution. Pourtant ça stagne ici aussi, mais l’univers se modifie, Lvovsky s’intéresse un peu à ce temps qui se déroule autour de ces adolescentes, en filigrane le passage du bac, ou une ellipse de trois ans, ou plus tard un raccord ado/adulte tout comme la mode vestimentaire qui apparaît essentiellement sur deux d’entre elles, l’émergence du punk etc.
La vie ne me fait pas peur joue beaucoup sur ces enchaînements de vie et découvertes, tentations sexuelles ou expériences morbides. Ainsi l’une voudrait faire l’amour avec ce garçon dont elle est tombée amoureuse, sans doute pour être la première, pour ne pas se faire doubler par son amie. Ainsi on se perce le doigt avec une aiguille pour s’unir dans un mélange de sang, comme on se réunit autour d’une table de spiritisme. Le film n’évacue pas non plus les traumatismes (la corde) ni même les divergences au sein du groupe (le bac) aux différences parentales (au papa sympa Rego répond ce papa tyran Bideau) ou encore ces nombreux instants de délire entre filles tellement dingue que d’une part c’est impossible que ce ne soit pas un minimum vécu et d’autre part ça peut devenir insupportable. C’est aussi la limite du film. L’expérience est telle que poussée à ce point de folie le film ne devient pas facilement aimable.