Publié 4 octobre 2014
dans André Cayatte
Au cœur du mensonge.
5.5 Le film fait un peu trop office de plaidoirie pour convaincre, à l’inverse de Mourir d’aimer (que Cayatte tournera quatre ans plus tard) qui sur un thème central similaire – le milieu professoral – nous embarquait très loin dans sa spirale mélodramatique. J’ai le souvenir d’un truc extrêmement physique. Un temps, on pense Les risques du métier fait sur le même moule. Le temps d’une première séquence, ouverture tétanisante où une adolescente sort en larmes en en courant de son établissement scolaire, dans un unique plan séquence suivant ses foulées jusque chez elle. Ça dure pas loin d’1min30 et ça donne le La. Martyrs, de Pascal Laugier reprendra une ouverture similaire d’ailleurs mais le plan sera plus outrancier, de face, en contre plongée. Ici ce n’est pas le personnage qui se cale sur la mise en scène de Cayatte mais l’inverse. Mais la suite est moins vivante, plus théâtrale, l’écriture y est trop prononcée au point de faire sonner faux certains dialogues. Et puis j’ai un problème avec les gosses du film. Ces filles doivent incarner le mensonge et certaines sont dans l’excès de façade à l’image de la petite Hélène, toujours stoïque, les yeux exorbités (sorte de Carole Bouquet ado) qui croyait sans doute jouer dans Le village des damnés. Malgré tout il y a quelques idées de marque : tout d’abord ce superbe dialogue conjugal entre le professeur accusé et sa femme, cette dernière culpabilisant de ne pas parvenir à lui faire d’enfant, poussant selon elle les parents de ses élèves à le considérer comme une menace, un dom juan et non en tant que père de famille. C’est une belle scène car on dépasse soudain le propos du film, on l’aère, on le détache de son obsession de vérité, son côté oppressant et son méticuleux travail procédurier. On ressent peut-être trop que Cayatte fut avocat en fin de compte. Son film peine à transcender son sujet, tout reste au stade de scénario filmé, bien que ce qu’il dit de l’importance du rôle des pères et de la dangerosité du mensonge enfantin vaille le détour, ne serait-ce que dans sa capacité à brouiller les temporalités et en faire un présent évolutif qui conte systématiquement sous flash-back, comme un juge remonterait un dossier en quête de vérité.
Publié 4 octobre 2014
dans Philippe Lioret
4.0 Philippe Lioret est un cinéaste attachant, au sens où il s’exécute et s’efface toujours au profit de ses personnages, qu’il aime défendre corps et âme aussi bien dans leurs élans de bonté sublimes que pour leurs faiblesses et mensonges. C’est à première vue un cinéma très sobre, débarrassé d’afféteries, collant aux actions, ne se dispersant pas. Un (petit) héritier de Sautet. Pourtant, je garde souvent une impression de lourdeur. C’est trop écrit pour s’incarner, trop obsédé par l’allégorie et la métaphore pour s’aérer. Tout doit faire sens, être dans l’explication, qu’il s’agisse de l’avant ce que l’on voit ou de l’après. Exemple : Lindon est ici, outre juge, coach de rugby. Mais ce détail d’écriture apparemment anodin masque en fait une lourde image bien explicite et non un procédé naturaliste – Comme on a tendance à classifier le cinéma de Lioret. Il faut se battre, ne cesse-t-il de dire à ses joueurs, ne jamais baisser les armes même si Goliath se trouve en face. Et en effet, Claire (Marie Gillain) ne doit pas se départir de son objectif (sauver une amie sur la paille en s’attaquant à une société de crédit) sur le simple fait qu’elle va mourir – On apprend très vite qu’elle est atteinte d’une tumeur incurable. La seconde scène sur le terrain de rugby (forcément, puisqu’en écho à une autre discussion entendue précédemment) est donc hyper sensée et prévisible, loin du match de boxe que constituait le sommet mélancolique d’un certain film de Sautet. Le cinéma de Lioret est binaire, cache misère. Jamais honteux, pas même désagréable mais médiocre. A l’image de cette nouvelle photo de famille que doit affronter Claire (observant la jeune femme sauvée aux côtés de ses enfants et de son homme) au cas où on n’aurait pas compris. Il y a pourtant de belles idées comme la scène de la baignade. Là, même s’il faut encore qu’il s’y passe quelque chose d’inévitable, la durée fait que ça fonctionne nettement mieux. Le reste est beaucoup trop lourd de sens et de signification alors que ça ne demande que vitalité via une mise en scène plus inventive, ce qu’avait plutôt bien réussi Sarah Polley dans son film Ma vie sans moi, qui reprenait une trame similaire mais préférait se centrer sur la peur de tout laisser au moyen d’un dispositif déjà plus impressionniste. Ou alors il fallait transcender tout ça, comme parvenait à le faire Valérie Donzelli dans La guerre est déclarée. C’était un film qui fourmillait d’idées, un film de cinéaste, non de scénario. Car concernant l’histoire, évidemment inattaquable, je ne l’ai pas lu mais j’imagine que tout est dans le livre d’Emmanuel Carrère. Là, Lioret veut d’emblée faire trop de chose (contexte social, politique, familial) en si peu de temps. Du coup c’est extrêmement glauque. Après, il y a l’image du père (de substitution) et celle de la remplacente, qui colle à la peau du film. C’est beau dans ce que ça suppose : préparer son départ, mais imposant tant Lioret y va de ses sabots. Au lieu de s’en tenir à son récit – Le rapport père/fille spirituel qu’entretiennent Claire et Stéphane, l’accueil de la mère de substitution – l’auteur en rajoute ci et là à l’image de cette séquence à l’hôpital, archi appuyée, où Claire fait passer Stéphane pour son père afin qu’il signe une décharge pour la faire sortir. Et pire plus tard avec un lapsus terrible où elle demande à ses enfants de rejoindre Papa et maman (Céline) à la balançoire. C’est du surlignage et c’est fatigant.