Publié 19 juin 2014
dans David Cronenberg
Les damnés.
6.0 Alors, alors, alors. C’est beaucoup mieux que Cosmopolis, déjà, ce n’était pas compliqué en même temps. Cronenberg retrouve l’émotion. On est loin de Crash bien sûr, mais je me suis fait à l’idée que Cronenberg ne retrouvera jamais la verve de son âge d’or. C’est donc un sous Crash. Peut-être même un sous Mulholland drive. Mais il y a quelques idées fortes et on retrouve sa fascination pour les abominations physiques – Une jeune femme couverte de cicatrices suffit. Finis les tunnels de dialogues, place à une folie plus traditionnelle mais non moins jubilatoire. Jusqu’à voir Julianne Moore en train de se faire prendre par Robert Pattinson dans une limousine – relents du film précédent. Qui n’est pas l’unique séquence où elle apparait en situation inconfortable puisqu’on peut aussi la voir faire quelques pets sur le trône. Moins glamour tout de suite. C’est vrai que les personnages sont assez mal esquissés. Mais ça fait partie du jeu et de ce qu’il dépeint mais bon, dans ce cas il faut une ambiance forte, un travail compensatoire sur la forme. Des idées de génie. Comme ces fêlés qui reproduisaient ad aeternam l’accident de James Dean dans Crash, voilà une idée proprement hallucinante. C’est parfois un peu lourd et facile (voire ridicule : L’effet spécial abominable de l’immolation) mais dans l’ensemble le film me plait beaucoup. L’horreur dans la vision d’Hollywood de Cronenberg c’est celle que traversent les enfants. C’est un film sur les enfants d’Hollywood en fait, un film d’horreur avec des gosses. Cette seule idée me fascine autant qu’elle me terrifie. C’est un film sur l’enfant star, déchu né, consanguin tout ça. Le jeune là me traumatise, avec son cou improbable. Sorte de Freaks new age. Ou de Joffrey Baratheon moderne.
Publié 19 juin 2014
dans Mathieu Amalric
6.0 C’est un film qui m’a beaucoup troublé. Je l’aime pour bon nombre de raisons, mais en même temps je trouve ça un peu raté. Mais en fin de compte ça m’intéresse plus que Tournée. En fait j’aime relativement le film parce qu’il me semble bien plus proche des préoccupations d’Amalric que ne l’était Tournée. Dans ce dernier, j’avais la sensation d’un film que Desplechin aurait fait s’il avait filmé un jour un homme seul au sein d’un groupe de femmes. Et puis ça faisait un peu performance et film show. La chambre bleue est plus intime alors qu’il adapte pourtant Simenon. Plus intime car il filme sa femme et qu’il semble lui dire qu’il ne pourrait la tromper qu’avec elle-même. Je trouve cela touchant. Bien que les ressorts mélodramatiques soient il est vrai peu séduisant.
Néanmoins je n’ai pas lu le roman de Simenon, mais la construction du film qui n’a d’yeux que pour son montage très cadré et calfeutré, laisse à penser que ses images les plus fortes proviennent du texte, à l’image de ce plan de sexe féminin dégoulinant de cyprine et de sperme. Et si certains motifs sont bien amenés (l’abeille, la serviette rouge) les atmosphères des lieux beaucoup moins. L’intérêt réside essentiellement dans cette façon de refermer d’emblée la mise en scène sur le personnage parce que la temporalité sous forme de flashback géant place le personnage dans une spirale éminemment destructrice (Après l’amour, le jugement).
Alors le film est mal fichu certes, mais il est singulier, il y a quelque chose de sensuel et cauchemardesque, avec ces motifs qui reviennent, ce gloubiboulga temporel, ça me plaisait, sans trop savoir ce que l’auteur avait à raconter. Quelque part, peut-être, ça me rappelait un film de Truffaut – La femme d’à côté. Le film prend vers la fin un accent un peu procédurier, très linéaire, bâclé. J’aurais aimé un truc plus puissant, plus sexuel même si dans l’ensemble il y a des choses très fortes (Les Sables, par exemple). Là je trouve ça quand même un peu sage dans l’ensemble, écolier poseur quoi. Le film s’enferme quelque peu sur la fin, est plus démonstratif. Mais la première heure est un beau geste de mise en scène.