Les compères.
6.0 Voilà un drôle de film, un curieux projet parallèle, qui pourrait tout aussi bien être un pré making of ou quelque chose comme ça, voire une passionnante expérimentation de cinéma, aussi futile d’apparence soit-elle. Une discussion sur un film à faire. Au départ, c’est d’ailleurs un enregistrement pour France Culture. Au final c’est le film qui découle de cet enregistrement. Mais pas un docu calqué sur l’écoute, plutôt un film très découpé, écrit et travaillé. Un document hybride et déstabilisant qui m’a fait rire comme je n’avais pas ri au cinéma aussi rondement depuis longtemps. Depuis les apparitions du docteur Placenta dans La fille du 14 juillet, probablement.
J’adore Thomas Blanchard, depuis Memory Lane. Il y a quelque chose dans son visage, une gravité mêlée à une sympathie mystérieuse que je trouve fascinante. J’étais heureux de le retrouver chez Betbeder. Je me disais même qu’ils auraient dû travailler ensemble avant tant ils vont bien ensemble, le jeu de l’un avec le cinéma de l’autre. Je l’aurais bien intégré dans 2 automnes 3 hivers, tiens. Bref, j’aime beaucoup cet acteur. Il y a du Patrick Dewaere en lui. Un Dewaere qui aurait fusionné avec Pierre Richard. Une sorte de miracle, en somme. Pourtant, j’ai fini par chercher partout l’autre Thomas. Encore plus ici que dans Inupiluk. Probablement parce qu’il est plus ici que dans Inupiluk. On est parfois presque dans un one man show spécial, il m’a fait rire le bougre. Et je n’étais pas seul, ma salle était hilare, sincèrement. Le truc sur Giraudeau, celui sur De rouille et d’os ou encore l’allusion à Jean Rouch, j’étais à deux doigts de tomber de mon siège, vraiment.
C’est aussi la limite de ce film parenthèse (en complément de l’un et en attendant l’autre) de tout faire reposer sur la prestation sympathique et faussement improvisée de ses comédiens. Mais après tout, Herzog a bien fait Ennemis intimes, centré sur Klaus Kinski et c’est un très beau film. Certains trouveront donc ça vain et/ou nombriliste, suffisant, fourre-tout seulement pour se marrer voire même agaçant. Moi j’adore. Surtout en tant que complément de programme. Je trouve que c’est une autre manière d’appréhender le cinéma pour les acteurs, une autre façon de leur offrir la scène. C’est un peu Les valseuses tentent d’écrire un scénario, quoi. C’est fauché, gratuit, limité et ça fait un bien fou. Hâte de retrouver nos deux compères à Kullorsuaq qui s’annonce, mouillons-nous, comme le futur chef d’oeuvre de son auteur.