Je te promets.
7.0 Plus qu’un simple récit initiatique, L’apprenti est une rencontre, entre deux mondes, deux générations. Evidemment, le jeune Mathieu est au centre du film mais la faculté à faire exister les personnages qui gravitent autour de ce petit bonhomme n’est pas la moins bonne qualité du film. Mathieu, la quinzaine, ado gringalet qui n’a pas encore vraiment grandi, qui n’a pas mué non plus, est un garçon réservé et à la fois il renferme une énergie incontrôlée qu’il laisse exploser lorsqu’il se retrouve en groupe (avec ses amis à la piscine) ou entièrement seul (en courant après le coq). Le film va le suivre à la trace, d’abord dans son arrivée dans une ferme de Franche-Comté où il y effectue son apprentissage une semaine durant (en alternance, sans doute) puis quelques instants dans son quotidien parallèle, dans une salle de classe, des vestiaires sportifs ou dans un bar avec des amis. Samuel Collardey ne cherche pas à faire de cet apprentissage une construction schématique et ordonnée avec péripéties, intensité dramatique et tout ce que l’idée suggère de linéaire et de balisé. Son attention se porte essentiellement sur des gestes et situations quotidiennes triviales, qu’il s’agisse inévitablement de passer par les nombreuses tâches répétitives de la ferme (bétail, foins, traites…) ou des instants plus inattendus comme une révision d’anglais avec son hôte, une virée en mobylette ou la véritable mise à mort d’un cochon. Le film est clairement une fiction mais il s’engage partiellement aussi dans le documentaire et cet entre-deux est parfois délicat à percevoir tant il tente un peu à la manière de Nicolas Philibert dans Etre et avoir, de saisir des moments délicieux, qui donne l’impression d’une prise sur le vif – la séquence de nettoyage des sabots de l’âne est à ce titre merveilleuse. C’est un film dans la douceur, pendant un long moment. Il laisse se profiler l’examen en fin d’année mais, un peu comme dans Tomboy de Céline Sciamma (la rentrée), ce n’est pas cette issue sentencieuse qui engloutira le film avec ses personnages. Le film est autre, il s’envole. Car soudainement il se passe des miracles. Une entrevue avec un père que l’adolescent ne voit plus beaucoup depuis que ses parents se sont séparés, puis une discussion avec ce père de substitution (le paysan) sur les choses irrémédiables qui font un mal fou. Samuel Collardey se laisse parfois aller à une facilité un peu complaisante, surtout dans la durée de ses séquences, souvent interrompues trop tôt (pour ne pas trop dérouter) mais il saisit aussi quelque chose d’incroyable sur les rapports humains, familiaux, ces rêves qui nous étreignent, ces douleurs qui nous restent, et franchement par moment c’est bouleversant.