Wise guy.
9.5 Fresque hallucinante, bouillonnante, vertigineuse avec sa narration éclatée, ses digressions les plus déstructurées et rocambolesques, Goodfellas n’en demeure pas moins d’une limpidité exemplaire, redonnant ses lettres de noblesse et une nouvelle jeunesse à un genre mythique : le film de gangsters. Scorsese y déploie son talent de conteur (voix off quasi omniprésente) et de monteur et dope sa mise scène de tout ce qui potentiellement peut enrichir sa forme, la tordre et l’asphyxier. Plans séquences bluffants (Celui où Henry invite Karen dans le cabaret, mon dieu), Jump Cut nauséeux, arrêts sur image, ellipses renouvelées, montage musical, transitions névrotiques, tout y passe. C’est une peinture totale et sans concession d’un monde toujours sur le fil, au bord de l’implosion – des sourires, des accès de violences, des élévations soudaines, des ruptures brutales – lui donnant un cachet complètement schizophrène, au moyen d’un personnage en particulier, qui grandit de son imprudence avant de s’écrouler de sa paranoïa. Un univers pathétique, tout en faux semblants, prétendus liens et identités illusoires. La caméra de Scorsese n’a donc jamais été si punchy et aliénante. Véritable bombe à retardement qui s’éteint d’ailleurs dans la dérision la plus totale et cruelle, sur un personnage vidé, balance et plouc alors qu’il rêvait – et en était persuadé – d’être le roi du monde. Scorsese a pondu un objet unique, fiévreux, un opéra absurde de violences et de jubilation. C’est un film qui se bonifie à chaque visionnage. L’impression de redécouvrir plein de choses à tous les coups. Je le revoyais en Blu Ray cette fois et inutile de préciser que ce fut le panard suprême. Plus j’y pense plus je me dis que c’est son chef d’œuvre.