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Archives pour 28 avril, 2015

Fenêtre sur cour (Rear window) – Alfred Hitchcock – 1955

35.12Une femme disparaît.

   10.0   Trois rideaux s’ouvrent vers le haut et le cadre qu’ils découvrent sera celui du film deux heures durant. L’occasion pour Hitchcock de triturer tout ce qu’il peut. En effet, nous ne quitterons pas l’infime espace que constitue T2 donnant sur la cour commune d’un quartier résidentiel. Le film n’aura pourtant jamais l’air d’être une pièce de théâtre. Introduction simple et géniale, ce n’est pas un dialogue futile et/ou attendu qui nous explique la situation du personnage, mais la mise en scène, purement, en un plan parcourant l’appartement, l’homme endormi, plâtré, une table avec un appareil photo cassé, une pile de magazines à côté, des photos de voitures accidentés encadrées. Jimmy Stewart n’est pas encore le voyeur qu’il sera bientôt mais ces instantanés révèlent beaucoup sur ce personnage, ce qu’il est, ce qu’il fait, ses obsessions.

     Il est le miroir du spectateur. Attentif, voyeur, en quête. Il y aura pourtant du passage dans cet appartement, mais chaque fois le regard se laisse gagner par l’extérieur, cet écran géant, cinéma grandeur nature, dans lequel Hitchcock projette le miroir de l’Amérique toute entière. Sombre tableau qui pourrait être vu comme la projection des désirs et des craintes du personnage joué par Stewart, électron libre ne voulant pas s’engager. Ce qu’il voit en face de lui c’est une somme de récits, de comportements, l’étendue des strates conjugales, ses possibilités, au travers d’une femme seule trinquant avec un partenaire imaginaire, un homme seul réfugié dans le piano et les diverses soirées qu’il donne régulièrement à son domicile ; Cette jeune sportive qui reçoit les hommes comme on ouvre son courrier, ce couple vieillissant mal, cet autre couple vieillissant bien mais en trouvant refuge la nuit sur leur balcon. Ou bien ces jeunes mariés, dans la consommation la plus absolue et autiste de leur amour.

     Fenêtre sur cour est un grand sur les relations de couple, en somme. Enfin disons que le catalogue qui nourrit l’écran et/ou les pensées du personnage est une représentation du monde duquel l’amour (le mariage) est le dénominateur commun. Cela m’avait échappé la première fois. Sans doute et c’est là tout le pessimisme hitchcockien parce qu’il est saisi du point de vue de celui qui le refuse, préférant l’observer, le disséquer, s’y projeter ou s’y frayer son propre intérêt, à la manière d’un cinéaste trouvant en son personnage un alter égo.

     Il est passionnant de constater combien la fenêtre de l’appartement de Stewart donne à voir une multitude d’autres fenêtres qui sont autant d’écran renfermant chacun sa petite histoire. C’est donc une folle affaire de voyeurs et de gens qui aiment se montrer. Le film marque d’ailleurs discrètement un certain crescendo thématique dans la mesure où à l’œil nu de Stewart succède d’abord les jumelles puis la longue focale, de même qu’à son obsession solitaire se développe une véritable table d’observation collective. Le film enchaine les plans ahurissants avec une science de la découpe qui tient du génie pur. Cette espèce de faux split screen (deux fenêtres séparées par une gouttière) sur ce couple en crise c’est absolument génial. Voire aussi ces nombreux hors champs systématiquement matérialisés par des murs, des rideaux, des volets. Cet équilibre entre les plans de jour et ceux de nuit. Quelque chose de continu et de tellement continu en apparence qu’il est en indéchiffrable dans sa temporalité.

     C’est un immense film sur la curiosité des hommes en tant que moteur obsessionnel. L’issue importe finalement assez peu. C’est le voyage immobile et monde à la fois, qui installe et nous convie au vertige. Un quartier étrange, suspect. Un truc de passionné. Un plateau avec un verre de lait, un sandwich et un appareil photo. Un plateau et un écran. Ou un écran de cinéma. Qu’importe, c’est une fenêtre sur un ailleurs.

Elégie de la traversée (Elegyia dorogi) – Aleksandr Sokurov – 2001

48Nostalgie de la lumière.

   8.0   Sokurov raconte ce voyage nocturne à la première personne, entre la Russie et l’Europe, entre St Pétersbourg et Rotterdam, tente de nouer quelques liants entre ces deux pôles, quelque attraction, les compare, les rapproche, s’y perd dans leurs méandres, s’abandonne dans leur énergie. C’est un mélange de rêve et de souvenir, de méditation et de mémoire. Plastiquement, le film est dément. L’image flotte, ondule comme si elle était soumise à une source de chaleur menaçante. Ouatée comme un rêve. Je me demande si ce n’est pas l’objet le plus expérimental du cinéaste russe, dans son approche formelle autant que dans sa mise en abyme. C’est à la fois très simple (des mots chuchotés sur des images triturées) et vertigineux. Disons que l’on peut apprécier cela de différentes manières. En tant que poème imagé ou en tant que voyage dystopique ; Ou comme une douce caresse des formes et des matières ; Ou simplement c’est une réflexion sur le mouvement, le mouvement dans l’art. Les forces invisibles, la disparition. Des routes, des forêts, la mer, la lune, des frontières. Ici un arbre sans feuillage affrontant l’hiver avec ses fruits jaunes. Là ce très beau passage sur la route qui rappelle, différemment, le travail sur les lumières de Tati dans Playtime. Il y a aussi cette drôle de rencontre, avec un homme de passage. Un personnage au hasard, symbole étrange du tumulte des Hommes, entre la force créatrice et la haine. C’est dans la peinture que Sokurov finit par se mouvoir et se réfugier, entre Bruegel et Van Gogh, La tour de Babel et Allée des peupliers puis dans Place Sainte-Marie de Peter Saenredam. Une collision entre le réel et sa représentation. Collision rêvée, collision temporelle. C’est un voyage tour à tour enivrant, envoutant, inquiétant, extatique, accompagné d’un arrangement électronique de Mochkov reprenant des fragments d’œuvres de Chopin, Mahler ou Tchaïkovski. On navigue dans le sublime. Je me rends compte que j’aime le Sokurov du déplacement sans fin, sans issue, en lévitation, à l’image de cet homme marchant en attendant la mort de sa mère (Mère et fils) ou de cette traversée sensuelle de l’Ermitage (L’arche russe). Dès qu’il se fige ou s’enlise, j’ai tendance à vite perdre pied.


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