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Archives pour 20 mai, 2015

Le journal d’une femme de chambre – Luis Buñuel – 1964

11018321_10152887788967106_8977658029458925574_nL’Epidémie.

   9.0   C’est le premier film de la période française de Luis Buñuel et c’est probablement son plus sombre, autant dans son portrait de la bourgeoisie, des classes modestes que de l’Histoire en marche. Cloisonnement individuel d’un côté où chaque personnage, au sein d’une même famille ou dans la relation de voisinage, évolue dans sa propre cage, dans un renoncement et une consommation de son confort de la manière la plus pathétique qui soit (parties de chasse pour l’un, fantasmes fétichistes pour d’autres) et la plus exclue, surtout. Rarement ceux-ci apparaissent dans un cadre commun. C’est à peine s’ils se croisent.

     Célestine (Jeanne Moreau), la nouvelle femme de chambre, qui contrairement à l’œuvre original ne tiendra aucun journal, comme si le cinéaste gardait moins le contenu (qu’il s’approprie complètement) du roman de Mirbeau que son influence directe, dont il rend hommage en empruntant le titre. Le reste c’est du Buñuel. Une lente plongée, agonie dévorante, qui démarre par un travelling dans un train, passant en revue des paysages de campagne, s’enfonçant dans les profondeurs, pour ne pas dire le néant, puis s’achève plus tard sur un coup de tonnerre. Entre ces deux extrémités, un violent déchirement au milieu qui pourrait être celui d’Un chien andalou, l’œil d’un côté, le ventre de la petite fille de l’autre (des badauds sur le quai de la gare signalent qu’elle a été éventré).

     C’est la sortie du dernier film de Benoît Jacquot, Le journal d’une femme de chambre (troisième du nom au cinéma, après Renoir et Buñuel) qui m’a donné envie de revoir celui du cinéaste mexicain. Je pensais filer voir le Jacquot en salle dans la foulée mais c’était sans compter la claque que j’allais me prendre, sans vraiment m’y attendre d’ailleurs étant donné que je n’en gardais pas un souvenir impérissable. Je m’étais fait à l’idée que c’était mineur, en fait. Preuve s’il en est qu’il faut revoir les films. Quoiqu’il en soit, je n’irai pas voir le Jacquot en salle. Le Buñuel m’a calmé.

     J’avais oublié à quel point la mise en scène était forte et inventive. On garde forcément en mémoire la scène du meurtre (Lapin/Sanglier) mais tout est tellement de ce niveau, ça frise l’insolence. Dans mon souvenir, d’ailleurs, le meurtre de la petite fille se déroulait après la mort du vieil homme. Comme si sa mort était le déclencheur d’un dérèglement. En fait c’est mieux ainsi, ça se déroule absolument en même temps. Du coup, la mort de l’enfant est comme dévorée par celle du vieux. Dévorée par les escargots, par l’ellipse. Mais Buñuel est intelligent. Alors si le récit par le départ/retour de Célestine prend des allures conventionnelles, c’est sans compter sur un autre dérèglement, plus imperceptible celui-ci : La transformation de Célestine, qui franchit les frontières sans mégarde, comme elle grimpe sur le mur du voisin en l’accusant de jeter les pierres. Son apparente froideur et nonchalance pourrait masquer un glissement héroïque, il n’en est rien. Célestine reste celle qu’elle était, arriviste, elle se fond dans la masse jusqu’à en faire partie intégrante. Magnifique fin où elle qui encore une heure plus tôt dans le métrage semblait indiscernable, corps voguant libre comme l’air, la voici enfermée, dans un lit, se refusant au riche homme qu’elle a épousé comme son ancienne maitresse se refusait au sien.

     C’est un film d’une noirceur terrible, dans la mesure où aucun personnage n’est sauf. La dernière scène est un sommet Buñuelien : Joseph, devant son restaurant, qu’il avait promis d’ouvrir en compagnie de Célestine, criant « Vive Chiappe », accompagnant la manif fasciste se faufilant dans les rues. Film sans fin ou une fin qui contient l’infâme ouverture sur l’Histoire que l’on sait. Je crois que c’est mon Buñuel préféré après L’ange exterminateur.

La mort du jeune aviateur anglais – Benoît Jacquot – 1993

durasmortaviateur_bjyaLa vie des morts.

   7.0   Le procédé est sensiblement le même que pour Ecrire, le film étant construit majoritairement de longs plans focalisés sur Marguerite Duras, qui cette fois, entreprend de raconter une émotion qu’elle ne parvient ni à comprendre ni à canaliser. En 1944, quelques jours avant la fin de la seconde guerre mondiale, un avion anglais est abattu par les allemands et se crash dans un arbre, à Vauville, non loin de Trouville. L’homme est veillé par les habitants et enterré dans la foulée dans un jardin aux côtés du cimetière local. Pendant six ans, un vieil homme est venu sur sa tombe puis plus rien. Cette histoire, Duras en a pris connaissance plus tard, lorsqu’elle est venue vivre dans le village. Très vite, cette mort l’a bouleversé. Elle n’a jamais vraiment su l’expliquer. Probablement que l’âge du jeune homme lui rappelait son petit frère, tué par des japonais pendant la guerre du Japon. Elle aurait voulu raconter cette histoire et la filmer mais c’est impossible. Parce qu’on ne peut pas filmer l’évènement. En en parlant, Duras pleure encore. Comme si cette mort condensait toutes les autres, toute la souffrance des hommes et le communisme du sang. Jacquot multiplie alors les plans des entourages : l’école communale, le cimetière, l’église, la tombe, l’arbre fou, l’arbre mort. C’est Jacquot qui filme mais c’est Duras qui le guide, comme à l’époque. Il est redevenu l’assistant, l’espace d’un temps, glissé dans l’histoire contée. La guerre s’est enfuie avec la mort de l’anglais. Elle fait partie du tombeau, au même titre que l’innocence qui avait condamné le jeune homme. Il n’y a rien à comprendre. C’est peut-être cela qui est le plus difficile à admettre.


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