Eureka, le voici ! L’album le plus attendu de l’année, le plus attendu depuis quatre ans : Slow focus, le dernier bébé de Fuck Buttons. Déception ? Forcément. Les deux précédents étaient bien trop puissants, fourmillaient d’inventivités. Le second surtout, claque magistrale, il créait une embardée cosmique d’une heure sans aucune baisse de régime et soignait nos tympans à sa manière : c’était à la fois douloureux et exquis.
Après quatre écoutes en moins de vingt-quatre heures, et toutes différentes (en bossant, en voyageant, en ne faisant rien, de jour, de nuit, dès le lever, peu avant le coucher…) je dois bien avouer que passé une première écoute m’ayant rendu quelque peu sceptique (décevante pour du Fuck Buttons, efficace pour n’importe quel autre groupe) je trouve dorénavant cet album superbe, autant dans ses agencements (on regrettera néanmoins les folles transitions de Tarot sport, moins travaillées ici) que dans sa générosité à étoffer ce beau voyage.
Hasard ou non, j’ai beaucoup réécouté Street horrrsing ces derniers jours, le premier de leurs, désormais, trois albums. Et c’est un album très difficile. Fort et inventif (surtout pour un premier essai) mais tellement éprouvant dans sa mixité de sonorités, poussant le drone à un point de saturation tel qu’il m’arrive parfois de poser le casque deux minutes au milieu d’un morceau – Race you to my bedroom / Spirit rise, neuf minutes éreintantes. Tarot sport était l’album parfait, celui qui allait réconcilier ceux qui en voulait encore davantage et ceux qui en voulait nettement moins car il remplaçait le déluge sonore par l’étirement hypnotique, le drone par le shoegaze, l’immersion ténébreuse par l’envolée astrale, l’étouffement par l’exaltation.
Slow focus démarre sur des percussions de bidons métalliques, à un rythme indécent, ambiance d’emblée caverneuse et le morceau, Brainfreeze, va s’envenimer neuf minutes durant autour de cette tonalité aussi jubilatoire qu’effrayante. Year of the dog opère alors en transition tout en synthétiseur, je pensais tout d’abord que c’était le morceau le plus faible mais son air de rien me fascine, cette espèce de boucle évanescente prépare gentiment le morceau suivant, The red wing, qui adopte un rythme nettement plus down tempo même si l’on s’apercevra, à mesure, que ces huit minutes quelques peu inattendues sortent bel et bien des instruments de Fuck Buttons. Ensuite, je suis archi fan des six minutes de Sentients, je ne peux vraiment dire ce que j’y entends mais ça m’emmène loin. Prince’s prize me parle moins mais il introduit à merveille les deux morceaux phares, Stalker et Hidden XS, deux voyages de dix minutes chacun, down tempo (tendance Zombie Zombie) pour l’un et littéralement stellaire pour l’autre, qui clôt l’album sur un trip proche de Flight of the Feathered Serpent dans le précédent album. Du pur Fuck Buttons, en somme.
Ce n’est probablement pas un album surprenant au regard de la stupéfaction qui arpentait le premier album et de la perfection qui couvrait le précédent, qui était un pur chef d’œuvre. C’est le moins bon album de Fuck Buttons comme l’était le Godspeed You ! Black Emperor l’an dernier, qui restait malgré tout l’une des plus belles écoutes musicales de l’année, tournant aisément en boucle. Slow Focus tournera aussi en boucle (c’est déjà le cas) tant il canalise tellement ce que j’aime, ce qui me déconnecte instantanément de toute réalité, qu’il restera pour moi un haut fait de l’année, assurément.