Déséquilibre.
4.0 On pourrait réduire ce faux pas à la simple présence de Valérie Lemercier, qu’on ne serait pas totalement à côté de la plaque, mais je pense que c’est plus compliqué que cela. Quand je dis Valérie Lemercier j’entends actrice bankable, Lemercier en elle-même n’y est pour rien. Oui, on peut se dire que Valérie Donzelli a perdu de sa superbe et donc de son énergie cinématographique en canalisant sans doute davantage d’attention sur la partie la plus onéreuse de son projet. Mais le principal problème réside dans la différence de problématique au sein de son récit en rapport avec ses précédents et essentiellement la place qu’elle-même, Valérie Donzelli, s’y offrait à l’intérieur. Le rôle du contraire de Joachim (Jérémie Elkaïm) à savoir cette professeur de danse à l’opéra Garnier ne pouvait pas lui échoir et en parallèle il y a le rôle de la sœur qui semble au contraire avoir été écrit pour elle. Le film est donc déséquilibré et moins fuyant. L’équilibre c’était La guerre est déclarée. Equilibre entre drôlerie et gravité parce que l’énergie imposée (avec une idée incroyable par seconde) l’emportait. La fuite c’était La reine des pommes, film fauché, au culot, qui se redéfinissait toutes les deux minutes. Au contraire de ce qu’elle revendique, je pense sincèrement que Main dans la main n’est pas plus singulier que ces deux réussites. Il y a bien entendu un matériau beaucoup plus absurde, mais ce qu’elle en fait est paradoxalement très sage, très carré, attendu. Prenons l’exemple de la rencontre fortuite entre Elena et Joachim : il y a une bonne idée, une seule, c’est la rencontre justement, peut-être le plus difficile. Et Valérie Donzelli crée quelque chose d’hyper artificiel, en tout cas anti-naturaliste, qui lui correspond à merveille – c’est à peu près la même scène que les cacahuètes dans son précédent film avec ce premier échange improbable « Juliette. – Roméo. – C’est une plaisanterie ? ». L’idée du sortilège plutôt que d’un désir sexuel soudain est finalement plus surprenant. Problème est que ce qui suit se révèle terriblement éculé et répétitif. La scène au commissariat de police est consternante. On dirait presque du Dany Boon. Alors d’accord, j’adore Valérie Donzelli, ce petit bout de femme pétillant et passionnant, qui lancée ne s’arrête plus de parler, avec le sourire jusqu’aux oreilles. J’aime sa façon de travailler – le monteur-son devient tel personnage, la figurante d’un de ses films devient scripte sur celui d’après etc…- et sa conception du cinéma. Mais son dernier film n’est pas bon, surtout au regard de ses précédents travaux. Il n’y a pas cette fusion miraculeuse. Ce n’est ni honteux ni désagréable évidemment, simplement ça reste au stade de l’anecdotique et j’en ai presque de la peine de le dire ainsi. Avec un peu d’indulgence on peut dire que son petit manège fonctionne un quart d’heure, ensuite qu’il devient maladroit. On peut aussi être touché par le sujet puisque une fois encore Valérie Donzelli réalise un film sur Jérémie Elkaïm (à qui elle semble lui faire une déclaration d’amour perpétuelle) et sur l’impossibilité de rompre (rappelons qu’il est le père de son fils mais qu’ils sont séparés à la ville) et cette simple idée me bouleversait déjà dans La guerre est déclarée. Et il faut voir le film pour Jérémie Elkaïm, justement, il est génial, comme toujours. Concernant Donzelli, elle reviendra sans doute avec de meilleures idées le prochain coup, je ne m’affole pas.