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Archives pour janvier 2015

Le fils unique (Hitori musuko) – Yasujirô Ozu – 1936

28.-le-fils-unique-hitori-musuko-yasujiro-ozu-1936-1024x752Mère et fils.

   8.5   Depuis le temps que je voulais découvrir le cinéma d’Ozu ! C’est chose faite, mission accomplie. Et une chose est sûre, je ne vais pas m’arrêter là-dessus.

     Le fils unique est le premier film parlant réalisé par le cinéaste japonais. C’est un film d’une grande douceur. Pourtant c’est un film déchirant et un amer constat social du Japon d’avant-guerre. Film qui s’en va cueillir par le prisme du temps (une ellipse de quinze ans) la relation entre une mère et son fils.

     Une ouvrière, plus exactement fileuse de soie, vivant dans la province de Shinshu, rend visite à son fils, Ryosuke qui s’est installé à Tokyo après ses études. Auparavant, le film aura pris le temps de saisir la situation provinciale, l’extrême pauvreté de son quotidien qui ne se marie pas vraiment avec une éventuelle réussite professionnelle de son fils, si celui-ci ne s’en va pas tenter sa chance en ville. C’est le premier déchirement, l’acceptation qu’il faille le laisser partir et se sacrifier financièrement pour lui payer des études onéreuses. On ne saura seulement très tard que Otsune a dû vendre sa maison et ses terres pour couvrir ce sacrifice, logeant semble-t-il définitivement dans le dortoir de l’usine dans laquelle elle travaille.

     Otsune vit avec cette espérance de voir son fils devenir un grand homme. Ce sont ses propres mots, son ultime espoir. Elle avoue à une collègue qu’elle pourra s’en aller tranquille le jour où elle saura que son fils a réussi.

     Lors d’une sortie cinéma à Tokyo, Ryosuke emmène sa mère voir un film allemand, La vie tendre et pathétique de Willi Forst et si lui parait fier qu’elle l’accompagne, enjoué par la toile, Otsune, de son côté, s’endort. C’est une très belle scène, douce, cocasse qui témoigne d’un fossé qui s’est immiscé entre la mère et son fils, qui sont dans un rapport au monde, à l’art, à la réussite totalement différent.

     Le film pourrait absolument tout concentrer sur cette relation mais il dessine en parallèle d’autres drames, à l’image de celui de Sugiko, la femme de Ryosuke qui l’envie d’avoir une telle mère, à l’image aussi de cette famille voisine où les deux enfants ne semblent pas avoir de père, à l’image bien entendu de ce professeur à Shinshu en 1923 devenu cuisinier dans le porc pané en 1935. Avec toujours, en filigrane, la dureté des lois de la ville. Ici Ryosuke quémande un peu d’argent à des collègues, là Sugiko se débarrasse de son kimono.

     Ozu s’intéresse beaucoup à ces temps suspendus, ces longs intervalles. Ce sont des réflexions, des recueillements, des adieux. Une parcelle de temps dans laquelle se joue tout une vie. Un personnage qui se fige, voyage dans ses propres pensés ou un plan sans personne dans le cadre, sur lequel s’inscrit un flottement dans le récit (le linge séchant sur un fil, une bannière de restaurant, des portes fermées) ou l’éternité des inquiétudes et des doutes (Un plan d’une minute sur le dessin de l’enfant à l’envers, recouvert par les sanglots discrets de la mère et traversé par une étonnante fusion entre la nuit et le jour).

     Les dernières secondes sont très émouvantes. Otsune, revenue à Shinshu, se repose sur un banc, après s’être délaissé d’un lourd seau d’eau sale. Le plan se cale sur son regard, qui se fige sur un contrechamp terrible, un portail fermé. Et le film de se clore sur ce portail. Si son fils garde la liberté de donner ses cours du soir, malgré un revenu médiocre, sa mère, elle, sans terres, sans maisons, est condamnée à l’usine, nuit et jour.

Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers) (Version interminable) – Bruno Podalydès – 1998

26.-dieu-seul-me-voit-bruno-podalydes-1998-version-interminable-1024x676L’homme qui aimait les femmes.

   9.5   J’ai découvert tout le cinéma de Podalydès l’année durant laquelle est sorti le troisième volet de sa trilogie versaillaise, Bancs publics (Versailles Rive droite). Une douche froide telle qu’elle parvint à m’éloigner un temps du cinéma de Podalydès, cinéma que je connaissais intégralement (jusqu’à ses courts) à l’exception de Dieu seul me voit, que je me réservais, savourais, délectais d’avance. Celui que cinéphiles et afficionados les plus aiguisés s’accordent à considérer, en majorité, comme son chef d’œuvre. Je me suis lancé dans la découverte tardive de cette supposée madeleine, aussi fébrile que méfiant, seulement l’an dernier. Et j’avais été déçu. Relativement, bien entendu. Déçu car ça n’atteignait à mes yeux pas la magie de son premier pourtant court opus versaillais et donc encore moins le magnifique Liberté Oléron dont j’avais fait à l’époque un film de chevet instantané, un vrai (Vu trois fois dans un laps de temps très court, si mes souvenirs sont bons). Déception relative qui m’avait tout de même bien déchiré le cœur tant je l’avais attendu et espéré comme le messie.

     A ce moment, j’avais pourtant déjà, depuis quelques temps, la version dite interminable dans mes starting. Craignant l’overdose j’avais préféré me retrancher sur la version cinéma, dans un premier temps, certain qu’elle me ferait me jeter sur la longue dans la foulée. Il m’aura fallu près d’un an pour transformer l’essai, ça me rend triste je dois bien l’admettre. Mais c’était peut-être le bon choix tant j’ai trouvé aujourd’hui ces six heures absolument géniales à tout point de vue. THE Renversement de situation. En fait, je pense ne pas avoir été satisfait par les deux heures de pérégrinations d’Albert Jeanjean à l’époque. Une version qui me laissait la vague impression de saynètes réussies, davantage dans la veine bande dessinée. Une somme de cases. Pas un ensemble. Il m’en fallait davantage. Il fallait que je me perde lamentablement dans son dédale sentimental sans pouvoir m’en relever. La durée (J’ai quasi tout regardé d’une traite). On y revient souvent. L’aubaine, tant cette version longue fourmille de détails futiles, de ludisme échevelé, de vides dantesques, de situations burlesques qui ne demandent qu’à s’étendre. C’est Charlot couplé à Tati, auxquels on aurait ajouté la parole. Et puis cette version rend l’ensemble moins abrupt dans ses enchainements, les épisodes se fermant systématiquement au bon moment, avec l’envie de poursuivre immédiatement. Une sorte de série idéale.

     Pourtant, à y observer de plus près, on n’a pas tant l’impression que Podalydès a chargé la mule. Son récit couvre toujours les aventures d’Albert Jeanjean, petit ingénieur du son sans ambition (Pourquoi t’es ingénieur du son, lui demande Anna ? Pour qu’on me laisse tranquille !) sur une semaine de sa vie de trentenaire avancé, entre deux tours d’élection municipale, pour laquelle il est assesseur au bureau de vote du coin. Une semaine durant laquelle il tombera sous le charme de trois femmes et finira par les faire tomber. Le parfait indomptable et improbable Dom Juan tant il peut souvent paraître empoté, lourdaud et cérémonial (lui qui n’aime pas rire au lit car il trouve que ça ne se marie pas très bien). Ce dimanche, en se rendant au scrutin, en plus d’une histoire de perche à récupérer, de raclette manquée la veille, de curieuse histoire de masque et de tuba – et finalement de chaussures de ski – Albert souhaite croiser à nouveau la femme de la première scène du film, qu’il a laissé filer avec son imper blanc et son chien, alors qu’elle lui demandait son chemin, qu’il s’empressa de très mal lui expliquer. Relation convoitée qui n’aura pas le temps d’éclore, puisqu’il la verra sortir de l’isoloir accompagnée d’un mioche. Ce jour-là il aurait aussi pu jeter son dévolu sur Anna (Jeanne Balibar) qui lui rendit son franc sourire au moment de sa signature mais c’est une fliquette un brin secrète – simplement venue prendre note du décompte des votes – qui attira son attention. C’est pourtant le lendemain, en Haute-Garonne, à ses heures libres, alors qu’il était venu faire la prise de son d’une interview du maire de Montgiscard qui tourne au fiasco pour cause de fanfare intempestive, qu’Albert, qui ne sut guère refuser de donner son sang (séquence hilarante dans la caravane) se retrouve bientôt à papillonner avec Sophie (Isabelle Candelier) une jeune infirmière. D’abord lors d’une soirée foot avec des amis à elle (Les sept nains, autre séquence à se faire dessus)  puis lors d’une autre soirée foot, chez lui cette fois, où ils sont accompagnés par le père de la jeune femme (génial Philippe Duclos, classe incarnée).

     Je ne vais pas faire une énumération du scénario mais cette générosité dans le récit provoque un nombre incalculable de situations banales rendues pas banales par leurs enchaînements, la durée qui leur est offerte, la mise en scène qui les caractérise. Ce quatrième épisode avec le père est d’ailleurs entièrement inédit. Et j’aurais tendance à dire que c’est celui que je préfère, celui que je trouve le plus beau, indécis, lumineux. Celui qui se rapproche peut-être le plus dans la gestion de la temporalité de Versailles Rive gauche. Celui où Albert Jeanjean est en réception. Sans doute parce que moi aussi j’ai toujours été gêné de recevoir. Bon, j’ai une casserole et un économe chez moi, personnellement, mais je me reconnais plutôt bien dans ce personnage, ses maladresses. Du coup je comprends pourquoi mon attachement à la version cinéma était moindre. On m’avait privé des meilleurs instants, qui sont beaux justement parce qu’ils sont de simples parenthèses entre d’autres moments plus cruciaux. Par exemple, tout le début du film, chez Albert – qui hésite entre plusieurs soirées – ainsi que le running gag magnifique avec Cruquet, c’est du bonheur à l’état pur. Sans parler de toutes ces séquences entre-deux, où Albert est chez lui, errant, déprimé, chantant, avec un fleuret à la main, arborant un sweet chou/fleur, une raclette polyvalente, un répondeur improbable, ses fameuses digressions solitaires. Personnage incertain, hésitant, parcouru de nausées pendant un rencart et réutilisant les arguments politiques de ses amis pour prouver qu’il a une conscience politique aux autres. Aux femmes, plus généralement. Ce que j’espérais finalement tant trouver devant la version cinéma il y a un an, je l’ai trouvé devant cette sublime version longue, qui pourrait durer six heures supplémentaires qu’elle ne parviendrait jamais à me lasser. 

     En amoureux de Versailles, amoureux des femmes, amoureux de son petit frère, Bruno Podalydès dresse un portrait élégant et fin d’un jeune parisien en pleine période de doutes sentimentaux, comme l’était un peu avant lui Paul Dédalus dans Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) d’Arnaud Desplechin – Impossible de ne pas les mettre un minimum en parallèle. Deux films riches, majeurs qui contiennent à eux seuls tous les questionnements intemporels des héros disloqués. Le Podalydès étant le versant comique du Desplechin. Avec un gout pour l’absurde poussé jusqu’à ses plus fétichistes élans au détour de chansons en boucle, chantonnées ou entendues, Guantanamera ou La Javanaise, une délirante obsession de Jeanjean et de son entourage pour sa calvitie naissante, Cruquet en guise de fil rouge, la curieuse et imposante place des animaux (Autruches, Flamants roses) ainsi que des balançoires et autres détails qui pullulent de partout. Art du dessin, aussi, qui pousse forcément son vice jusqu’à la citation, puisque Tintin semble être un vrai moteur, une présence permanente, qu’il s’incarne dans une petite fusée tirée d’Objectif lune, disposée à côté du répondeur d’Albert (Objet qui deviendra l’un des fils rouges du cinéma de Podalydès, avec la glaviole) voire de ce restaurant syldave (Hergé aime ça) dans laquelle nous verrons l’une des plus belles séquences de déclaration d’amour, laborieuse et incandescente, de l’histoire du cinéma. 

Un village français – Saison 5 – France3 – 2013

01.-un-village-francais-saison-5-1024x681Villeneuve leur appartient.

   7.5   Après une saison 4 scindée en deux parties, celle-ci invente encore et prend le parti de plus ou moins tout concentrer autour d’une date, celle du 11 novembre 1943. Les 25 ans de l’armistice de la grande guerre de leurs ainés appréhendés différemment suivant les uns et les autres, en s’inspirant librement du fameux défilé à Oyonnax. Inévitablement, le récit s’articule majoritairement autour de la résistance, mise en marche et construction de ses réseaux, des plus secrets indics aux collabos politiques, qui en profitent pour se racheter un avenir en vue d’une éventuelle défaite allemande, mais aussi les résistants purs et les jeunes maquisards. C’est donc à la fois la suite de la fin de saison précédente et son pendant élargit. Ce cinquième opus prend le temps de se mettre en place, trop, probablement. Les personnages charismatiques habituels sont résolument statiques ou retranchés hors  du récit, exception faite de certaines entités – Les frères Larché, Raymond Schwartz, Marie Germain – qui outre leur infime présence, prennent une importance secondaire inattendue.

     C’est la résistance qui importe ici, dans ses gestes, ses déplacements, son quotidien, son attente – Déjà la saison précédente m’avait quelque peu rappelé Lucie Aubrac de Berri mais ici c’est flagrant – et sur ce point c’est assez formidable tant d’une part il faut oser prendre un tel virage (axer le récit sur trois personnages centraux que l’on ne connaissait pas ou presque : Antoine et Claude, deux jeunes maquisards aux méthodes opposées et Philippe Chassagne, le nouveau maire, ordure en chef) mais aussi d’un point de vue purement théorique, sur la représentation du corps, l’image de soi à travers la guerre, autour d’une pièce créée par l’un d’entre eux (la faisant passer pour un chef d’œuvre maudit) leur permettant de combler cette lourde attente. Pièce répétée quasi chaque jour pendant une longue période, apparaissant à de nombreuses reprises durant six épisodes, minimum. C’est sans doute trop, puisque on s’intéresse forcément moins aux autres entités. Mais ça devient presque du Rivette dans ce que ça projette de jeu avec le réel, de personnages interchangeables, de métaphore de la résistance, tout en ouvrant le récit sur quelque chose de plus intime, l’obsession d’un garçon pour la direction de groupe et l’autre pour la direction d’acteur, qui se rapprochent inéluctablement laissant un semblant d’attirance/admiration troublantes en suspens. Le déchirement final ne convoite pas autre chose – larmes d’un côté, cri de l’autre, séparés par une paroi rocheuse.

     Une autre relation éclot aussi en parallèle dans une école. Pas super bien écrite, elle finit par se révéler plutôt touchante. Relation destructrice (Rappeler combien Lucienne peut être empoté pour tout) qui se nourrit de la peur et de l’inconnu quand celle du maquis naît de l’attente et de l’ennui. Je trouve que c’est une saison qui a des couilles que l’on aime ou non ses partis pris. Une saison construite pour cet épisode crucial du 11 novembre. Episode 10 extraordinaire, probablement ce que la série a offert de plus intense, exaltant et sidérant depuis son lancement (défilé, sabotage radio, l’image de Muller incognito au milieu d’une foule chantante, un maire infect roué de coups, Marcel au trou dialoguant avec un cafard, bref une journée aux allures de libération qui aura rapidement son revers de médaille). La saison met du temps à y arriver et aurait pu ne pas s’en relever (lors de ses deux derniers épisodes) pourtant elle ouvre et ferme brièvement quelques brèches fortes. A l’image de cette séquence à la fois comique et déchirante qui voit ces deux hommes clés du récit que tout oppose, subir la même exécution après avoir fumé ensemble une dernière cigarette turque et rit à gorge déployée sur l’inutilité de la présence d’un prêtre. La série a toujours travaillé son ironie et ses nuances mais rarement jusqu’à ce point de rupture. Encore une très belle saison, d’autant plus forte qu’elle respire une fois de plus différemment de la précédente, sur un faux rythme, un peu anodin, un peu répétitif, tout en continuant à travailler, c’est son point fort, et dessiner avec intelligence et malice ses trois plus grandes pourritures que sont et resteront le préfet, Chassagne et Heinrich Müller, évidemment.

King Kong – Merian C. Cooper & Ernest B. Schoedsack – 1933

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Gare au gorille !

   6.0   Je l’avais vu il y a dix ans mais en voyant Zaroff j’ai eu envie de l’enchainer dans la foulée. Les mêmes décors donc. Bateau, arbres, marécages… King Kong vaut surtout pour la mise en abyme du cinéma. Les effets spéciaux ont bien morflés mais on retient surtout un formidable découpage et un rythme trépidant. Chouette aussi.

Les chasses du comte Zaroff (The most dangerous game) – Ernest B. Schoedsack & Irving Pichel – 1934

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La loi de la jungle.

   7.0   Film tourné en même temps que King Kong, dans les mêmes décors, avec la même équipe. Budget moindre et effets moindres, reste pourtant un grand film d’épouvante doublé d’un survival dans la jungle. Très chouette.

Gaby baby doll – Sophie Letourneur – 2014

10444647_10152643178367106_7303119034612623307_nBœuf bourguignon.

   7.5   Oui. OUI ! Je ne suis pas loin d’avoir adoré. Pourtant je le craignais un peu. Peur que Sophie Letourneur s’oriente totalement vers la comédie négligeant ce qui fait le sel de son cinéma : l’adolescence éternelle, traitée légèrement et sérieusement. Mais en fait c’est excellent. Déjà c’est super drôle. Je ne pensais pas qu’elle serait capable de s’abandonner à ce point dans le burlesque. Mais surtout c’est beau. Magnifique cette Bourgogne. 2014 est décidément une remise en forme et en beauté d’une région pas tout à fait cinégénique – éloignée des standards, tout du moins – une Bourgogne mélancolique (Tonnerre, de Guillaume Brac) et mystique (chez Letourneur). Rien que pour cette soudaine et curieuse réhabilitation il faudrait voir coûte que coûte ces deux petites merveilles.

     La réalisatrice s’est assagie sans pour autant perdre de sa liberté. Moins foutraque et inventif dans les grandes lignes, Gaby baby doll se fait plus discret, d’apparence plus anodine, mais finalement plus émouvant. C’est encore une histoire de fille à la recherche de la bonne tonalité. Elle nous fait tout un film sur le mode de l’échappée auvergnate de La vie au ranch tout en gardant le ton du Marin masqué. J’ai aussi beaucoup pensé à Guiraudie et à Hong Sang-soo – Aucune coïncidence que la musique au piano soit celle de Jeong Yong-jin, compositeur attitré du cinéaste sud-coréen. C’est vraiment un cinéma avec lequel je me sens hyper proche, qui me touche infiniment avec trois fois rien et des trucs qu’ailleurs j’aurais sans doute trouvé ratés.

     Fidèle à elle-même, on retrouve avec plaisir ces séquences absurdes, ces dialogues vides (« T’as pas des chaussettes ? »), ce monde d’adultes perdus dans leurs pérégrinations enfantines. Un film où l’on mange des Figolu et des Palmito, parce qu’il n’y a plus de Pépito. Où l’on fait un régime à base de Chocapic. Où l’on se soulage tout en continuant de discuter (se remémorer la désopilant scène en question dans La vie au ranch) et on ne compte plus le nombre de scènes où Lolita Chammah est ici en position pipi. Où les personnages avancent pieds dans la boue (« C’est le parcours du combattant! »). Où les bruits les plus incongrus se répondent les uns les autres, ici le cri d’une femme et le meuglement d’une vache hors champ, là un grincement de porte en écho à ce bourdonnement improbable de compteur d’eau.

     C’est le doux éveil d’une femme. Tandis qu’elle n’existe quasiment pas au sein d’un groupe ni au sein du couple, elle devient quelqu’un en affrontant ses propres démons. Elle s’éveille à l’autre, à la nature, à elle-même. D’abord incapable de faire quoi que ce soit toute seule, pas même s’endormir (occasionnant après le départ de son petit ami Vincent, une série de séquences répétitives assez couillues et jubilatoires, avec les hommes du village) elle finit par entrevoir d’apprécier sa solitude au contact de Nico, un gardien (d’un château abandonné) mais c’est un dur labeur (« T’es un handicapé de la life »). Au début en enfant non émancipé, elle se jette dans ses draps, y mange, pisse entourée de sa couette et ne fait que dormir, tout le temps, partout. Ensuite, elle finit par se glisser dans son lit, avec délicatesse, y dormir paisiblement et jouir de sa réussite.

     C’est un conte de fée revisité sur un mode burlesque et bucolique, faisant se rencontrer une jeune femme et sa phobie de la solitude (Vincent, au début du film, ne lui sert véritablement qu’à la fuir) dont l’unique leitmotiv est de dormir et un garçon ermite dans sa cabane, prince aux allures pas vraiment charmantes (« Pourquoi je prendrais un bain ? ») qui n’éprouve de satisfaction autrement que dans sa solitude quotidienne. La parole de l’un exaspère l’autre et vise versa concernant les longues balades à travers champs, chemins et forêt.

     Benjamin Biolay en barbu crado mal fagoté est extraordinaire (« C’est mes gâteaux! ») et Lolita Chammah infiniment attachante. Elle était d’ailleurs présente à l’issue de la séance et j’ai fini par discuter avec elle en sortant. Elle a un fils qui a l’âge du mien. Et elle est fan de Memory Lane (dans lequel elle jouait) et du cinéma de Mikael Hers en général ainsi que de celui de HSS. Bref j’adore cette actrice mais maintenant je suis carrément amoureux.

     Fin de parenthèse étoiles dans les yeux : C’est vraiment un petit film sans prétention, avec son propre monde, ses codes, son tempo et ça ne ressemble globalement à rien de déjà vu. C’est une somme de références qui accouche sur quelque chose d’inédit. J’avais été un peu déçu par Les coquillettes, son Ha ha ha, mais en faisant, avec Gaby baby doll, un truc proche de La femme est l’avenir de l’homme, le cinéma de Sophie Letourneur retrouve à mes yeux toute la grâce de ses premières réussites. Un film tout en couettes, plaid et chaussettes. Un film avec les costumes les plus laids et cheap du monde. Le bonheur, quoi.

Jacky au royaume des filles – Riad Sattouf – 2014

10537105_10152282771877106_4410268319446344901_n     5.5   Je ne suis pas aussi convaincu que je ne l’avais été par Les beaux gosses, loin s’en faut, sans doute parce que ça ne me fait pas vraiment rire, mais tout de même je trouve ça réjouissant que l’on puisse sortir un film comme ça dans le paysage de la comédie française actuelle. C’est inégal mais étonnant. La fin est géniale.

Les rencontres d’après minuit – Yann Gonzalez – 2013

10492273_10152277014217106_869648707810670492_n     3.5   Je l’avais volontairement snobé en salle, je le sentais pas bien du tout, ce malgré les éloges critiques. J’ai bien fait, j’aurais détesté au cinéma. Alors que là, chez moi, ça ne m’a pas agacé du tout. Ce qui n’empêche pas le fait que je ne comprends vraiment pas comment on peut trouver ça bien.

Party girl – Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis – 2014

10590663_10152350273887106_4721498916679825501_n I’ll be your woman.   

   7.0   Très beau. Je conseille à tout le monde d’y jeter un œil. Disons que ça aurait pu être fait n’importe comment avec plein de mauvaises idées mais que la science du montage et l’humilité de la chose le propulse vers des cimes inespérées. J’ai beaucoup pleuré. C’est l’un de ces petits films, pétri de petits défauts narratifs et tics de réalisation, certes, mais qui vous réduisent en miettes, je préfère prévenir. Et les deux beaux morceaux de Chinawoman restent longtemps en tête.

Suzanne – Katell Quillévéré – 2013

1551618_10152257216797106_2893809024172204358_n     6.0   Beau film qui aurait néanmoins gagné à saisie davantage de moments volés, quotidiens, là en l’état je trouve que ça fonctionne un peu trop à l’utile. En un sens ça m’a fait penser à Tout est pardonné de Mia Hansen-Love, que je trouve pour le coup magnifique à tout point de vue. Mais c’est bien quand même, mieux que son premier film, Un poison violent, dont j’ai le maigre souvenir d’un truc très scolaire. Et François Damiens est étonnant de sobriété, il est excellent. Quant à Adèle Haenel et Sara Forestier, c’est du high level, mais c’est beaucoup moins surprenant.

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silencio


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