8.0 Je trouve ça absolument génial. Le truc entièrement pour moi, tellement pour moi que ça m’a perturbé. J’aurais adoré écrire et mettre en scène ce film, exactement de cette façon-là. C’est un émerveillement solaire d’une simplicité confondante. Une histoire de supers pouvoirs dans les gorges du Verdon et une rencontre. Le film est extrêmement construit mais semble avancer au gré des instincts comme on écrirait au fil de la plume, un peu à l’image de certains films de Tati, avec lequel Salvador partage aussi le goût pour la mise en scène du corps, son élasticité, sa capacité d’enchantement. Vincent dans son lac m’a quelque part fait penser à Hulot sur son vélo.
Le film est construit en deux parties de part égale, puisque la scène de la bétonnière – assez géniale – se situe pile poil à la moitié du film. Et dans sa progression dramatique, le film est habilement fait pour que l’on éprouve ce qu’éprouve Vincent, non pas dans la découverte de son pouvoir, mais dans son isolement et son apprivoisement des lieux, son flirt et sa course pour sa liberté. Sa rencontre avec Lucie est très belle, tout en gêne d’abord, forcément, avant la confidence. Toutes les scènes qu’ils ont en commun sont merveilleuses, au sens propre du terme aussi. Vimala Pons et sa caresse la plus longue du monde, mon dieu. Très beau ce que Salvador parvient à faire d’une scène de lit et d’une scène d’arbre. Le cliché parait inévitable mais il le contourne avec subtilité. La partie course-poursuite aurait plombé tout cela mais là encore au-delà de la précision du geste, tout en soubresauts, il réussit à être tout aussi détaché (la rivière) et romantique (l’arbre) et irréel (l’usine). C’est un film dont on sent qu’il tire son inspiration des grands burlesques, cinéma agencé entre le cirque et le voyage, il faut voir comme l’auteur met en scène les lieux, au sein d’une géographie indomptable.
Au contact de l’eau, le mogwaï se multiplie en bestioles pas super cool, après leur transformation, tandis que Vincent voit sa force se décupler. Les séquences faisant état de son pouvoir sont très chouettes, rappelant les heures du burlesque muet, de Keaton, Chaplin et Bowers. Simplicité de la déformation, humilité de l’exagération. Accompagnées d’infimes parcelles poétiques, entre une vague puissante mais suffisamment discrète pour le rester, ou l’essayage de la combinaison de plongée (le costume de super héros) à la fin. L’eau plus qu’une providence est ici matière à soulagement. Je me souviens de Sonic progressant sous l’eau qui devait débusquer les bulles d’oxygène afin de ne pas se noyer. Il y a quelque chose comme ça ici : Dans la moindre mauvaise posture, qu’il s’agisse d’un flirt gêné, du sauvetage d’un ami dans une bagarre ou la fuite de la police, Vincent reste en quête de point d’eau : une piscine municipale, un seau, un lavoir. Convoquant bientôt la pureté même, le cœur de sa fuite, la providence inégalée : la pluie, lors d’une impressionnante scène d’évasion puis l’océan, lors d’une ultime échappatoire sans fin. Les dernières images, au Canada, sont très belles.
ah comme je suis contente que nous soyons du même avis,
Génial ce film ! dès le début j’ai adoré, pas de fond sonore débile, des gens sympathiques, des images d’eau superbes, pour moi un grand moment de détente , et de jubilation
Super !
Dans ce cas je ne peux que vous conseiller d’aller voir son tout dernier « La montagne » encore au cinéma. Aussi merveilleux que « Vincent n’a pas d’écailles », selon moi. Il faut que j’écrive un petit quelque chose à son sujet.