Barrière de la ville.
8.0 Durant le premier plan, voyage téléphérique de jour entre les rues et gratte-ciel de la ville, la voix off, celle de Raymond Depardon lui-même, souligne son incapacité à s’accaparer de ce lieu, à filmer son énergie, son unité, à faire un film sur New York. Il dit avoir filmé un peu chaque jour durant quelques mois en ayant l’impression continue de le faire inutilement, de faire quelque chose qui irait à l’encontre de ce qu’il cherche, à savoir le film comme un reflet. Ces quelques mots qui accompagnent les premières secondes de ce non-film prennent alors une valeur tragique, désespérée. La ville est trop forte pour la filmer. Sa magie est telle que le cinéaste est obligé de capituler. Il rentre à Paris. De ce projet de long-métrage sur New York, Raymond Depardon gardera trois plans et en gardera le geste de celui qui reconnaît son impuissance, un court métrage de neuf minutes. Trois plans : un aller et un retour, en miroir, dans le téléphérique de la ville, le jour puis la nuit. Et un plan central d’une rue piétonne. Il a été choisi le noir et blanc comme pour souligner son inaccessibilité, son intemporalité, une ville si puissante qu’on n’ose lui mettre de couleur. A la manière du News from Home de Chantal Akerman, ce film témoigne d’un passage en ce lieu, trop fort pour le cinéma à chaque fois puisque dans l’un ce n’était pas le format qui dépareillait mais l’utilisation des mots, cette parole quasi inaudible, qui lisait des lettres envoyées en France mais se perdaient dans le bruit de la ville. New York N.Y. dit finalement beaucoup de ce que recherche Depardon par le cinéma, qui existe en écho à cet autre court métrage qu’est Dix minutes de silence pour John Lennon, dans lequel se produit exactement l’inverse, quelque chose germe, une sensation, une ambiance, une symbiose qui rend compte de la force de l’instant. Cette force là, Depardon ne l’aura trouvée qu’à Central Park, ce jour-là si précis. En l’absence d’un événement prémédité (rappelons qu’il avait aussi filmé la minute de silence pour Ian Palach à Prague) cette force, cette magie du cinéma n’ont pas séduit l’auteur, la grande pomme n’a rien voulu lui partager.
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