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Archives pour 11 novembre, 2014

The Leftovers – Saison 1 – HBO – 2014

The Leftovers - Saison 1 - HBO - 2014 dans + 2014/2015 : Top10 Séries LeftoversThe sound of silence.

   9.0   Et une série supplémentaire sur le thème de la disparition ! Dans les plus estimées, citons Lost – du même showrunner – qui s’était aventuré dans des contrées folles, hallucinogènes, sur six saisons, en se contentant de s’intéresser à ses disparus, naufragés d’un crash échoués sur une île plus que mystérieuse. Evoquons la superbe série française Les revenants (que l’on trépigne de retrouver) qui faisait elle réapparaître des morts d’antan tragiquement partis dans un accident de car, au sein d’une petite ville montagneuse et patibulaire. Il faudra dorénavant compter sur The Leftovers. Nouveau produit HBO, tout beau, tout neuf, qui n’a pas fini de faire couler de l’encre.

     Dès le premier épisode on est saisit. La série contourne d’emblée les attentes et la linéarité en présentant le fléau en une scène, avant de suivre une journée banale mais agitée à Mapleton, journée de commémoration du troisième anniversaire du drame comme n’importe quel patelin commémorerait le 11 septembre. L’atmosphère est anxiogène. L’ambiance musicale forte. On y entend du Max Richter, du James Blake mais surtout, surtout Sweet love for planet earth de Fuck Buttons. Caviar. Gros frissons me concernant. Autant dire que c’était déjà gagné. A part ça je ne comprenais pas grand-chose encore mais l’ambiance globale suffisait à me rendre attentif, fasciné, impatient. En un épisode pilot d’1h11 tu sens le truc ultra puissant qui couve déjà.

     La magie de The Leftovers et ce pourquoi il en vient à constituer un terreau d’attente prochaine absolument hors norme se joue dans sa propension à brouiller le tissu commun, la norme qu’impose les différents registres, fantastiques ou dramatiques. C’était la narration alambiquée de l’île monde créée dans Lost. C’était le schéma traditionnel de l’enquête pervertie dans Twin Peaks. Pour ne citer que ces deux-là. En se plaçant trois ans après les événements, la série refuse d’enquêter sur le fléau lui-même mais fait le pari de suivre les survivants de ce fléau, ce que ces leftovers, ces restes, sont devenus dans une trivialité quotidienne redistribuée. Un monde nouveau qui abrite un chaos imminent, entre ceux qui souhaitent chaque jour se souvenir et se murer peu à peu dans le silence jusqu’à mourir et ceux qui tentent d’oublier et de survivre dans une nouvelle réalité. On peut le voir comme un Lost inversé. Voire même comme un contrechamp de Lost.

     Les épisodes défilent et il est bluffant de constater le rythme émotionnel que la série impose. Ce qu’elle distille d’émotions, d’ambiguïtés, de métaphores, de tragique sous-jacent tout en restant constamment indomptable, éloignée de toute standardisation, de l’emprise sensationnelle. Il se joue ici quelque chose d’autre que son simple pitch, des événements qui semblent dépasser la série elle-même, tout respire un désespoir inéluctable, l’impression d’un château de cartes avant la tourmente. Il y a pourtant d’abord une frustration à ne pas être beaucoup plus éclairé sur le phénomène, les origines autant que sa dimension, mais la série choisit de nous tenir à l’écart de tout arrangement explicatif, nous laissant dans le même flou que celui dans lequel se trouvent les personnages. En un sens elle semble dire que la folie provient ce qui est inexpliqué et/ou inexplicable. L’évocation majeure de la religion, notamment dans l’épisode 3 centré sur le pasteur puis le suivant avec le bébé de la crèche qui disparaît accentue ce trouble et ce désordre général glissant progressivement vers le chaos. C’est un cataclysme qui ébranle tout, jusqu’à la notion même de foi : ici un homme en vient à venir lyncher un révérend en plein sermon. Rappelons que la série en s’ouvrant sur les disparitions intégrait celle du pape. Si les créateurs ont appuyé sur l’Eglise c’est qu’ils savent l’Amérique camouflée, si désastre, derrière cette institution à priori inébranlable. L’être humain semble aux portes de sa propre décomposition, dans son confort autant que ses croyances.

     Il y a une beauté et une cruauté à voir ce que ce phénomène crée de multitudes recomposées, à constater que les idéaux d’antan sont soit bouleversés (Certains tentent encore de fermer les yeux) soit anéantis par cette nouvelle donne. Le chaos provient au fond d’un profond sentiment d’injustice, puisque chaque famille ne le vit pas selon la même intensité. C’est le cas pour cette femme qui s’est vu privée, en ce jour de 14 octobre, de son mari et de ses deux enfants – Une probabilité aussi faible que de gagner au loto. A l’opposé, certaines familles ont été entièrement épargnées. Une personne qui disparait sur cinquante ce n’est finalement pas suffisant pour ne pas tenter d’y survivre. Cette impression d’injustice ne cesse de planer jusque dans cette disparition du pape qui ira côtoyer un dangereux condamné à mort ravi de sa cellule de transit. L’ébranlement provient de là : Si encore on pouvait réfugier ce ravissement derrière une solution cartésienne ou la possibilité d’absolution, mais pas du tout. C’est une injustice cruelle, d’autant plus cruelle et injuste qu’elle est inexplicable. Pour tout le monde. Ainsi, comment ne pas concevoir de se laisser dériver vers la folie ou de croire en cet ésotérisme (les fameuses blouses blanches qui refusent de gaspiller leur salive et tentent de guider les hérétiques vers ce que l’on croit d’une part être une sorte de rupture émotionnelle – se séparer de son passé – mais dont on apprendra vite un tout autre dessein) quand on se trouve face à l’impensable, qui semble apparemment uniquement guidé par les lois du hasard ? Comprendre alors pourquoi cette femme et mère de famille quitte tout alors qu’elle a, par chance, semble-t-il encore tout – On verra aussi plus tard que ce n’est pas si prosaïque. La série est puissante sur ce qu’elle dit de la non acceptation de ce statut de privilégie qui peut échoir à certain au milieu du malheur indomptable des autres.

     C’est tout le programme d’un récit fou qui entremêle les destins, les triturent, les chevauchent, déjoue les attentes, use de faux-semblants. Ces guilty remnants n’acceptent pas l’oubli et c’est parce qu’ils ne l’acceptent pas qu’ils vivent dans ce silence, ne choisissant aucune compensation affective. A contrario, le personnage de Nora Durst, touché par le départ de toute sa famille, donne un sens à sa vie en sondant les victimes pour que le gouvernement puisse éventuellement éclaircir les origines. Eux choisissent la souffrance. La souffrance muette, sans échappatoire.

     Quand la série, dans l’ultime épisode de sa première saison, cumule les idées si hallucinantes qu’elle te procure un frisson tenace et continu, tu te dis que ça se pose là, que le show dont tu rêvais secrètement est arrivé. Assister à ce contrechamp vertigineux où Nora se trouve face aux répliques cirées de sa famille disparue, assis comme leur de leur disparition fait dores et déjà partie des plans les plus terrifiants ever. Ecouter Kevin raconter qu’avant ce jour il aurait voulu fuir le noyau familial et qu’il fut pétri de honte lorsqu’il a senti ses enfants heureux de voir qu’il n’avait pas disparu. Et que dire de ce cri de Laurie lors du chaos incendiaire, qui renvoi au cri sourd de son fils dans la piscine durant l’un des tous premiers épisodes ?

     Depuis Lost, quelle série jouait à ce point de cette sidération permanente ? The Leftovers parait pourtant plus ramassé, plus concentrée et concise que son modèle – Deux fois moins d’épisodes, déjà – ce qui du coup provoque cette impression de dévastation constante, dans chaque épisode, chaque séquence où l’on ne sait jamais où l’on va finir – entre réalité parallèle, personnages mystérieux, rêves indéchiffrables. Il faut aimer jouir de l’imprévisible. Et cette quête de la sidération parfaite – que l’on pourrait définitivement associée aux cinq dernières minutes de la saison 3 de Lost / Au « We have to go back » de Jack dans Lost, The Leftovers y répond via la plume de Mégan : « We made than remember » – semble être une constante en germe dans ce nouveau produit HBO.

     2014 aura vu naître deux bombes sérielles. Si True Detective semble marquer la quintessence du polar hypnotique, la perfection anthologique de l’année, huit épisodes qui se suffisent à eux-mêmes, The Leftovers est incontestablement – jusque dans son emphase et ses imperfections – la série (en devenir) la plus excitante, éprouvante, sidérante vue depuis longtemps. 

Les revenants – Robin Campillo – 2004

32. Les revenants - Robin Campillo - 2004Le mort qui marche.

   6.0   C’est drôle de voir ça en même temps que The Leftovers – Enfin ce n’est pas anodin, la série m’ayant rappelé que j’avais ce film sous le coude depuis belle lurette. Il s’agit donc du film ayant inspiré la série du même nom. Le dispositif est similaire mais le traitement complètement opposé – politique chez Campillo, intime chez Gobert. Le pitch est quasi celui de The Leftovers inversé, soit 1% de la population qui seraient dorénavant des (récents) morts sur le retour. L’ambiance est fascinante mais le film ne va nulle part. Enfin il ne choisit pas. C’est à la fois hyper flottant mais c’est aussi une fine étude sociologique, mais rien n’est suffisamment creusé. J’ai aimé le film mais cette double distance m’empêche d’être un peu touché alors qu’on sent le film très proche par moments d’atteindre une envergure dramatique vertigineuse.


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