Archives pour août 2012

Le coup du berger – Jacques Rivette – 1956

Le coup du berger - Jacques Rivette - 1956 dans Jacques Rivette 23.-Le-coup-du-berger-Jacques-Rivette-1956-300x227

Hors jeu.

   7.0   Aux échecs, le coup du berger est la réussite d’une succession de quatre coups parfaits provoquant systématiquement le mat ne pouvant piéger qu’un joueur débutant. On est déjà chez Rivette dans une approche du cinéma par le jeu. Une initiation, comme souvent dans ses films ultérieurs, entièrement féminine.

     Ici, une jeune femme quitte son foyer conjugal pour rejoindre son amant. Lorsque ce dernier lui offre un manteau de fourrure elle se demande quelle astuce pourrait-elle employée pour ne pas attiser les doutes de son mari concernant cette liaison. Femme et amant décident d’élaborer une stratégie improbable en confiant le manteau à une consigne de manière à ce qu’elle fasse croire à son mari qu’elle a trouvé un ticket dans la rue, lui proposant d’aller lui-même voir ce qu’il en est. Une voix off annonce que Claire avance son fou. Après des essais pour convaincre le mari tous plus sans succès les uns que les autres, lui se méfiant et imaginant que si un ticket de consigne est perdu c’est qu’il ne doit pas y avoir quelques chose de valeur qui l’attend, la jeune femme finit par le convaincre à l’usure. Le plan semble fonctionner jusqu’au moment où la valise arrive et qu’elle y trouve une simple peau de lapin, ersatz sans valeur de ce manteau de fourrure qu’elle espérait tant voir à la place.

     Comme souvent chez Rivette, l’initiation prend une tournure étrange, où le personnage se perd face à un secret inattendu qui le dépasse. Est-ce l’amant qui aurait feint d’élaborer un plan pour en construire un autre dans son dos ? Est-ce que Claire n’a pas seulement rêvé de ce plan parfait ? Cette idée restera dès lors au centre du cinéma de Rivette, laissant parfois échapper des secrets douloureux (Secret défense) ou des complots impossibles (La bande des quatre). Le personnage semble donc naviguer dans une strate secrète qu’il ne peut atteindre. L’échiquier s’est renversé, annonce la voix off. En fin de film, mari et femme filent à une soirée. Claire y fait la bise à une femme qui porte son manteau de fourrure. Une femme qui lui semble alors bien proche de son mari. Le coup du berger. La débutante s’est faite piéger.

Paris nous appartient – Jacques Rivette – 1961

31.3Ville secrets.

   8.0   Manifeste de la nouvelle vague qui contient déjà tous les thèmes chers à Rivette. On peut dores et déjà évoquer l’utilisation du théâtre (thème que l’on retrouve dans La bande des quatre ou encore L’amour par terre) puisque ses personnages y construisent une pièce qui ressemble à une mise en abyme de la propre mise en scène de Paris nous appartient. La pièce c’est Périclès de Shakespeare. Anne, Périclès. Deux destins en miroir. Et une pièce qui peine à se monter, avec des acteurs qui disparaissent, un projet un peu fou par rapport aux moyens utilisés, on peut se dire que Rivette met en scène un peu du tournage de son propre film, réalisé sur deux ans.

     Paris nous appartient est un vaste terrain de jeu, plein de contradictions. Tout Rivette, en somme. Paris nous appartient. Mais « Paris n’appartient à personne », phrase de Charles Péguy, cité en début de film. Paris semble appartenir à notre grande bande de personnages, qui gravitent autour d’elle, en elle, y sont ancrés à jamais mais qui finalement disparaissent au compte-goutte. Suicide ? Complot criminel ? Toutes les possibilités sont envisageables.

     Et Paris nous appartient a en son centre ce personnage féminin, cher à Rivette, qui entre dans une spirale qui le dépasse. Et l’on sait tout l’admiration que Rivette porte en Hitchcock qu’il considère comme le plus grand. Il suffit d’une voisine qui évoque le prénom de son frère, la possibilité qu’il se soit suicidé, pour que Anne soit embringuée dans la machine. Secret défense, quarante plus tard, part de rien, de si peu puis c’est un monde qui s’ouvre, océan de secrets enfouis, de complots impensables, de personnages qui ne cessent d’entrer dans le film pour n’en sortir que morts. Le secret est un élément récurrent dans le cinéma de Jacques Rivette. Il est le coeur comme il peut être le parallèle. Comme le théâtre. Coeur puis parallèle. L’amour par terre, fidèle exemple. Ou plus récemment, 36 vues du pic Saint Loup, qui subit lui aussi ce transfert bouleversant.

     Et Paris nous appartient c’est évidemment Paris. Rivette et Paris c’est une grande histoire. A pieds, en train, en voiture, les trajets sont le coeur du film, systématiquement. C’est presque géométrique. On y trace des lignes, on y recroise des lieux. il y a quelque chose d’errant là-dedans. Une errance qui cherche, qui se perd, qui croit aboutir mais débouche sur du vide, quelque chose de trop grand. Tout n’est pas clair à la fin de Paris nous appartient. Il n’y a apparemment pas de complot, mais il y a des cadavres. Anne préfère se perdre dans son ignorance. Elle se tient devant un immense lac et observe les cygnes qui se donnent en balai.


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