Seven (Se7en) – David Fincher – 1996

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Des solitudes croisées.

   8.5   A l’époque, le cinéma de Fincher était un peu contaminé par cet effet de mode qui nourrissait tous les petits thrillers 90’s sophistiqués, dans sa construction, sa dynamique et son goût pour le twist. Il y insufflait pourtant un peu de sa personnalité. Seven reste un excellent polar (Quand on dira des derniers Fincher qu’ils sont de grands films, tout court). Il y avait là quelque chose de différent. Rien de révolutionnaire ni transcendant, mais c’était au-dessus du lot. Car au-delà de cette transparence imposée par le genre, le cinéaste a quelques grandes idées qui marquent durablement. Qui ne font pas adaptation de bouquin, ce qu’il tend néanmoins à être sans sa globalité (or, plus du tout lorsqu’il adapte le best-seller suédois). Tout d’abord Seven n’échappe pas à la règle Fincherienne du film monochrome, quasi noir et blanc. C’est sombre, pluvieux, cloitré et crade. La subtilité de son cinéma n’est pas encore de mise mais l’ambiance est déjà forte.

     Naviguant au gré des cadavres retrouvés, pour la plupart en décrépitude, le film est une succession de séquences fermées, où l’odeur pestilentielle transpire de l’image, cumulant pour les plus marquants : un obèse dans son vomi de spaghetti, un dealer dans un corps d’escarres, une prostituée mutilée de l’intérieur. Saw n’a vraiment rien inventé. Dans la succession, la répétition, le film est fort, sans concessions. Il est plus conventionnel lorsqu’il tente de construire du scénario. A l’image de ce flic au seuil de la retraite, vieux briscard dont c’est la dernière affaire, qui a tout affronté excepté ce qu’il s’apprête à voir. C’est du roman, du chouette polar certes, mais cinématographiquement c’est un peu engoncé, ça empêche le film d’être une expérience à part entière comme le fut début 2014 la série anthologique True détective.

     Il y a déjà cette attirance pour le buddy movie, grossièrement parlant. Certes, détourné. Comme ce sera le cas aussi dans Zodiac. Tellement coupés du monde que l’un rythme son sommeil d’un métronome sur sa table de chevet, l’autre semble vivre dans un souterrain, soulevant sa tasse de café lorsque le métro s’en mêle. C’est une affaire d’unions lointaines. Celle de Mills et Somerset n’existe qu’une seule semaine, pour John Doe, uniquement pour lui, ce tueur sans nom. Quant à la femme de Mills, pétrie par les doutes, elle lui cache provisoirement qu’elle est enceinte, tout en se confiant rapidement au collègue de son homme. La fin à ce titre n’en est que plus tragique. Mais là encore c’est du roman. Du twist.

     Seven est un film sans fenêtres. Où s’il en est sans horizons. La fin seulement, étrangement lumineuse, mais infiniment désertique, est cadrée et bouchée par les câbles et les pylônes d’une ligne à haute tension. Les rares issues sont systématiquement abolies. Le paradoxe qui habite le film est celui qui hantera toute sa filmographie, avec plus ou moins de subtilité : maîtriser les coutures de son sujet tout en le décousant de l’intérieur. Seven est en somme la naissance de ce procédé tant il ne semble d’apparence pas se démarquer de cette masse. C’est un cinéma maniériste qui se cherche. Une quête à la fois fascinante et maladroite. Fascinante parce que maladroite. On ne savait pas encore si Fincher serait davantage attiré par les gimmicks et les pirouettes ou par les formes et les ambiances.

     Le 7 du titre original remplace le V comme la double parenthèse fermée s’offrait le scalp du O dans Nymph()maniac. Mais le 7 ici ne sépare rien sinon deux flics antipodiques paumés. Dérèglement jusqu’aux génériques, scarifié pour l’un sous les bruits de Nine Inch Nails, se déroulant à l’envers (de haut en bas) pour celui de fin. Le sept est partout. Les sept péchés, les sept jours pré-retraite de Somerset. Et les indices d’un meurtre à un autre s’agglutinent. C’est du gadget. C’est joli, ça brille, ça impressionne, c’est adolescent. Et puis il y a cette succession de tableaux macabres. Le métro. La pluie. Ces lignes à haute tension. Nine Inch Nails, encore, déjà. Mais supplanté par Howard Shore. Tout un symbole. Film à défaut mais brillant exercice de mise en place d’un cinéma bientôt hallucinant et infiniment plus passionnant.

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