8.0 Le titre le suggère, le film pourrait démarrer comme un film de Rohmer. Introduction sur un phénomène cosmologique selon lequel les années comportant treize lunes seraient des années dangereuses. Cette idée disparaît entièrement du film ensuite, Fassbinder s’en sert uniquement en guise d’incipit pour nous avertir que son film sera le plus cruel, le plus désespéré qu’il n’ait jamais fait, en somme, par ces mots, il s’en excuse. C’est déjà une nouvelle manière de narrer et c’est je crois ce qui m’avait laissé sur la touche la première fois. Dans cette première séquence, les mots viennent s’ajouter à l’image et à l’image donc, Elvira sur les quais du Main, prête à faire une passe avant de se faire lapider par quatre hommes. Il nous semble juste avoir compris, au détour d’un plan bref, qu’Elvira s’est travestit pour aborder ces inconnus qui la ruent de coups une fois avoir découvert la supercherie.
L’année des 13 lunes est, grossièrement parlant, une descente aux enfers. De celles avec minces espoirs, faux rebonds, de celles qui engloutissent le personnage avec le monde. L’errance d’Elvira pour éclaircir son passé est systématiquement jonchée de désespoir et de pathétique. Désespoir d’un inconnu, par exemple, qui décide de se pendre (sous les yeux d’Elvira) non pas parce qu’il veut en finir avec la vie, avoue t-il, mais parce qu’il pense que ce monde n’est pas pour lui, que peut-être il s’adaptera davantage à celui qui l’attend de l’autre côté. Pathétique d’un grand patron qui sombre dans sa solitude et son hystérie (à reconstituer en boucle des chorégraphies de comédies musicales avec Fred Astaire) après avoir licencié tout son personnel, allant même jusqu’à concevoir quotidiennement de faux braquages dans la cour de l’immeuble.
Le film fonctionne régulièrement selon de longs monologues. C’est la reconstitution du passé d’Elvira et les rencontres du présent avec ceux qui comme elle n’ont plus leur place dans le monde. Le film prend le temps d’éclaircir ce passé et une fois qu’il le confronte au présent (Zora dans les bras de Anton, le refus de sa femme de tout reprendre) tout s’écroule de nouveau et Elvira se suicide.