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Projet X (Project X) – Nima Nourizadeh – 2012

Projet X (Project X) - Nima Nourizadeh - 2012 dans * 2012 : Top 10 20024428

The world’s end.

   8.5   C’est un film réjouissant. Un film accordé à ses personnages : construction approximative, ovni informe, bruyant et transgressif. Un teen-movie qui ne ressemble à aucun autre, au moins dans la frénésie et le carnage qu’il met en scène. C’est le film ultime du fantasme adolescent. Le film gagne à mesure qu’il se déploie. Sans pour autant surprendre, il suit une mécanique de feu carrément jouissive, il a cette faculté à ne reculer devant rien.

Pourtant, le film ne commence pas très bien, ou plutôt disons qu’il fait peur. Sorte de Supergrave suédé, on se demande bien comment et combien de temps l’idée va t-elle tenir, puis petit à petit le film enchaîne les situations à la Very bad trip sur la vague duquel le film semble davantage surfer que sur celle de Supergrave par ailleurs, tout en doublant le résultat. La séquence du chinois mafieux débile est relayée ici par un nain rebelle spécialiste des droites dans les testicules, que l’on se débarrasse en l’enfermant dans un four ainsi qu’un dealer forcené prêt à tout pour récupérer un nain de jardin blindé d’Ecstasy que les trois potes lui ont chouré juste pour avoir une mascotte de soirée.

     Projet X suit donc son modèle mais va plus loin, a quelque chose de plus que lui, de moins manipulateur, de nettement plus progressif. L’ellipse est abandonnée au profit d’une linéarité précise : une soirée est organisée chez un ado de dix-sept ans, dans la maison de ses parents partis pour le week-end fêter leur anniversaire de mariage. Le film se déroule en gros sur vingt-quatre heures. On peut même se dire que Projet X pourrait être le hors-champ de Very bad trip qui n’avait pour concept que de montrer le lendemain d’une soirée, de ne pas la voir. Celui-ci joue donc moins sur cette idée du sensationnel et le scénario, si l’on considère qu’une grosse soirée de biture poussée à son paroxysme en est un, n’a pourtant rien à envier à Very bad trip qui suivait une trame complètement bête et invraisemblable, la séquence de casino demeurant au passage la pire ‘idée raccourcie’ du film. Au moins, ici, c’est de l’improbable possible. Le film joue d’ailleurs beaucoup sur l’idée de la puissance du net, sur l’information de masse actuelle, qui permet en deux trois clics, et même si t’es un gros looser dans ton bahut, de rameuter n’importe qui voulant tiser, danser et s’envoyer en l’air.

L’autre idée à la mode du film c’est l’utilisation formelle du faux film amateur, façon Chronicle, sorti peu avant lui, donc le film que l’on voit correspond à ce que filme l’un d’entre eux – qui restera d’ailleurs entièrement hors-champ – à savoir tous leurs faits et gestes durant cette journée et cette soirée inoubliable. Le procédé est régulièrement oublié tant il est impossible pour un film amateur d’avoir ce don d’ubiquité là. C’est à dire que même cela Projet X ne le respecte pas. Il n’y a ni rigueur formelle, ni rigueur morale. C’est le film cancre par excellence. C’est aussi en cela que le film rappelle davantage le Supergrave d’Apatow que le film de Todd Philipps, qui se terminait gentiment sur un mariage accompli et un défilé de photos, certes hilarant, mais montrant à quel point le réalisateur préférait finir en consensuel – « on les regarde une dernière fois puis on les efface » – qu’en rebelle.

Nima Nourizadeh aura au moins cela pour lui. Et si sa peinture sociale, complètement invertébrée, n’a pas la verve d’un Spike Lee, ni la trash-attitude glauque d’un Larry Clark, il faut dire que l’énergie subversive déployée va crescendo et rappelle quelques traits de Do the right thing et de Bully. Un état de non-retour. Une page qui se tourne. La fin convoque clairement celle de Supergrave. Une étape est franchie, que l’on termine sur un escalator ou une tribune sportive. Il ne suffit pas, comme bien souvent dans la comédie américaine, de ranger sa chambre et de poursuivre. Bon, c’est vrai qu’en majorité les personnages sont réduits à des rôles de figurants, que l’écriture est atroce à ce niveau là mais c’est là où le film veut aller, une soirée d’écervelé, ce n’est pas plus condamnable que dans un Very bad trip ou dans un American pie, sauf qu’ici, cerise sur le gâteau, la forme va de pair avec ce qu’elle montre.

Le film est nourrit d’idées exaltantes, de pure jouissance. Et jamais je n’aurais pu penser dire cela d’un film qui pencherait tout de même grandement vers le gros clip MTV, avec apartés clipesques tendance vidéos trash Youtube, DJ à gogo, alcool à flot et nichons à volonté. Mais je m’incline devant l’arsenal déployé ! Les pancartes ‘Naked grils only’ au bord de la piscine. Le château gonflable soldé. Les aventures de Milow le Yorkshire. La tyrolienne improbable entre le grenier et la piscine. Et d’autres trucs absolument hilarants comme ces deux garçons employés pour la sécurité, deux gamins d’une douzaine d’années, arborant un gilet jaune, une démarche de gros dur et un regard hyper menaçant. Le rapport avec les voisins du quartier, entre celui-ci qui se hisse contre la meute demandant que cela cesse pour que sa famille puisse dormir et celui-là qui s’invite à la soirée et finira par gerber ses tripes sur un pare-brise. J’essaie d’en dévoiler le moins possible tout de même tant l’issue du film paraît inimaginable et mieux vaut découvrir ça dans sa progression. Je me suis bidonné d’un bout à l’autre, ou presque. En fait, c’est tellement de mauvais goût, et un mauvais goût même pas provisoire, irrattrapable, complètement trash, sans aucune demi-mesure que ça finit par me plaire !

Chronicle – Josh Trank – 2012

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   6.5   D’un effet de mode qui pourrait définitivement tourner en rond, Chronicle y débusque de belles idées et si le film n’est pas entièrement satisfaisant, s’il tombe dans l’excès et la facilité il faut reconnaître qu’avant son basculement c’est aussi le film de super-héros – à l’insu des personnages – que je rêvais de voir.

     Le film se découpe en trois parties. Une première, plutôt brève, qui s’attache au mal aise adolescent, se concentrant essentiellement sur l’un d’entre eux qui pour contrer ce rejet social permanent se réfugie dans un rapport fusionnel avec sa caméra qui lui permet, décide t-il, de filmer sa vie, de tout filmer, de ne rien laisser au hasard. C’est sa protection, son bouclier contre tout le reste : une mère mourante, un père violent et des amis qui n’en sont pas vraiment. Le procédé est le même que celui de Blair Witch ou de Cloverfield dans un premier temps, à savoir que tout ce que l’on voit sur l’écran de cinéma, correspond à ce que filme le garçon, avant que la référence s’accouple avec un Redacted, dès l’instant que l’on comprend que toute reproduction à l’écran provient de sources filmiques, quelle qu’elles soient, entre deuxième caméra d’une blogeuse chevronnée, caméras de surveillance ou même dans le meilleur moment de la dernière partie du film, vidéos issues de toutes caméras témoin possibles.

     La suite du film, post découverte d’un trou vaginal (la métaphore n’est pas des plus fines) dans une forêt et rencontre avec une force surnaturelle, permet de faire un saut dans le genre. Il est d’ailleurs culotté, dans le montage, de faire suivre une scène incompréhensible avec cette espèce de créature des abysses qui semble aussi bien les faire saigner du nez que dérégler la caméra, par une séquence complètement détachée où les trois amis s’envoient une balle de base-ball dans la figure chacun leur tour façon Jackass. A cet instant-là, bizarrement, j’ai repensé à Cloverfield, à cette idée géniale que le film avait de glisser entre différentes séquences du présent correspondant à celui de l’action du film, des séquences d’avant, sans rapport, où deux amoureux semblaient filmer leur journée, vidéo effacée par la nouvelle, dont il restait quelques morcellements, parfois d’à peine une seconde, comme si la cassette n’avait pas été bien calée pour chaque réenregistrement. Je me suis dit devant cette scène de Chronicle : peut-être que ce que l’on voit se situe avant, sur la même cassette, puis je me suis rappelé que deux d’entre les personnages ne se connaissaient pas au début du film. C’est seulement quelques secondes plus tard que l’on comprend qu’ils testent leurs nouveaux pouvoirs de télékinésie.

     Outre le fait que le film tient là, dans la découverte progressive de ces pouvoirs (d’un assemblement de légos sans les mains au simple fait même de voler) ses meilleurs instants, dans une dynamique comique carrément jouissive (la partie de football américain dans les nuages, le déplacement d’une voiture sur un parking ainsi que tous ces moments où ils se découvrent sans encore maîtriser) qui suffit à reléguer Kick-ass et consorts au rang de film fade, l’intérêt secondaire réside dans l’autre idée conceptuelle du film, à savoir le faux docu filmé, quant à son devenir, lui aussi progressif. Plus le film avance, plus lui aussi, comme ses personnages, il acquiert des libertés. Le premier plan, entièrement issu de cette petite caméra, qui se filme elle-même dans le miroir d’une chambre, montre la naissance du procédé. Puis, il va très vite élargir son champ de vision, donc le nôtre, pour ensuite finir par se multiplier : tout d’abord, la petite caméra à cassettes est remplacée par une plus évoluée avec une carte mémoire intégrée, avant que le film ne semble découvrir qu’il possède la faculté, comme la force de The Thing, de prendre possession d’un autre objet filmique. L’apothéose se situant bien entendu dans cette deuxième partie, la plus belle idée du film à mon sens, où le jeune homme, en pleine possession de ses pouvoirs, découvre qu’il peut manipuler la caméra à distance tout en la faisant voler autour de lui. Le rêve d’un cinéaste. Imaginez un peu ! Plus de rails, plus de steadycams, plus besoin non plus de l’épaule. Le film en devient alors tellement libre formellement qu’il peut quasiment oublier cette contrainte dont il est affublé à savoir le procédé subjectif, sans que cela ne soit gênant.

     Dommage qu’il s’embourbe ensuite, voulant à tout prix que le récit vire à l’apocalyptique et utilise alors une narration plus classique, caricaturale et excessive. Néanmoins, ça ne gâche absolument pas ses qualités à mes yeux. Avant d’y aller, je me suis dit que j’allais voir un sous Blair Witch/sous Cloverfield. Je suis sorti en disant que j’avais vu Chronicle. Il n’a plus besoin de référents, c’en est devenu un.

La dame en noir (The woman in black) – James Watkins – 2012

31.5Hell house.

   3.0   C’est en flirtant avec le nanar que James Watkins, réalisateur faut-il le rappeler de l’éreintant autant qu’il était génial Eden Lake, garde un certain savoir-faire mise en scénique loin d’être déplaisant. Personnellement, le film m’a fait flipper et en bon produit de la Hammer qu’il est, ce sont majoritairement des coups de flips de pure mise en scène, des procédés maintes fois utilisés qui fonctionnent encore. Toutes les séquences dans la maison isolée sont assez terrifiantes. C’est archi rebattu mais l’effet est escompté. En revanche dès l’instant que le film veut être plus que ça, suivre un scénario par exemple – et le faisant avec un sérieux d’un ennui insondable – on s’en fiche complètement. La démarche, de base, est commerciale bien entendu (Racliffe est là, sans ses binocles) et l’on se dit qu’avec cette capacité (je veux dire que le produit ait atterri dans les mains de Watkins auteur du film le plus éprouvant de ces dernières années) La dame en noir aurait pu être très beau sans aucun dialogue, ce qu’il tient pendant une bonne partie d’ailleurs et qui reste comme le meilleur moment. Un film qui s’appuierait uniquement sur ce riche atmosphère sonore qu’il arrive parfois à déployer. Mieux vaut maintenant qu’il revienne au survival, au réel, une autre épreuve, j’adorerais le voir faire un film complètement épuré, reste à espérer, et le choix de faire La dame en noir ne plaide pas en sa faveur, qu’il ne se laissera pas attirer dans le guêpier bankable dans lequel est tombé Sam Raimi pour ne citer que lui.

L’arche russe (Русский ковчег) – Aleksandr Sokurov – 2003

18L’éternité au musée.

   8.0   L’âme d’un homme se retrouve propulsée dans le château de l’Ermitage à St Pétersbourg, sans explication aucune il se met à virevolter au gré des pièces à travers l’Histoire russe. D’époques en époques, guidé par sa curiosité et celle d’un autre homme dont il fait la rencontre, lui aussi happé dans une trouée temporelle, le personnage/caméra subjective qui regroupe à la fois le cinéaste, le spectateur et le témoin du temps – ou la fusion des deux premiers – voyage en esprit, observant à la fois l’apogée d’un monde, ses modifications et son extinction.

     L’idée est aussi originale et géniale que saugrenue d’autant qu’elle est traitée de manière très légère, selon une auto-dérision qui permet au film de s’affranchir à la fois du poids de l’éventuelle pédagogie de commande – ce qu’il n’ait à aucun moment par ailleurs – et de cette fierté patriotique, cet amour de l’art russe. On sait Sokurov attaché à ses racines mais cet attachement ne trahit aucunement une visée politique aux tendances propagandistes au sens où Eisenstein le faisait, lui aussi par l’intermédiaire du cinéma, il y a presque un siècle. C’est l’amour de l’âme russe. De la terre russe.

     Le film a une particularité importante : il est construit selon un unique plan-séquence. L’idée est de rester du point de vue de cet homme, avec cette voix qui parfois murmure quelques mots, entre la première et la dernière seconde d’un film qui compte 96 minutes. Malgré cette imposante restriction formelle (aucun montage, inéluctablement) les trouvailles sont nombreuses. Sa garantie première c’est son mouvement. C’est un film en perpétuel mouvement, qui virevolte je le disais précédemment, un film qui rejoint le passé mais pas une temporalité en particulier, c’est trois siècles de l’histoire russe.

     Un lieu puis un autre, toujours au sein de l’Ermitage, entre les grands chefs-d’oeuvre picturaux, les sculptures, les visiteurs d’aujourd’hui ou les personnages des tableaux vivants d’antan. C’est aussi cela L’arche russe, ce pari fou : faire revivre les tableaux, faire revivre le passé. C’est la vocation première du cinéma de faire revivre les fantômes. Cette caméra subjective se meut alors au travers de ces reconstitutions comme la cérémonie de rencontre entre le Shah de Perse et le tsar Nicholas 1er, une représentation de théâtre pour Catherine II et croise aussi Pierre Le Grand ou Alexandre Pouchkine, s’immisce dans un dîner de famille ou plus discrètement une discussion entre trois conservateurs du musée qui se félicitent de leur place qu’ils tiennent dans ce relais de l’histoire de l’art ou encore cette irruption dans une pièce délabrée où un homme s’occupe de la restauration d’objets d’art abîmés, poussières de la seconde guerre.

     C’est un magnifique voyage, hors du temps et d’autant plus suspendu dans une salle de cinéma. La descente d’escaliers finale ou la scène du bal, pour ne citer qu’elles, sont deux séquences absolument impossibles et remarquables.

Le fossé (Jiabiangou) – Wang Bing – 2012

Le fossé (Jiabiangou) - Wang Bing - 2012 dans Wang Bing Wang-Bing

Le désert rouge.

   5.0   Je ne connais pas encore les travaux exclusivement documentaires du cinéaste, je ne m’en tiens donc qu’à deux films docu-fiction, ou pour être plus exhaustif, deux films de reconstitutions libres, le court-métrage Brutality factory et donc ce long-métrage : Le fossé. Si Wang Bing me passionne en cinéaste de l’espace et cinéaste de l’organique, de la terre, du mouvement je reste néanmoins circonspect par son utilisation fictionnelle et l’utilisation de ses acteurs, en permanence dans une emphase théâtrale de la souffrance afin de cueillir l’empathie forcée d’un spectateur forcément désarçonné. Hormis quelque grossissement de trait pour la fiction, la première partie du film est une merveille de plongée en enfer, d’ambiance rocheuse, d’odeurs ocres et de perspectives de cadres assez hallucinantes, entre exiguïté claustrophobique de ces grottes/dortoirs souterrains et ce désert sans fin avec cette ligne d’horizon, constamment sable/ciel, qui ne cesse de sectionner l’écran en deux. La partie suivante, qui se concentre sur un homme qui envoie une lettre à sa femme avant qu’elle ne vienne lui rendre visite huit jours après sa mort, exige un calme impossible tant l’actrice exagère la situation dramatique, amenée à chercher le corps de son mari dans un cimetière sans stèles, dans le vent et la nuit. C’est sans doute trop pour moi, ou mal filmé. Je pense que Wang Bing est le cinéaste de l’errance dans la reconstitution historique, des tragédies, des bouleversements du paysage, un peu à la manière d’un Jia Zhang-Ke, la parole en moins. L’originalité contextuelle disparaît peu à peu au profit de la force dramatique de son récit, radicalité devient romanesque, Wang Bing se laisse submerger par le facteur souffrance, cette propension à montrer alors qu’il peut raconter la même chose en passant outre. Ça restera quoi qu’il en soit un film désertique d’une violence accablante.


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silencio


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