Gone girl – David Fincher – 2014

GONE GIRL, from left: Ben Affleck, Rosamund Pike, 2014. ph: Merrick Morton/TM & copyright ©20thWhat lies beneath.

   7.5   Il y a encore quelques jours je n’aurais pas cru pouvoir un jour être bouleversé par un film de Nolan et relativement déçu par un Fincher. Pourtant c’est le cas. Alors c’est un peu dur car j’ai trouvé Gone girl absolument brillant, efficace et passionnant sur l’instant, une séance comme je les aime, que l’on ne voit pas passer. J’ai simplement peur qu’il ne m’en reste vite plus grand chose. On verra. Là, dans l’immédiat, le film me plait. Mais ça me semble tout de même à des années lumières de ses récents précédents films – Hors Benjamin Button.

     Un plan de Seven pourrait à lui seul résumer la démarche de Gone Girl, celui de ces lignes à haute tension, qui saturent le cadre autant qu’elles convoquent une multitude de possibles. Une voiture au loin, minuscule, y sillonnait cette profusion d’axe provoquant à la fois angoisse de l’indécision et fascination pour sa résolution. L’espace infini et menaçant était balayé d’un revers par une longue séquence dans cette voiture qui parvenait elle aussi à multiplier les sources d’angoisse. Dedans autant que dehors, rien de rassurant. On pourrait faire ce parallèle avec toute la filmographie de Fincher, cela dit.

     Si au premier abord, Gone girl semble être un croisement entre Passion de Brian de Palma et Apparences de Robert Zemeckis, il ne s’en démarque que dans le dérèglement imposé par un récit transgressif, cynique, évolutif, d’un apparent statisme déconcertant. C’est à la fois un exercice de style triturant les bases du thriller domestique autant qu’un pur film d’épouvante sans qu’il ne choisisse véritablement de creuser le terreau hitchcockien ou s’aventurer sur les traces ésotériques d’un Lynch. A ne pas choisir, délibérément, le film surprend. Et son refus du climax accentue cette dimension angoissante. A tel point que ce détachement froid l’empêche aussi d’atteindre la grandeur de certains de ses précédents films.

     Fincher réinvestit donc un genre qui l’a fait naître et qu’il a d’emblée trituré (Seven) peu avant de le faire éclater (Panic room) puis de le broyer (Fight club) pour le souiller encore aujourd’hui selon une construction qui ne ressemble à rien de déjà vu et un récit absolument déroutant sans cesse en mutation. Le film se rie d’une société renfermée sur l’obsession de ce qu’elle renvoie, d’un modèle bourgeois polaire, famélique, jusqu’à y trucider violemment, dans une séquence magistrale, un golden boy inoffensif, pure figuration et objet de transition pulvérisé qui serait de l’autre côté dans un livre d’Ellis.

     Reste que Gone girl s’avère complètement prisonnier de son processus de désincarnation extrême, si bien que nous même nous désagrégeons à mesure qu’il s’engouffre dans cette glaciation sans fin. Cela est bien entendu renforcé par des jeux caricaturaux entre le regard de pierre d’une – excellente, au demeurant – Rosamund Pike en poupée de cire (Amazing Amy) que via un Ben Affleck rasoir qui n’a guère besoin de forcer son jeu amorphe habituel. C’est une grisaille – sublimes premiers plans – qui contamine absolument tout, jusqu’au plaisir diffus qu’on parvient pourtant à prendre, au détour d’une bourrasque de sucre qui remplace ce que l’on pensait être un doux manteau neigeux ou d’une composition de Reznor aussi riche que minimaliste qui fait grimper le désarroi.

     La dernière partie du film aurait été parfaite si le couple, une fois réuni, avaient amorcé un vrai nouveau départ, amoral, improbable, d’admiration mutuelle, mué par la transcendance du mensonge et du danger. Ou s’il avait délibérément sombré dans une folie furieuse. Au lieu de ça il s’embourbe dans une pseudo haine sourde tout en faux-semblant, prête à éclater mais que l’on ne verra pas éclater. Après une si cotonneuse déroute le film aurait pourtant bien mérité de basculer dans la farce ou le pur film de genre.

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