To live and die in Louisiane.
9.5 Etant donné que je peine, ces temps-ci, à respecter mes principes (jusque-là quasi incontournables) de blog exclusivement centré sur le cinéma et bien je vais continuer à m’éparpiller davantage en ouvrant une page série. La première. Probablement pas la dernière tant le média m’offre beaucoup en ce moment.
En regardant True detective, je n’osais y croire. A peine bouclé je ne m’en remettais pas. Quelques semaines ont passé et je ne m’en remets toujours pas. C’est bien simple : Il s’agit du plus beau polar vu depuis longtemps (toujours ?). Depuis Zodiac, de Fincher, au moins. Mais en série, c’est à dire sur une durée de huit heures, le format parfait pour le genre. Ce dont je rêvais, en somme. Alors ça n’aurait pu être qu’un polar bien troussé, une longue traque mystérieuse, une enquête sur 17 ans, la Louisiane, un seul réalisateur (bon dieu ce que ça fait du bien) et une façon singulière de mettre tout cela en scène, comme s’il y avait deux présents, avec ce que l’on voit et ce que l’on raconte, tout en voyant parfois que ce qui est raconté n’est pas ce que l’on voit – La fusillade chez Reggie Ledoux, par exemple.
Mais True Detective c’est avant tout deux personnages : Rust & Marty. Matthew McConaughey et Woody Harrelson. Le plus beau duo vu depuis longtemps. Deux flics en constante opposition idéologique. Au nihilisme latent de Rust qui fonctionne par tirades spirituelles et désespérées répond le rationalisme suffisant de Marty. Du coup, si le récit de cette traque paraît relativement conventionnel, la relation entre les deux policiers prend une telle ampleur narrative qu’elle finit par être plus intéressante que la traque en elle-même. C’est un climat gonflé à la testostérone en permanence. On retarde le conflit ultime mais la bagarre attendue finira par éclater. Moment jubilatoire qui plus est. Rust marque une date à mes yeux. Rarement un personnage n’avait été aussi passionnant, torturé, magnifique. Et puis bordel, c’est la classe absolue. Mais McConaughey c’est la classe absolue, de toute façon. Le mec, depuis trois ans, il revient vraiment de nulle part.
True Detective se paie même le luxe d’être un formidable polar en mouvement, variant les lieux, s’engouffrant peu à peu dans les paysages arides de la Louisiane et la folie de Rust (des visions, notamment). Tu sens que tout peut s’essouffler après une hallucinante séquence (quasi inutile, d’ailleurs, c’est ce que j’aime) qui met à l’amende n’importe quelle scène d’action, mais l’épisode suivant rebondit autrement, la série trouve toujours le bon tempo et s’en sort miraculeusement. Le fait que la série affiche une construction étonnante via un montage astucieux qui convoque les dires du présent et les images du passé, une sorte de double enquête, sur un tueur puis sur nos deux policiers, crée un décalage passionnant qui selle l’alliance entre les deux personnages, alors qu’elle avait, vingt ans plus tard, plus moyen d’exister. C’est un mensonge qui les lie définitivement.
Il faut préciser que ce n’est pas une série déprimante, loin de là. C’est sombre, désespéré, mais jamais déprimant. C’est même parfois très drôle, décalé. A ce titre, je crois n’avoir pas vu de plus belles battles de doigts d’honneur dans une fiction. Il n’y en a que deux mais elles sont tellement magnifiques. La dernière, notamment, à cinq minutes de la fin, dans la chambre d’hôpital, est un pur chef d’œuvre. Au passage, j’adore la fin. Toutes les strates qui la composent. On évite les twists en tout genre, les révélations abracadabrantesques, c’est même hyper déceptif comme final, bref tout ce que j’aime. Reste un polar d’une simplicité déconcertante en terme d’enquête mais archi complexe du point de vue de ses personnages, à la fois paumés et lucides, bref, contradictoires, comme la vie. Je pourrais à l’aise tout revoir dès maintenant. Mais je vais plutôt attendre la sortie du Blu ray.