Le désert rouge.
5.0 Je ne connais pas encore les travaux exclusivement documentaires du cinéaste, je ne m’en tiens donc qu’à deux films docu-fiction, ou pour être plus exhaustif, deux films de reconstitutions libres, le court-métrage Brutality factory et donc ce long-métrage : Le fossé. Si Wang Bing me passionne en cinéaste de l’espace et cinéaste de l’organique, de la terre, du mouvement je reste néanmoins circonspect par son utilisation fictionnelle et l’utilisation de ses acteurs, en permanence dans une emphase théâtrale de la souffrance afin de cueillir l’empathie forcée d’un spectateur forcément désarçonné. Hormis quelque grossissement de trait pour la fiction, la première partie du film est une merveille de plongée en enfer, d’ambiance rocheuse, d’odeurs ocres et de perspectives de cadres assez hallucinantes, entre exiguïté claustrophobique de ces grottes/dortoirs souterrains et ce désert sans fin avec cette ligne d’horizon, constamment sable/ciel, qui ne cesse de sectionner l’écran en deux. La partie suivante, qui se concentre sur un homme qui envoie une lettre à sa femme avant qu’elle ne vienne lui rendre visite huit jours après sa mort, exige un calme impossible tant l’actrice exagère la situation dramatique, amenée à chercher le corps de son mari dans un cimetière sans stèles, dans le vent et la nuit. C’est sans doute trop pour moi, ou mal filmé. Je pense que Wang Bing est le cinéaste de l’errance dans la reconstitution historique, des tragédies, des bouleversements du paysage, un peu à la manière d’un Jia Zhang-Ke, la parole en moins. L’originalité contextuelle disparaît peu à peu au profit de la force dramatique de son récit, radicalité devient romanesque, Wang Bing se laisse submerger par le facteur souffrance, cette propension à montrer alors qu’il peut raconter la même chose en passant outre. Ça restera quoi qu’il en soit un film désertique d’une violence accablante.