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Archives pour janvier 2015



Un jour sans fin (Groundhog day) – Harold Ramis – 1993

Un jour sans finSame o’ same o’.

   10.0   Au départ, Phil Connors (Bill Murray, dans son plus beau rôle) est un journaliste un brun ennuyeux, pédant, aigri, qui n’a le temps ni ne prend le temps de rien. Sa journée s’annonce longue et insupportable puisqu’il doit couvrir comme chaque année pour sa chaîne un événement à  Punxsutawney, petite bourgade froide et perdue de Pennsylvanie : les festivités du jour de la marmotte. Très pro et sans émotion il effectue le reportage habituel accompagné de la productrice de la chaîne et d’un caméraman en ne pensant qu’à son retour le soir à Pittsburgh. Un retour qui sera fortement perturbé par une forte tempête de neige qui bloque les routes. Le voilà donc contraint de passer une nuit dans ce trou. La nuit. Indéfiniment. Puisqu’il va se réveiller le lendemain, le surlendemain et ainsi de suite ce même 2 février, jour de la marmotte.

     Ce qui se révèle absolument génial, hilarant, bouleversant, c’est que cette introduction, suffisamment conséquente pour installer la situation, les personnages, contient déjà la plupart des amorces et clins d’oeil qui seront repris et disséminés autrement ensuite. Ici la rencontre d’un vieux camarade de lycée, là une banale flaque d’eau. Le réveil à l’hôtel à six heures pétantes. Sa relation avec Rita. Celle avec son caméraman. La tempête de neige. A cela vient se greffer progressivement de nouvelles données comme autant de possibles apparaissant dans les 24 heures de cette journée sans fin.

     Le film semble se découper en plusieurs parties reflétant les émotions de Phil vis à vis de cette journée infinie qu’il vit comme une boucle. Il y a inévitablement une longue période de désarroi, la première où il fait l’expérience éprouvante de revivre exactement la même journée s’il n’en change rien. Vient ensuite une période libératoire où il profite de ce privilège en se permettant tout : Il se fait sa grande bouffe, son Thunderbolt and Lightfoot, son Blondin échappé du Far West. Toutes les excentricités sont bonnes à saisir. Il va ensuite tenté de séduire longuement Rita mais n’y parviendra jamais, quelque soit ses efforts. Le film pourrait être un peu schématique et chapitré mais ce n’est pas le cas, il n’est pas si découpé que cela, jouant sur des moments d’ennui (on apprend qu’il lui a fallu six mois pour maîtriser le jet des cartes dans un chapeau), des running gags ou sa liberté de montage. Son réveil revient régulièrement, par exemple – sans cesse accompagné de I got u babe de Sonny & Cher.

     Quelquefois, le jour suivant reprend exactement là où l’on nous privait de la suite du précédent, souvent lorsque Phil se trompe dans son processus de séduction avec Rita et qu’il retourne ou contourne son erreur le lendemain. Si elle lui dit qu’elle trinque à la paix dans le monde, il la devancera par des mots similaires dans le prochain recommencement. Si ce jeu de séduction répété semble représenter son unique parade à la monotonie et nouvel objectif, la mise en scène masque volontiers la lassitude qui peut remplacer l’enjeu, le jeu. Du coup, un beau jour, Phil Connors craque et se suicide. Et il répète le protocole plusieurs fois et se suicide de toutes les manières qu’il est possible de se suicider. Le film sait osciller entre l’émotion et le rire – comme lorsque sa voiture chute d’une falaise. Mais rien à faire. Qu’il se soit électrocuté dans son bain ou fait écrasé par un bus, son réveil affiche systématiquement 6h00 le lendemain avant d’entonner la chanson habituelle bientôt coupée, continuellement par le journaliste radio qui rameute les campeurs à se lever pour la marmotte.

     C’est en avouant une première fois son secret à Rita – en lui montrant tout ce dont il est capable de prévoir – que Phil Connors ouvre son esprit. La dernière partie du film est la plus lumineuse. Elle justifie à elle seule le statut à mon humble avis sans appel que constitue Un jour sans fin, d’être la plus grande comédie romantique de tous les temps. Phil Connors devient gentil. Mieux que ça, il devient intéressant, bon, séduisant. Il s’intéresse aux autres, jusqu’à sauver ceux qu’il peut sauver – Un petit garçon tombant d’un arbre, un homme s’étouffant avec son bridge – puisqu’il sait l’heure exacte à laquelle chacun se retrouve dans une situation pour le moins délicate. Cela occasionne aussi des déceptions éternelles, puisqu’il est par la même occasion condamné à voir mourir chaque jour de vieillesse, un vieux sdf, qu’il vienne ou non à son aide.

     Phil Connors s’éveille au monde, à tout ce que ce dernier peut lui offrir de beau. L’art surtout. Il lit beaucoup – jusqu’à finir par citer Tchekhov dans son reportage quotidien. Il apprend à jouer du piano. Il devient celui que l’on distingue par sa générosité et non plus pour sa froideur. A s’éveiller à tout il éveille la séduction de Rita qui finit par se rapprocher de lui sans qu’il n’ait plus à calculer quoi que ce soit. Sa dernière boucle est la conclusion d’une quête qui n’avait d’autres dessein qu’une issue romantique, celle d’un homme à qui l’on a offert le privilège parfois douloureux mais ô combien salutaire d’aimer et d’être aimé. Et dire que Capra venait tout juste de mourir.

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