Inupiluk – Sébastien Betbeder – 2015

inupilukJ’ai toujours rêvé d’être un gangster.

   8.0   Après les beaux Je suis une ville endormie et 2 automnes 3 hivers (les deux seuls films que j’avais vu de lui) on savait Sébastien Betbeder fasciné par le mélange des formes. Il était quasi inévitable qu’il parvienne à ce point de rupture et de paradoxe que constitue Inupiluk dans la mesure où il est le parfait compromis entre le documentaire et la fiction, le document ethnographique (pour reprendre les mots de Thomas Blanchard, jouant Thomas) et la comédie potache.

     Au début, c’est une affaire de sms sur un smartphone, une fille qui ne donne pas de nouvelle. Ensuite, c’est une entrevue habituelle dans un café entre deux amis, trentenaires un peu paumés. Bientôt, c’est une réception un peu singulière, celle de deux groenlandais, venus passer quelques jours en France, que le père de Thomas lui demande d’accueillir, de guider. Et de les accompagner principalement à faire trois choses dont ils rêvent : voir des animaux dont ils ne connaissent que les représentations, se promener dans une forêt puisqu’ils n’ont jamais vu d’arbre et se baigner dans l’océan. Il faut signaler, pour comprendre la démarche du cinéaste, que cette quête initiatique s’aligne sur le véritable voyage en France de Ole et Adam, puisqu’il s’agit en réalité d’amis du frère du producteur du film. C’est dire et confirmer si la frontière jeu/réalité est mince.

     Le film ne suit pas un programme pour autant. Il semble en tâtonnement permanent, instinctif. Prendre une route, danser sur une aire de repos. Grimper sur la dune du Pilat ou monter à la Tour Eiffel, surplomber l’océan ou Paris, dans chaque cas, c’est l’idée de prendre de la hauteur, du recul, de se détacher et d’apprécier l’immensité.

     Thomas invite donc Thomas, joué par Thomas Scimeca, son meilleur ami, afin de partager cette drôle d’expérience sans précédent, sans lendemain. On imagine déjà la difficulté de cet échange, malgré sa beauté, ne serait-ce que culturellement mais aussi via la barrière de la langue – les deux voyageurs ne parlent pas l’anglais non plus. Alors de savoir que les deux hôtes se nomment tous deux Thomas crée d’emblée un ton infiniment burlesque, que le film ne lâchera pas, tout en naviguant à la lisière de la mélancolie, s’engouffrant dans un récit ô combien lumineux, que le cinéaste marque parfois de quelques vidéos amateurs (qu’importe qu’elles soient vraies ou fausses) ultérieures comme un plan de baignade, une main sur un arbre, un sourire, renforçant l’idée qu’il y a le film que l’on voit et celui qu’ils ont vécu, au détriment du jeu imposé. Il y a donc au-delà du récit fictionnel une véritable aventure à quatre, qui rappelle le cinéma de Rozier. Et donc me parle infiniment. Bon et puis on y regarde Roland Garros un moment donné (la scène en question est d’ailleurs très drôle) donc ça ne pouvait qu’être pour moi. C’est d’ailleurs cet élément qui m’a donné envie de revoir le soir-même Tonnerre, de Guillaume Brac.

     Je me demande de plus en plus si ce n’est pas le plus beau film de Sébastien Betbeder, le plus équilibré, le plus drôle (sans aucun doute si seulement je n’avais vu depuis son magnifique préambule à son Inupiluk 2 en gestation), le plus insolent, addictif, fort tout simplement. En plus d’être une magnifique déclaration d’amour à Paris, au vin rouge et à l’espace hexagonal en général. Je crois que je pourrais aisément le revoir en boucle là.

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