Janitor of lunacy.
8.5 Revu cette merveille qui m’avait beaucoup marquée il y a quelques années. Grand film sur une adolescence aux illusions déchues, sans repères, qui se laisse dériver à un semblant de liberté post soixante huitarde, tandis que le conflit entre les générations se démarque inéluctablement. J’aime beaucoup ce que vient trouver Assayas avec ses acteurs, tout particulièrement Virginie Ledoyen qui irradie complètement le film, je ne l’avais jamais vu aussi habitée, ni même aussi bouleversante. C’est elle le moteur de cette révolte. Christine et Gilles sont au lycée, ils ont tous deux seize ans, vivent tous deux chez des parents séparés et n’ont que faire des cours qu’ils préfèrent remplacer par des vols au supermarché ou des petites fêtes dans une maison abandonnée. Assayas suit avec intelligence les dissensions entre les jeunes et les grands, ceux que l’on ne canalise pas et ceux que l’on ne voit pas. Quand l’un est surveillé de près dans les notes qu’il ramène, l’autre a le reste de l’année en pension qui lui pend au nez lorsqu’elle se retrouve prise au commissariat. Si les deux amis semblent suivre la même route, c’est Christine qui en sera l’initiatrice d’une nouvelle, une fugue sans rien, vers rien, fuyant à tout prix tout ce qui pourrait la rattacher à son passé. Assayas saisit des instants prodigieux. Je crois que c’est le propre de son cinéma, saisir des instants. Lors de cette fête par exemple, qui occupe les deux tiers du film, dans laquelle on voit une longue scène où chacun se passe une pipe de tabac, que l’on discerne à peine dans le noir, ou alors seulement le foyer qui rougit à chaque inspiration. Fête où l’on voit des moments de danse fabuleux qui ne sont pas loin de faire penser au cinéma de Claire Denis. Ou encore lorsque l’on décide de tout brûler et qu’un somptueux feu de bois s’improvise dans le champ. Plus tard aussi lorsque les deux amis s’échoueront au bord d’une rivière et tenteront de se tenir chaud. C’est une cristallisation de l’instant qui me parle énormément, en particulier quand c’est filmé ainsi, de façon si aérienne, envoûtante. Quant à l’utilisation musicale on n’en parle même pas : Nico, Dylan, Joplin, Leonard Cohen, Alice Cooper, Roxy Music… Je continue de penser que c’est le plus beau film d’Assayas, à la fois totalement désenchanté et complètement dans ses obsessions. Un film de mouvement sans but, de gestes perdus, de regards vides, de corps désarticulés, de lettres blanches, de brèches incomprises.
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