Douce extinction.
7.0 L’apocalypse en douceur. En y réfléchissant, je me demande s’il y a plus inquiétante extinction humaine que de se voir progressivement – en l’occurrence épisodiquement – privé de ses sens. C’est la belle idée de ce film qui bien que respectant un schéma volontiers mécanique et optant pour une mise en scène peu inventive ou en roue libre derrière son récit ou à l’Américaine faussement humble (omniprésence musicale, construction linéaire et inserts de vidéos/photos de lieux du monde entier pour ne pas se borner d’égocentrisme) m’a saisi par son déroulement, sa puissance d’évocation et le lien amoureux qu’il fait naître entre ses deux protagonistes principaux, qui aurait tout pour ne pas fonctionner (Eva Green et Evan Mc Gregor, c’est tellement clean, tellement in sur le papier) mais qui trouve une grâce inattendue. On pourrait résumer Perfect sense ainsi : Naissance de l’amour à l’aube de la disparition de l’humanité. La force du film est donc de tirer parti de ce qui pourrait lui faire défaut. Ainsi, son systématisme ô combien prévisible est intéressant. La voix off, celle d’Eva Green, appuie cela dans la mesure où elle ne cache pas la progression funeste imparable. C’est une voix de l’au-delà, qui observe cet épisode tragique de la destinée humaine. « Ça a commencé comme cela » dit-elle, quand l’être humain, aux quatre coins du globe, subit la perte de l’odorat en vingt-quatre heures. On le sait par le titre et par le reste, ce ne sera pas le seul sens touché. Et le film, sinon de se terminer bêtement sur un retour à la normale miraculeux (car le film n’a jamais la mauvaise initiative de prétendre l’homme capable de contrer le désastre) se terminera sans doute dans le silence et dans le noir. Pourtant Perfect sense surprend autrement, dans sa manière de mettre en œuvre la tragédie. Il suit un processus infiniment mélancolique, se nourrissant de l’excès. Ainsi toutes les composantes de l’humain sont exacerbées autant dans la colère que dans la joie, mais surtout à travers le souvenir, donnée ô combien passionnante dans ce type de récit. Le souvenir d’un lieu liée à une odeur par exemple. Le cinéaste profite de cette liberté qu’il s’offre pour tout se permettre et tenter de mettre en communion spectateurs et personnages, tous deux devenus très vite spectateurs sans goût, sans odorat de leur vie ou expérience de cinéma. Des idées géniales émergent comme le simple fait de se jeter sur le savon et la mousse à raser et d’en déguster non pas le goût mais le bruit, le craquement, la texture. Se redécouvrir autrement. Vivre avec un sens en moins quand chacun s’en trouve dépourvu c’est vivre différemment, partout. Plus besoin de se parfumer puis plus besoin de saler les assiettes. Le sens parfait serait celui qui s’en trouve totalement dépourvu, le sens zéro, l’amour abstrait, sensé, mais non sensitif.