Violence en mosaïque.
8.5 Superbe et traumatisant, bien que je fus très déçu de constater que Dog Pound, le dernier film de Kim Chapiron que j’avais (donc forcément) trouvé excellent, en était le remake quasi exact. Une légère différence dans la forme (monochrome chez Clarke, frénétique chez Chapiron) et deux/trois partis pris comme l’absence dans le Chapiron de ce personnage incroyable chez Clarke, végétarien qui refuse de porter du cuir, écrit I am happy sur la peinture fraîche et monologue sur la confiance et l’établissement qui engendre le mal. Scum fonctionne aussi à l’énergie mais se remplit davantage de vide au sens où il ne se base pas sur un scénario sensationnel, ce qui intéresse Clarke ce sont les rapports de force au sein d’un mécanisme plein de rage rentrée avant qu’elle n’explose. Il n’y a pas de montage traditionnel. Hormis cet aspect de début (l’arrivée dans le borstal de trois petits nouveaux aux parcours bien eux) et de fin (la mort d’un détenu, le réfectoire saccagé) le film n’égrène que des saynètes sans véritable unité de temps, simple mosaïque de la violence qu’engendre ce système de rétention répressif. C’est impressionnant, c’est un film coup de poing au sens non galvaudé du terme et tout cela sans que le réalisateur n’appuie ou ne s’apitoie. Ni emphase ni sentimentalisme chez Clarke. Chaque détenu, aussi faible ou puissant qu’il soit, s’il prend des gnons justifiera ses bleus en disant qu’il a simplement glissé. Un caïd se fait défoncer, il disparaît. Un autre prend sa place. La fin, similaire dans les deux films, symbolise formellement cette différence qui règne entre l’original et son remake : plus longue d’un côté, démonstrative autant qu’elle est terrifiante tandis qu’elle est plus forte de l’autre, dans son économie et un épilogue à foutre des frissons…). En fait c’est simple, le Clarke me donne l’impression de voir un « 120 journées de Sodome » légal (même si les établissements en question ont été fermés peu de temps après l’action du film) dans lequel les gardiens participeraient moins aux sévices mais feraient en sorte que leurs prisonniers se les fassent entre eux. Le Chapiron a ce côté film hollywoodien édifiant, très écrit, très clean, presque trop formaté. Le Clarke semble avoir été fait en deux temps, il a ce climat que l’on retrouve nul part ailleurs si ce n’est dans les autres films de Clarke bien entendu.