Au-delà des collines.
7.0 C’est le meilleur film d’Isabelle Czajka, haut la main. J’aime tout particulièrement cette façon de mettre en scène cette banlieue, construite comme un centre commercial géant. Anais Demoustier et Ariane Ascaride y sont bouleversantes, campant mère et fille appréhendant différemment la mort de leur père/mari.
Emmanuelle est dans une période délicate de sa vie, elle a 17 ans, âge des possibles et âge de la peur d’être et de grandir. Elle doit depuis peu affronter la maladie de son père puis bientôt son décès. Le film n’est qu’un tissu d’errances quotidiennes, qu’elle passe majoritairement dans des trains, des bus, des tramways, lieux transitoires où l’identité géographique s’abolit. Le cinéma de Czajka est marqué par ce rêve de l’ailleurs, mais toujours gêné par le plaisir de collecter les objets du passé. Emmanuelle garde l’œil loin, derrière les tours, les panneaux publicitaires, mais elle ne peut empêcher son regard de scruter ce qui a toujours été là et que l’on a enfoui, comme un cadre photo ou un livre. Chercher un eldorado mineur, qu’elle ne peut définir mais dont elle se satisfait tandis que l’assaille cette vision, comme échappée du passé, avec cette jeune fille sur les épaules de son père en pleine fête de l’huma ou les souvenirs d’un père prostré dans son canapé à qui elle pouvait raconter ses mésaventures quotidiennes.
Le film semble vouloir faire cohabiter deux renaissances disjointes sans y parvenir, toutes deux forcées mais l’une plus volontaire que l’autre. Un voyage à Djerba ne suffira pas à les rapprocher. Le film se ferme d’ailleurs sur l’évocation d’une séparation, deux chemins de vie différents, une veuve qui se relève et une adolescente qui tente de tracer sa route. Le film pourrait alors se contenter de n’être qu’un douloureux passage à l’âge adulte mais la réalisatrice est plus intelligente et sombre que cela. Si le paysage ne cesse d’emprisonner Emmanuelle pendant tout le film (panneaux de pub, gares et collines) c’est en s’y mouvant qu’elle parvient à résister à sa propre déliquescence. Le dernier amer plan semble dire qu’être figé là sur un banc, dans un centre commercial, durant une pause repas, participe à l’extinction invisible de l’individu, dévoré par le cadre au point de s’y dissoudre littéralement. Il faudra attendre son prochain film (D’amour et d’eau fraîche) pour que la cinéaste nous offre enfin l’éventualité d’un sursaut idyllique.
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