6.5 Les rapports de domination entre les hommes sont toujours le centre des préoccupations du cinéaste allemand et déjà en 1966, dans ce court métrage de 10min, on ressent cette orientation liée à la peur du monde. Un homme sans le sou ère dans une grande ville, débouche une bouteille de pinard, fume le mégot qu’il vient de ramasser et se trouve englobé dans une ville mouvement, pleine de brouhaha et va-et-vient. Fassbinder use déjà de nombreuses idées de mise en scène, comme lorsque l’homme, soudainement, trouve un revolver sur un trottoir : le film devient muet durant cette séquence, entièrement, la ville elle-même n’a plus de son, comme si cet objet trouvé permettait à l’homme de transformer psychologiquement la ville en contrée désertique. Plus tard, c’est la musique (Beethoven, dans mes souvenirs) qui vient couvrir l’errance de l’homme armé, qui entame une symphonie du déterminisme désespéré. Pourtant, on ne sait pas trop s’il veut tuer ou se tuer, c’est sans doute ce choix là qui agit comme gage de survie, le simple fait d’avoir le choix. Lorsque deux individus malveillants lui chipent son pistolet c’est ce choix là qui s’effondre. Chez Fassbinder, le monde rejète puis humilie, car c’est bien le monde qui rattrape par grande coïncidence, ce clochard condamné (la trouvaille). Et quand il s’en méfie (il s’en débarrasse dans une fontaine) le monde (une serveuse) vient le lui rendre. L’humiliation finale, la même que dans L’année des 13 lunes, qui vient anéantir les minces espoirs (Elvira se voit privée de sa famille et de son grand amour, Le clochard de son arme à feu) ne peut avoir comme autre issue que la mort.
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