Archives pour juin 2013

Post tenebras lux – Carlos Reygadas – 2013

Post tenebras lux - Carlos Reygadas - 2013 dans * 2013 : Top 10 20497019-300x225Le diable probablement.

     8.5   Je suis allé voir le film durant les conditions météorologiques particulières de juin. Dehors ça tonnait, pleuvait à outrance. Gage d’immersion totale tant c’est un film au climat orageux en permanence, en particulier durant cette première séquence. Reygadas a toujours soigné ses introductions – C’est une entrée typique de son cinéma, je me souviendrais toute ma vie des premières minutes de son précédent film. Ici elle apprivoise un cadre et y crée à l’intérieur sa propre temporalité, au gré d’une temporalité d’apparence réelle, à savoir la tombée de la nuit. Une petite fille court dans un pré, sans but précis, elle observe le balai des animaux autour d’elle : chiens et vaches effectuent des mouvements circulaires, ils sont énervés, la nuit tombe, le temps se fâche. Le corps qui déambulait et tombait tout à l’heure, lâchant quelques mots ci et là n’est plus qu’une silhouette dans la nuit, dont l’ombre transparait quelquefois au travers d’un éclair.

     J’attendais beaucoup de ce film présenté à Cannes il y a plus d’un an (comme quoi un malheureux prix du jury n’engage pas nécessairement de sortie nationale prématurée), énormément même mais si je le craignais tout autant vu que le cinéaste mexicain a réalisé ce qui se trouve être le plus beau film des années 2000 à mes yeux, à savoir : Lumière silencieuse. Comment réitérer une telle merveille ? J’étais fébrile. J’étais excité. Et le film m’a cueilli. C’est magnifique. C’est en-dessous du précédent mais qu’importe, ce qui compte c’est que Reygadas tente des choses. C’est un cinéma qui me touche infiniment. J’ai beaucoup pensé au Tree of life de Malick mais c’est mieux car moins panthéiste, moins pensé avec la prétention de réussir l’œuvre ultime, au sens recherche de l’absolu. Reygadas adopte une nouvelle manière de raconter la vie d’un couple en crise, en effectuant des trouées temporelles, entre rêves et souvenirs, projections et présent. Certaines séquences font partie des plus belles vu cette année sur un écran de cinéma. En ce qui concerne les références on se situe ici davantage du côté de Bergman (Après Tarkovski pour Japon, Buñuel pour Batalla en el cielo, Dreyer pour Lumière silencieuse en gros) même si c’est totalement Reygadas dans la forme. J’ai trouvé ça à la fois beau et effrayant, stimulant et décevant, fascinant et troublant. Quoiqu’il en soit je m’en souviendrai. C’est aussi beau, riche et hypnotique qu’un Oncle Boonmee, auquel on l’a beaucoup comparé, alors qu’ils n’ont pas grand-chose en commun si ce n’est la présence physique furtive du Malin, singe ou diablotin. C’est malheureusement Reygadas qui subit foudres diverses, de ceux même qui aimaient Boonmee ou Lumière silencieuse. Procès de vacuité et de prétention alors qu’à mon sens, hormis son esthétique et sa narration nouvelle il me semble être très simple, dépouillé et universel mais surtout extrêmement humble. Un autre film auquel je pense, devant Post tenebras lux, c’est Faust, de Sokurov. Une version nettement moins désagréable. Faust avait été une épreuve pour moi, et dans le même temps j’en gardais une fascination monumentale pour un nombre incalculable de séquences. Le film de Carlos Reygadas agit de la même manière, sauf qu’ici j’adore son ambiance et je trouve cette histoire bouleversante. Mais à mes yeux ça ne raconte pas moins de choses que le Sokurov ou le Malick, ou le Carax, ou le Joe (pour reprendre tous les films cités à droite à gauche) c’est juste qu’avec nos yeux d’occidentaux il n’est pas aussi aisé d’entrer dans le trip du mexicain c’est tout, comme ça ne l’était pourtant pas non plus concernant les films suscités. C’est un film de séquences, ne se répondant pas nécessairement. Un film sans linéarité préétablie. Mais toutes ces séquences existent pour quelque chose, leur agencement est simplement contrarié. Il suffit de considérer le récit du point de vue de l’homme qui se meurt, rêve et se souvient (On peut même penser au Miroir, de Tarkovski) et tout fait sens. La scène sur la plage, où la temporalité est littéralement abolie, est à tomber.

     Un moment donné, l’image change brusquement, comme souvent chez Reygadas, une coupe brute, un déplacement de focalisation, de lieu, de personnages, on ne distingue d’abord pas la temporalité mais les repères vont émerger discrètement. Des paysans sont en train de jouer aux échecs dans une petite maison ouverte et se chambrent gentiment. Deux autres fument au dehors, l’un s’appuie contre le mur et est étonné de voir le crépi s’effriter. Nous sommes bien à la moitié du film pourtant nous ne connaissons aucun de ces quatre personnages. Nous ne savons pas pourquoi cette scène intervient à cet instant du récit, sans référent, comme beaucoup d’autres séquences de ce genre, mais elle existe pour créer une autre manière de narrer, via un monde habituellement hors-champ, en portant un regard sur ce que personne n’aurait montré. D’un coup, dans la discussion, il est question de Juan. Qu’est-il devenu ? Nous l’avions quitté quelques minutes plus tôt sur un coup de feu. Une sale histoire, parait-il qu’on lui a enlevé un morceau de poumon, dira l’un des types. Il faut accepter de voir progresser le récit de cette façon-là.

     Il y a la séquence des bains de vapeurs échangistes, se déroulant en France ? Pas sûr, en tout cas on y parle français. On ne sait pas non plus dans quelle chronologie est situé cet instant (je ne crois pas à un lien entre le sauna et l’infection évoquée plus tôt d’ailleurs, enfin je m’en fiche, le film ne fait pas de lien explicite je ne fais pas de pont non plus), nous ne reconnaissons d’ailleurs pas tout de suite Juan et Natalia, lui a la tête rasée, elle le visage beaucoup plus terne et ils sont en serviette avant de se mettre à nu, au milieu d’un sauna où les corps s’agglutinent dans leur laideur et leur beauté, étalage effrayant mais plaisir recherché tellement extrême que cela en devient sublime. On sait la fascination du cinéaste mexicain pour la nudité à l’écran, immobile ou en action : Batalla en el cielo s’ouvrait sur une fellation. Ici, les sexes sont ballants, les peaux fripées suintent de sueur, les corps sont fatigués, vieux, repoussants. Il y a pourtant la beauté du pourquoi de cette présence : prendre du plaisir, quel qu’il soit. Prendre à nouveau du plaisir, peut-être, concernant Juan et Natalia. C’est glauque quand on voit des vieux accompagnants une jeune fille, qui pourrait être la leur, nous n’en saurons rien, c’est beau quand c’est un couple qui souhaite sortir de l’impasse. Reygadas a toujours aimé débusquer la fine lumière s’extirpant des ténèbres. Il filme ces orgies en vapeur sans montrer d’acte sexuel sinon celui de Natalia, son abandon à l’orgasme, il suggère de ce lieu une offrande des corps mais ne jouit pas d’en montrer l’aboutissant, en un sens je le trouve même plus pudique que Kubrick ne l’était dans Eyes Wide Shut. Lors de cet abandon, un groupe semble s’attrouper autour d’elle débitant quelques mots d’élan plutôt salaces, hors-champ avant tout, le cadre saisissant une détresse masquée chez Juan avant de le laisser et de retrouver Natalia, dont la tête repose sur les genoux d’une femme, entre ses seins, devenue figure maternelle pour l’occasion. Cet ensemble pourrait être immonde, je le trouve bouleversant, dans ce qu’il suggère du plaisir recherché ailleurs dans le simple but de continuer de s’aimer.

     Le personnage de Juan est très intéressant car le film s’aligne à son parcours, le rend détestable sans le stigmatiser pour autant. Il fait de lui une figure occidentale stéréotypée, aisée et heureuse en apparence. On sait le Mexique divisé par les inégalités sociales et Juan représente celui que l’on peut voler. Il y a cette séquence du groupe d’entraide où chacun raconte son histoire, des histoires terribles, irréversibles et Juan se sent gêné de raconter ses problèmes sexuels qu’il juge dérisoire. Il ne le fait pas exprès, pourtant il se sent déjà au-dessus, différent des autres. Et Juan est aussi un personnage fantôme. Personnage central mais parfois personnage disparu, quand la chronologie s’émancipe comme lors de la fête familiale futuriste (Un anniversaire ? Une bar-mitsva ? Les enfants sont grands) par exemple, qui s’immisce entre une scène dans les vestiaires d’une équipe de rugby et plus tard, le réveil de Juan et Natalia, avec les enfants, petits, qui grimpent sur leur lit. Fête où déjà, le père est absent (prémisse et annonce de la tragédie ?).

     C’est un film qui me touche énormément, j’aime comment est construit sa dramaturgie. J’aime ce qu’il me raconte de ce couple, sans placarder quoi que ce soit, en ouvrant quelques brèches mais en y laissant beaucoup de mystère. Un couple qui tente d’échapper à la morosité de leur relation sexuelle, ou peut-être parce qu’ils veulent expérimenter, intensifier leurs ébats en faisant ce que jamais il ne pensait faire un jour probablement, moi ça me bouleverse. Un homme qui frappe son chien et qui plus tard, de façon totalement détaché dans le film, évoque son geste en se conspuant, se rendant compte qu’il fait du mal à tous ceux qu’il aime. Il y a aussi l’histoire du piano que Juan évoque sur son lit de mort. Il y a toute la scène sur It’s a dream, de Neil Young, évidemment. Et parfois c’est une image : des enfants sur une plage, grands puis sur le plan suivant, petits. Ou l’entrée magnifique, avec cet orage qui gronde…Ou c’est cet homme désespéré qui a perdu sa famille, trahi et tué son ami, qui préfère s’auto-décapiter car il ne laisse que terre dévastée derrière lui – le balai de ces immenses arbres qui craquent puis s’écroulent (j’ai pensé à Le diable probablement, de Bresson). Et puis tout simplement j’aime voyager dans le film, créer mes propres jointures temporelles, j’aime qu’on ne m’explique rien, qu’on me laisse le choix de m’y installer ou non. Et puis j’adore ce dispositif formel tout bête d’iris flouté sur les bords, je ne sais pas trop à quoi ça sert, ni ce que c’est supposé renforcé (les bords flous pour les bords flous du récit ?) mais ça crée une intimité, une signature (après tout Sokurov le faisait aussi, d’une certaine manière, dans son chef d’œuvre, Mère et fils).

The bling ring – Sofia Coppola – 2013

The bling ring - Sofia Coppola - 2013 dans Sofia Coppola 1016095_10151494983877106_1585328926_n-300x199 « Let’s go shopping! »

     8.5   Et si la plus belle adaptation du premier livre de Bret Easton Ellis, Moins que zéro, c’était The bling ring, de Sofia Coppola ? Dans le fond, on a déjà franchi l’errance de cette jeunesse en perdition qui régnait dans ce beau livre, on a même dépassé le suivant, Les lois de l’attraction, tant toute aspiration sentimentalo sexuelle étant ici entièrement évincée au profit du culte absolu du paraître, de la jouissance par le regard, par le glamour, un Glamorama en germe, culte des magazines people, des marques et des stars. Ils appellent Paris Hilton « Paris ». Monde où quand on pénètre dans un pub, on se doit de commander du champagne, en bouteille, porter des fringues hors de prix, adopter des postures, se prendre en photo avant de Facebookiser ou d’Instagramer tout ça. Dans une séquence complètement Ellisienne, le garçon de la bande, le seul entre toutes ces filles, paumé au départ, suiveur par la suite, s’esclaffe en voyant tout près de lui Kirsten Dunst, puis Paris Hilton dans le fond de la salle avant de probablement finir la soirée avec des producteurs de la série Entourage. Et si le jeu c’était cela ? Intégrer ce monde du paraître, s’immiscer entre les stars, vivre comme elles vivent (rouler en Porsche), porter ce qu’elles portent (chaussures à talons Christian Louboutin). Au départ, c’est un banal fait divers relaté dans un article de Vanity Fair qui aiguille Sofia Coppola, cette folle histoire de cambriolages de villas de stars effectués par des étudiants dont le pactole estimé s’éleva, avant leur arrestation, à trois millions de dollars. Passés maîtres de la cambriole non pas forcément chez les stars les plus friquées, mais chez les plus fashion, de Megan Fox à Orlando Bloom, en passant par Lindsay Lohan, que l’une des jeunes voleuses adoube à souhait, le petit groupe se crée une petite vie de starlettes, ventant ouvertement leurs équipées nocturnes en balançant des clichés éloquents sur la toile. Voler ceux qui nous font rêver, enfiler leurs costumes pour devenir un petit peu d’eux, une simple parcelle, rien qu’un sac de luxe Chanel parfois peut suffire, ou une Rolex. L’insouciance des conséquences jusqu’à l’utilisation de la petite sœur de l’une d’entre elles afin qu’elle leur ouvre, en passant par la chatière, la porte de la villa de Miranda Kerr.

     The bling ring est proche de Virgin suicides sur de nombreux points, tout d’abord car il me semble être l’amorce d’un relook pour Coppola, non pas qu’elle renie son cinéma, les thématiques restant similaires, mais elle était arrivée à une telle abstraction dans le précédent, réflexion par le vide sans aucun pic formel, qu’il lui fallait à tout prix une rupture conséquente, un film en mouvement, informe ou changeant continuellement de forme, comme si elle se cherchait à nouveau. On dirait presque un second premier film. En un sens je me prends à rêver que le film n’existe que sur un registre nettement plus expérimental, où chaque vol aurait été filmé différemment, sur le même temps imparti, des vols de Coppola qui remplaceraient les ciels ou les lacs de Benning, les crimes froids du Elephant de Alan Clarke, un voyage à travers l’Amérique non plus de piscines en piscines (The swimmer, de Frank Perry) mais de villas de célébrités en villa de célébrités. Coppola opte pour l’esprit Larry Clark, avec cette construction tendance Bully version soft, linéaire mais avec quelques interludes sous forme de flashs forward, où les personnages semblent faire face à la police ou à leur avocat, face caméra, entre deux séquences de braquage. Et il y a la présence parentale, inquiétante, comme c’était aussi le cas dans Virgin suicides. Sofia Coppola tente beaucoup de choses, moins que Korine évidemment (elle réussit moins, aussi) qui avec Spring breakers a crée quelque chose de totalement dégénéré, inépuisable, dû aussi au fait qu’elle se situe toujours dans une épure narrative, réduite ici à de simples répétitions de braquages, pour ainsi dire, qu’elle filme pourtant tous différemment. Filmer des voleuses en action. Pour rester sur la comparaison avec Spring breakers, je ne suis pas certain, contrairement à ce qu’on peut lire au sujet de The Bling ring, que Korine ait plus de choses à dire que Coppola. Il a davantage d’idées de cinéma dans sa besace, sans doute, mais dans le fond ces deux films racontent la même chose et sont tout aussi incomplet l’un que l’autre dans le constat qu’ils dressent de l’adolescence moderne, ce sont des films dans le fantasme et le souvenir, l’inconscience et le « présent néant ». En fait je trouve ça futile mais faussement futile, il n’y a pas de portrait exhaustif mais ça raconte tout de même beaucoup de choses, dans l’approche rêvée de capter une image, arrêter le temps, n’être qu’une projection fantasmée de soi.

     La première séquence du film avec cette intrusion prémonitoire – puisque le film nous montre ensuite seulement la rencontre entre les personnages – est une entrée en matière magnifique, trépidante, ce qui est rare chez Coppola, tentant de caler d’emblée le rythme sur lequel le film dansera. C’est comme souvent, très musical, mais dans un souci nettement plus épileptique. Je pense à ces séquences au découpage syncopé, l’exemple de celle en voiture (il y a beaucoup de scènes en voiture) où Chloé (mon personnage préféré) et le garçon chantent par-dessus Kanye West et Rihanna sur All of the lights. La cinéaste adopte par ces plans de cut systématiques, cette espèce de logique consumériste qu’elle filme, un peu comme Gondry lorsqu’il filmait ad nauseam la vidéo gag sur les portables dans The We and the I. Le film pourrait alors être en roue libre, avec ces chevauchées sous tubes hip hop, mais il y a des cassures inattendues, je pense en particulier à ce long plan fixe, quoique en léger zoom vers l’avant, où l’on assiste à l’un de ces vols, pour une fois vue de l’extérieur, avec les bruits d’un hélicoptère en fond (comme si nous étions dedans), plan sublime laissant entrevoir, derrière la villa marbrée vitrée subissant le balai de nos jeunes voleurs, un Los Angeles nocturne illuminé hallucinant. Une ville qui la nuit vit en bas, laissant pour mortes et systématiquement ouvertes, clés sous le paillasson, ces grandes baraques sans vie, remplit d’or. Le graal ce n’est donc pas le spring break ici, mais un autre abandon de soi, celui de ne vivre que pour mettre la main sur ces objets sacrés, sans craindre emprisonnement ni procès, Coppola dénaturant la peur de l’arrestation tout simplement car elle engendre le plaisir ultime : la reconnaissance médiatique. Elle ne filme pas non plus le procès puisque ça n’intéresse pas les personnages, leur vrai procès se joue dehors, en enfilant les Ray Ban et en campant la star dans l’incompréhension, avant de préférer donner rendez-vous aux fans sur leur blog, l’un relativisant en comparant ses actes à ceux des adulés Bonnie and Clyde, l’autre philosophant sur le pouvoir de son inconscience qui lui a révélé une énergie qu’elle exploitera en gérant bientôt une association caritative. Philosophie de star. Le film est en accord perpétuel avec ce qu’il filme et joue sur l’ironie comme Ellis le fait dans ses livres, avec une infinie tendresse et une jouissance absolue du superficiel.

Shokuzai (贖罪) – Kiyoshi Kurosawa – 2013

Shokuzai (贖罪) – Kiyoshi Kurosawa - 2013 dans Kiyoshi Kurosawa 998380_10151488769427106_254822295_n-300x200     5.5   J’étais pas loin de le snober. D’une part car je connais mal Kurosawa, d’autre part car deux épisodes pour un film de 4h30 n’est pas une motivation première. Mais hier c’était la grande pêche. Je suis allé voir le premier épisode en ayant le choix d’enchainer sur le second. Et j’ai bien fait de faire comme ça car je ne serai jamais allé voir la suite ultérieurement, je n’aimais pas suffisamment pour cela. Là j’étais dans l’ambiance du film et je suis content d’avoir tout vu sans quoi j’aurais eu quelques remords. Je conseille de le voir ainsi ! Encore faut-il avoir un peu de temps et l’envie de rester assis dans une salle obscure 4h30 durant. Personnellement j’adore ce genre de défi et ça crée une proximité particulière avec l’œuvre. Il y a des films de 5, 6 ou 7h que j’adore et rêverais de revoir d’une traite sur grand écran, je pense à La maison des bois, Mildred Pierce, Das boot, Carlos ou Satantango entre autres, tant le cinéma peut aussi être une expérience sur la durée et une durée que l’on se doit de respecter, ce que la salle de cinéma permet davantage qu’ailleurs. Il y a des choses que j’aime énormément dans ce film fleuve de Kurosawa, en particulier la manière avec laquelle il filme les intérieurs et cette ambiance proche du fantastique via certains motifs, certaines lumières ou diverses sources sonores nébuleuses. Le reste tient malheureusement énormément du récit, un mélo hyper chargé (le dernier épisode est limite insupportable d’enchainements et rebondissements dramatiques). Reste que je l’ai reçu comme je reçois une série, c’est très addictif. Mais en tant que film de cinéma je trouve ça vraiment moyen et ce n’est pas qu’une question de durée, j’ai vraiment beaucoup de mal avec cette sur-écriture, ce qui me gênait déjà dans Tokyo Sonata. Mitigé donc, mais mitigé content.

Un voyageur – Marcel Ophüls – 2013

Un voyageur - Marcel Ophüls - 2013 dans Marcel Ophüls un-voyageur-300x195     3.0   Je trouve que ça n’a strictement aucun intérêt. C’est un film autobiographique fait pour soi, à voir en famille en somme, entre Marcel et Max. Habituellement ce genre de parti pris ne me dérange pas mais là je trouve ça vraiment court, sans fulgurances, sans idées intéressantes. On regarde, on oublie. C’est un film de vieux comme le dernier Depardon. Reste la truculence du personnage, tout de même, qui sauve à peine le film de l’ennui mortel.

Le flingueur – The mechanic – Simon West – 2011

Le flingueur - The mechanic - Simon West - 2011 dans Simon West le-flingueur-jason-statham-2-300x199Jason.   

   2.5   Du Statham de premier choix. Aucun intérêt. Et en plus c’est tout mou. A défaut d’avoir des choses à dire sur cet énième ersatz de film d’action sans idées, parlons de Jason Statham. Finalement, le film c’est lui. On dit J’ai vu tel film avec Jason Statham voire J’ai vu un Statham, on ne dit pas j’ai vu Le flingueur, encore moins J’ai vu Le flingueur de Simon West. Il y a en lui une présence captivante, capable de part sa gestuelle lente et sa rapidité d’exécution, d’envahir le cadre autant que de s’y fondre. Il lui faudrait faire des bons choix, aller vers le vrai film en mouvement, un film de chair, où l’on ressent les coups et les blessures, le film d’un vrai cinéaste qui se focaliserait davantage sur la dimension corporelle que sur les canons narratifs. Pour le moment tous les films dans lesquels il joue (et dont il contribue largement à leur offrir de la dynamique, Statham étant presque un élément de montage à lui seul, au moins équivalent aux boites de vitesse manuelle dans la saga Fast and Furious) ont en commun le fait qu’ils se ressemblent tous et n’aspirent qu’à être des petits scénarios sans imagination déroulant leur mécanique paresseusement ou efficacement, sans prise de risque. Excepté un film (une saga ?) : Expendables, que je n’aime pas mais dont je reconnais un intérêt notable. Dans Expendables tous cabotinent sauf Jason Statham, en sous régime, comme à l’accoutumé, mais en l’occurrence complètement à côté de la plaque. Il y a chez lui un jeu très minéral qui demande à s’embraser, qui me fascine et m’évoque parfois Grégoire Colin chez Claire Denis, ou Vincent Gallo chez Vincent Gallo ou Vincent Gallo encore chez Claire Denis, mais eux se sont embrasés. Un The American, par exemple (le sublime film d’action au ralenti avec Clooney) lui irait comme un gant. A titre comparatif il n’aura jamais l’exubérance d’un Denis Lavant, qui lui aussi est un acteur physique (que l’on retrouve aussi chez Denis (Beau travail) ce n’est pas un hasard et chez Carax (Les amants du Pont Neuf), le cinéaste du corps) mais il peut naître de ce corps en sourdine une folie, une violence sèche, pour une fois non dépourvue d’émotion, j’en suis quasi persuadé. Jusqu’ici il n’incarne jamais en substance. Il est le boucher, pas l’homme caché derrière le boucher. Mais j’y crois. On a bien fait de Gosling une machine aux apparences et aux motivations humaines (Drive) alors pourquoi pas Statham après tout…

Le passé – Asghar Farhadi – 2013

Le passé - Asghar Farhadi - 2013 dans Asghar Farhadi 1010311_le_passe_1366977667311-300x200Les temps qui changent.    

   5.5   Farhadi fait de moins en moins de mise en scène. Une séparation, déjà, se cantonnait à filmer un scénario mais il y avait ce parti pris du huis clos qui étouffait complètement le cadre. C’était puissant mais irrespirable, je ne veux surtout pas le revoir. Je me souviens pourtant d’A propos d’Elly qui était une vraie proposition post-Antonionienne, où l’on avait remplacé le grand rocher de L’aventura par cette maison au bord d’une plage perdue. Il y avait un lieu, une force qui s’en dégageait, c’était fort, même si parfois maladroit.

     Là, avec Le passé, il ne reste qu’un scénario, avec les rebondissements qu’il engendre. Film à secrets, à tiroirs. Des cadeaux au pied d’un sapin que l’on déballe un par un. Pour que l’on y croie, et personnellement j’y ai cru, il faut une qualité d’interprétation. Farhadi est je crois un grand directeur d’acteurs. Et il s’agit parfaitement de direction tant la maîtrise respire dans chaque plan, qui ne laisse passer aucune idée de cinéma qui pourrait germer à l’improviste. Tous les acteurs sont excellents. Même Tahar Rahim. Et Béjo, j’en doutais, mais non, elle irradie l’écran, je trouve que son personnage est très délicat à camper tant il est souvent antipathique. Le cinéma de Farhadi a au moins cela pour lui : un scénario et des acteurs. C’est qualité téléfilm mais en mieux. Du film pour Télérama, haut du panier. Tout ce que je pourrais détester (cf A perdre la raison, de Joachim Lafosse) sauf que j’ai trouvé ça très émouvant.

     Outre le fait d’être le cinéaste des acteurs, Farhadi aime les intrigues. Il ne vise pas à établir de mystère insoluble comme déclencheur d’un drame existentiel ou Shakespearien, mais celui qu’il va s’enorgueillir de résoudre en comblant peu à peu les embouchures, sans rien laisser trainer. A propos d’Elly méritait déjà qu’on lui sectionne ses dix dernières minutes. Là, il faudrait se séparer du dernier quart : suites de rebondissements improbables rejetant la culpabilité sur chacun des personnages. L’autre idée désagréable c’est la sur-symbolisation parce que Farhadi ne supporte pas de faire un imprévu sans connotation symbolique, quelque chose d’inattendu débarrassé de sa grossière écriture, il ne laisse rien vivre à l’intérieur du plan. Ce sont deux mains puis une seule sur un levier de vitesse, une voiture que l’on manque d’emplafonner, une paroi de plexiglas dans un aéroport, une poignée de main évincée, un jouet coincé entre deux branches d’un arbre. Ces situations pourraient être traitées selon leur trivialité mais le cinéaste ne leur accorde qu’une place explicative quand elles mériteraient d’être déviatrices. Tout a un sens, tout prend sens, systématiquement. Il veut raconter la vie mais la vie est plus complexe, inqualifiable et surtout insoluble. Ce genre de récit devrait laisser davantage place à l’abstraction et ne pas se noyer dans la signification. Le seul symbole du film qui aurait dû être retenu c’est cette maison, en chantier, mais pas totalement en chantier, avec cet évier bouché, ce pot de peinture que l’on renverse et cette peinture que l’on nettoie, cette remise qui abrite le passé mais qu’il faut vider, ces étranges étages, cette cuisine à multiples entrées comme autant de point de convergence de relations isolées qui lient les personnages.

     L’élément qui catalyse le cinéma d’Asghar Farhadi, celui que l’on retrouve dans chacun de ces films, c’est la culpabilité. Ce nouveau film en tient une forte dose. Peut-on avancer en souffrant ou doit-on supprimer le remord et revenir en arrière ? Souffrir intérieurement ou souffrir en ouvrant sa souffrance ? Paroxysme atteint lors du climax de la souffrance mis en lumière par le personnage de la fille ainée qui dévoile son secret, ou dans la très belle scène de fin qui voit Tahar Rahim avancer dans un couloir d’hôpital, jusqu’à un point de non-retour, qu’il finit par ne pas franchir.

     J’aime tout particulièrement deux choses dans Le passé : la mise en place et l’intelligence du mystère en début de film sur cette relation indiscernable, sont-ils amants, ont-ils été mariés, sont-ils frères et sœurs ? Puis plus tard lorsque l’on essaie d’établir des liens familiaux : Est-il le père des enfants ou non ? Le film est très doux dans l’explicatif au début. Et j’adore la manière qu’a le film de glisser, quasiment en quatre temps, d’un personnage à un autre, en les installent provisoirement au centre (de leur culpabilité ?) du récit. J’aime que tout d’un coup l’un efface l’autre sans que l’on s’y attende véritablement, efface les autres avant de s’effacer à son tour et que ce soit finalement l’histoire d’amour bouleversante du plus effacé qui soit révélée finalement comme si cette histoire avait plus d’importance que les autres qui n’étaient que des intrigues de substitution.

American Pie 4 – American reunion – Jon Hurwitz & Hayden Schlossberg – 2012

American Pie 4 - American reunion - Jon Hurwitz & Hayden Schlossberg - 2012 dans Jon Hurwitz & Hayden Schlossberg url-300x188     4.0   C’est à la fois affligeant et pathétique tout en étant au bout du compte, à quelques instants, et parce que le premier volet m’a toujours fait marrer, assez savoureux dans son genre. Après voilà ce n’est qu’une copie du un, avec les mêmes gags, quinze ans après. Quinze ans de retard. Et ils prennent chers les pauvres Jim, Kevin, Finch, Oz et Stifler. Non pas physiquement, de toute façon déjà à l’époque ils faisaient trop vieux pour être en terminale. Non là le problème c’est qu’ils essaient de refaire plus jeune qu’ils ne l’étaient quinze auparavant ce qui crée un décalage assez ridicule. C’est un best of nostalgique avec le retour de tout le monde, de Nadia à Sherman, et j’en passe, c’est démodé, ça fait très early 2000’s et encore…

     Et depuis, des films sur les trentenaires il y en a eu, et des mieux, plus intelligents, de Knocked-up à Bridesmaids, là je me rends compte que Apatow a laissé tout le monde derrière. Sauf Araki, peut-être, attendons seulement qu’il abandonne ses petits jeunes délurés… Et puis ce que j’aime chez Apatow c’est la trivialité de la scène trash, imagée ou dialoguée. On peut balancer une avalanche de fuck et montrer un vagin en gros plan, pas grave, ça se fond dans l’ensemble, ce n’est pas vulgaire car ce n’est pas filmé différemment. Dans American pie, dès qu’on dit bite et couille ou qu’on montre une teub c’est pour créer un gag et l’ériger en trophée. C’est vulgaire. Il y avait déjà cela dans le premier de la saga mais la truculence et la générosité des vannes faisaient mouche malgré tout.

     On a bien rigolé quand même, mais parce qu’on était plusieurs devant et plusieurs à connaître les répliques en Vf du premier volet. Tout seul je pense que ça m’aurait bien gonflé donc je comprends qu’on trouve ça atroce. Car il faut s’attendre à ce qu’un mec fasse caca dans une glacière, à ce qu’une bite soit écrasée sous un couvercle de casserole transparent, à ce qu’un gars foute les doigts dans la bouche de son pote barbu en l’assimilant à un vagin, à ce qu’un type se fasse surprendre par son fiston en train de se branler dans une chaussette… bref c’est gras, gras et gras et comme toujours, d’une finesse sans nom.

Il y a longtemps que je t’aime – Philippe Claudel – 2008

21_-il-y-a-longtemps-que-je-taime-philippe-claudel-20081   3.0    Le problème majeur ici c’est la tentation de jouer sur deux niveaux. Miser à la fois sur la renaissance via la réinsertion tout en finissant par revenir à la source du drame, de façon à faire émerger l’innocence au sein d’une culpabilité d’apparence immuable. Une femme a tué son enfant quinze ans auparavant. Elle sort seulement de prison et retrouve sa sœur qui va l’aider à se réintégrer dans la société, non sans difficultés (mari méfiant, entretiens d’embauches sans issue). La première idée gênante est de cacher volontairement l’événement dramatique au spectateur, afin de le séduire, de le laisser un peu de temps dans le flou pour le tenir en haleine. Tout cela est bien trop écrit et formaté, jouant la carte du non-dit de manière grossière : le drame est sans cesse en filigrane mais on emploie systématiquement le verbe « faire » en lieu et place du verbe « tuer », on ne dit pas « prison » on dit « là-bas ». Quand le McGuffin se libère les mots sont alors utilisés et la musique de circonstance s’embrase.

     A mesure que le film se concentre sur cette femme (puisqu’il laisse volontairement dans l’ombre les autres personnages, cantonnés à graviter autour d’elle sans jamais exister) le film m’intrigue un peu car j’ai l’impression qu’il va abandonner la source du drame pour se focaliser sur cette nouvelle vie, cette meurtrière qui n’a plus vraiment l’air d’en être une, mais qui doit malgré tout trimballer ce fardeau. Là il pouvait y avoir un glissement, quelque chose de touchant dans la manière d’offrir une seconde chance au personnage. Le film m’intéresserais donc un peu s’il n’y avait cette bifurcation à trois quart film même si attention, en terme de mise en scène c’est niveau banal téléfilm, c’est d’une platitude sans nom et désincarné au possible (le jeu des enfants, mon dieu !).

Only god forgives – Nicolas Winding Refn – 2013

Only god forgives - Nicolas Winding Refn - 2013 dans Nicolas Winding Refn 41.-only-god-forgives-nicolas-winding-refn-2013-300x168Pas son genre.     

   2.0   C’est plus fort que moi, ce titre m’évoque Bettoun, Roger Hanin dans Le grand pardon, celui qui ne pardonne pas. Deux films très éloignés mais deux gros nanars. Il y a celui qui déclenche le rire malgré lui et celui qui nous l’interdit fondamentalement. Celui qui naïvement croit faire un Godfather à la française et celui, sûr de lui, qui se proclame comme étant le nouveau Jodorowski. Le mulet et le tyran.

     Il y avait souvent matière à jubiler chez Refn et cette impression de gratuité, de conscience de son vide et de son délire abscons, m’intéressait beaucoup. C’est ce que je ressens devant Valhalla rising, c’est pour moi ce qui le sauve. Et Refn sait créer une ambiance, non loin du mauvais goût certes, ce qui dénature son aspect séducteur. Mais Only god forgives est un film qui s’y croit, un film qui croit chambouler un genre, variant les plaisirs, entre polar sur-stylisé, complexe œdipien, dimension quasi métaphysique et fétichisme absolu du cadre.

     Refn fut le mec féroce (Bronson, loin d’être une réussite) avant d’être celui qui en a (Son film de viking Herzogien qui portait les stigmates de son cinéma bourrin) puis le mec cool (Drive, évidemment). Aujourd’hui, Refn se prend pour dieu. Les trois quarts des plans de son film boucherie s’amorcent sur un regard caméra, aux multiples significations, entre fureur et désespoir. Ce n’est plus que de l’auto caricature, là où Drive rejouait le plaisir du polar esthétique au ralenti et grimpait en jubilation. Caricature jusqu’au grossier non-jeu de Gosling, aux plaies béantes dans lesquelles dorénavant on plonge les mains, la couleur rouge omniprésente et la scène choc.

     Il n’y a plus de subtilité, plus de surprise et surtout plus aucune générosité dans l’accomplissement de ces séquences fortes. C’est un film agonisant et mécanique. En rupture de ton pour faire genre, ralentissant la dynamique de violence pour faire genre, avec des personnages ne desserrant presque jamais les dents exceptés pour la pose grimace, pour faire genre, encore. Le faire genre est probablement ce qu’il y a de plus ridicule au cinéma. Car en faisant genre on ne fait plus rien du tout, on n’est plus qu’artifice d’un genre, un corollaire ridicule.

Coup de tête – Jean-Jacques Annaud – 1979

01_-coup-de-tete-jean-jacques-annaud-19791La revanche des loosers.

   9.5   Prendre l’initiative d’écrire sur un film qui me suit depuis que je suis gamin c’est tenter de relever le défi de l’objectivité, souci qui ne m’a jamais interpellé concernant Coup de tête, tant ce film me fait rire, tant il m’a toujours semblé intelligent dans sa manière de brasser l’univers du football, sans pour autant être un film sur le football, et tant, bien entendu, je suis un inconditionnel du jeu Dewaere. Coup de tête était un sublime compromis dans la mesure où mes deux autres films chouchou mettant Dewaere en image n’étaient pas les plus accessibles, trash pour l’un (Les valseuses) violent pour l’autre (Série noire), des films à conseiller mais dont il faut se méfier, ce qui n’est pas le cas du film d’Annaud, à même de réconcilier tout le monde, détracteurs de Dewaere compris. Coup de tête, qui plus est, est un film pour Patrick Dewaere. Personne n’aurait réussi à camper ce François Perrin aussi bien que lui.

      C’est le film d’une revanche. Qu’on l’aborde d’un point de vue diégétique ou non. Revanche d’un pauvre type sur ses hiérarchies, d’abord dindon de la farce d’une machinerie embarrassante avant d’être érigé, un peu malgré lui, en messie d’un village, Trincamp, devenu, grâce au miracle d’un soir, ville de football, qui vibre grâce au pauvre type, Perrin. Et c’est évidemment la revanche d’un autre homme, d’un acteur, Patrick Dewaere, qui renoue avec le beau cinéma populaire et pour une fois ne partage pas la tête d’affiche, l’apogée de sa carrière avec le film de Corneau, avant cette période douloureuse dont on connait l’aboutissement tragique.

     Coup de tête est une formidable satire sociale trouvant sa dynamique dans les nombreuses séquences hilarantes que le récit lui offre, généralement par l’intermédiaire du génial Dewaere. C’est tout de même l’histoire d’un type que l’on met en prison à la place d’un autre parce qu’il n’est pas grand-chose comparé à l’autre. Au centre, il y a un club de foot amateur embarqué dans une aventure improbable en coupe de France. Souvenez-vous de Calais ou Libourne Saint Seurin il y a quelques années, et bien là c’est Trincamp. Allez Trincamp, allez Trincamp, but, but, but ! Scande un public émerveillé par ses joueurs, dignes représentants d’un club anormalement performant, qui ne sont rien d’autre que leurs collègues de boulot.

     A l’instar des gros clubs, il y a dans celui-ci aussi un leader, le buteur régulier de l’équipe, celui qu’il ne vaut mieux ne pas toucher. C’est l’irremplaçable Berthier. Et il y a cet inconnu, sombre attaquant discret, François Perrin, qui par excès d’éloquence et de jalousie d’un instant, tamponne Berthier pendant l’entrainement et se fait finalement virer sur-le-champ du club de foot ainsi que de son travail à l’usine (dans ces petites villes les deux vont de pairs, les dirigeants cumulent les fonctions).

     Mais voilà, c’est Berthier qui viole une nana un soir et c’est Perrin qui est accusé, ça passe inaperçu. La victime n’ayant rien vu et les pontes de Trincamp étant tous de mèches, flics compris, pour déplacer la culpabilité où ça les arrange. Jean-Jacques Annaud embraye alors sur un fait hautement improbable tout en trouvant un équilibre de crédibilité qui permet au film d’être davantage qu’une simple farce cynique : Lors d’un énième déplacement en coupe, seizième de finale me semble-t-il, le bus des joueurs est accidenté. L’équipe est décimée, il faut donc colmater les brèches avec ce qu’on a sous les mains (Il est même un moment question que l’entraineur bedonnant soit de la partie) de façon à présenter onze joueurs sur le terrain. Perrin sera l’un d’eux, extrait de force de prison. Le jouet idéal, un maillon inutile seul mais important pour le groupe, que l’on remettra en taule aussitôt le match terminé.

     Après une escapade en guise d’interlude où il rendra visite à la femme qu’il est censé avoir violé (une séquence désopilante) il finit par jouer au sein de l’équipe et ironie du sort, il plante deux buts qui permettent à son équipe de se qualifier et de rêver encore. « Que crie tous ces gens ? Loserand ? Silvadière ? Non, ils crient Perrin et jusqu’à dimanche c’est lui le roi ». Les actionnaires du club sont perdus, ils n’ont plus qu’à patienter le match retour pour que le roi soit délogé de son trône. La revanche jouissive prend acte dès cet instant-là. Perrin, le mec manipulé, devient le héros aux pleins pouvoirs. Mais il n’en veut à personne, il continue seulement de s’amuser. Il y aura un diner règlement de comptes verbal assez jubilatoire. Puis il y a aura le lendemain, le règlement de comptes physique tant attendu, où Perrin lui préfèrera finalement la passivité, plutôt la vengeance pacifique, pour un résultat insolite et réjouissant.

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silencio


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