5.5 Bien que le troisième long-métrage de la cinéaste me reste en tête (ce qui n’était pas le cas des deux autres, indigestes et mauvais) et que je peux trouver mille et un arguments pour sa défense, je préfère m’attarder sur ce qui m’a rebuté et m’empêche d’y voir autre chose qu’une baudruche certes bien faite, émouvante, dynamique mais aussi et surtout maladroite.
Je vais commencer par la scène finale, sommet édifiant de sensationnalisme gluant. Dans un montage alterné et musical assez lamentable, un enfant s’en sort pendant qu’un flic meurt. Outre le penchant pour le clip publicitaire pro forces de l’ordre, c’est une idée trop binaire pour être prise au sérieux et bien trop appuyé pour émouvoir. Car auparavant, alors que le film évitait jusqu’ici intelligemment tout voyeurisme, il a fallu que Maïwenn montre un enfant surprendre son prof de gym avec un élève dans les toilettes des vestiaires. C’est d’une part grossier de le monter mais surtout ça n’a aucun sens dans un film comme celui-là, qui s’intéresse avant tout à la brigade, l’œil extérieur, car en l’occurrence il l’est totalement, ne doit pas avoir lieu à cet instant s’il ne l’a jamais été avant. Le film gagne a prendre le risque de ne pas éteindre le bénéfice du doute, à l’image de cette première séquence culottée ou encore de ces entrevues avec ce père dangereux dont on appréhende le danger en même temps que les membres de la brigade, il n’y aura jamais de contre-champ le montrant effectuer des attouchements sur son enfant, toute cette vérité insupportable c’est d’abord sa femme qui en témoignera avant que ce ne soit lui-même, selon une nonchalance répugnante. Le film n’est jamais aussi fort que dans ces moments là.
Il y a aussi une scène de bus lamentable où flics et enfants du voyage dansent ensemble comme s’ils partaient en colonie de vacances. Je ne vais pas m’étendre là-dessus tant le simple fait d’en évoquer le déroulement parle de lui-même. A force de chercher le réel à tout prix Maïwenn fait n’importe quoi.
Puis il y a une séquence intéressante et symptomatique où une adolescente avoue avoir sucer pour un portable. On (le spectateur) rit beaucoup de ce moment comme s’il était anodin, c’est vrai qu’à côté du père violeur ou de la mère qui branle ses gosses pour qu’ils s’endorment c’est plutôt faible, mais tout de même, pour un film qui se veut le garant de la non-existence de sous-problèmes je trouve ça très limite. Maïwenn semble vouloir à la fois traiter ces morcellements d’histoires d’égal à égal tout en cherchant à limiter leur ampleur tragique et grave par le rire. Le problème c’est que Polisse me laisse fréquemment cette sensation et qu’au mieux je trouve ça maladroit, au pire impardonnable. Cette scène est affreuse, la pire de toute, non pas parce qu’ils rient mais parce qu’ils rient pour nous faire rire. Et ça marche, la salle était hilare ! C’est la mise en scène d’un rire, ce n’est que ça, plus aucune recherche de réel, simplement une mise en scène comique. Et le clou est enfoncé lorsqu’une fois la majeure partie de la brigade concernée appelée pour une autre affaire, un flic réapparaît en entrouvrant la porte pour balancer sa vanne. Qu’il en ressorte une mécanique pathétique d’accord (on voit ça beaucoup dans l’excellent L.627 de Tavernier) mais c’est bien à nous faire rire que cherche la réalisatrice, avec des gens sympathiques et avec une suffisance que je trouve affligeante d’un point de vue déontologique, d’autant que comme je le disais le rire en question vient perturber la portée réaliste (Entre les murs est un film entièrement réussi de ce simple point de vue là). L’autre problème majeur du film qui devient là aussi systématique et désagréable concerne la construction de la séquence. Sur le moment c’est sans doute ce qui m’a le plus dérangé. Chaque fois il faut conclure par le rire, cette scène en est l’illustration parfaite, ça devient du comique de bd, façon petites histoires au commissariat, comme on a en bout de rayon de supermarché « Les profs » ou « Les blondes ». Maïwenn ne prend pas l’initiative d’un retour au réel, donc au sérieux, qui aurait été plus judicieux. Si bien que pour moi, Polisse est un film comique, sauf que je suis très gêné qu’un film devienne comique en parlant en permanence de pédophilie…
J’ai vraiment beaucoup aimé Polisse, peut-être est-ce aussi en partie grâce aux « soupapes » comiques un peu partout au travers du film, qui viennent, a intervalles fréquents dégonfler un peu la tension et la dureté du propos. Je pense qu’elles contribuent au film, à en faire autre chose qu’un objet négatif, même si l’on cède du coup à un attendrissement forcé…
Malgré mon attirance pour ce film, qui en effet reste en tête, ta critique a su pointer les points ce qui m’y dérangeait, tant pour la scène du bus que lors du final (plus gros problème à mes yeux) avec ce fameux « oeil extérieur » qui suit l’histoire du petit gymnaste…
Merci pour ce bel article.
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Merci à vous!
Je partage mot pour mot ce que vous dites concernant les ressorts comiques qui viennent dégonfler cette tension quasi permanente. Je me suis réduit à mettre sur papier ce qui me gênait dans le film mais la simple idée de film drôle pour contrebalancer avec le sujet, je trouve ça très fort et je pense que Maïwenn est dans le vrai à ce niveau tant les personnages n’ont que cette possibilité d’évasion. C’est l’utilisation qui me dérange mais je ne vais pas y revenir.
A côté de cela, de tout ce qui me fait écarquiller les yeux et bien j’ai très envie de le revoir, car mine de rien c’est l’un de ceux, l’an dernier, qui m’ont procuré des émotions aussi puissantes…