7.5 C’est un grand récit d’espionnage, à raison d’agents doubles, de missions secrètes internationales, de recrutement poussé, de test d’intégrité, d’infiltrations, de surveillances en tout genre. C’est d’une telle richesse, d’une telle complexité, ça frise parfois l’hermétisme, avec ces tunnels de dialogues qui succèdent aux longs entretiens en trompe l’œil. Et la construction est étonnante, variant les points de vue, les fonctionnements narratifs, les ellipses. Clairement ce que Rochant a fait de mieux depuis Les patriotes. Au-delà de cette impression positive je n’oublie pas aussi m’être régulièrement désintéressé du récit à de nombreuses reprises, sans doute car format aidant, j’ai la sensation qu’elle se disperse trop ; c’est assez inégal, surtout au début, il faut réussir à y entrer. Car paradoxalement je trouve que ça manque de grandes séquences, qui te restent, te collent à la peau. La série joue tellement peu la virtuosité et c’est tout à son honneur, qu’elle en devient parfois monotone. J’ai un peu pensé au Carlos de Assayas, qui lui justement se permettait ce grain de folie, se laissait gagner par l’étirement et l’énergie de sa mise en scène. Ça se regardait aisément d’une traite, Le bureau des légendes, moins, déjà. Mais je reste impressionné globalement par la densité de la chose, autant dans la caractérisation des personnages que dans l’écriture narrative. Tu sens le travail de fourmi en amont. Mais surtout, je trouve la série assez touchante, je pense que c’est là-dessus qu’elle est venue me cueillir. Moins par sa truculence et sa multiplicité donc que dans l’intimité qu’elle parvient à saisir de certains personnages, notamment Malotru (Mathieu Kassovitz) amoureux d’une libanaise (qui a est aussi pleine de secrets) sous son identité de légende, qu’il va revoir à Paris ce qui est formellement interdit dès que la mission est achevée. La série creuse aussi minutieusement ses rapports distants avec sa fille qu’il n’avait pas vue depuis six ans, pendant qu’il était en mission à Damas. Cette manière de tout resserrer sur l’intimité du personnage crée une identification forte. Il y a aussi Marina Loiseau (Sara Giraudeau) une jeune sortante de polytechnique, que l’on forme violement (à toute forme de résistance) avant de l’envoyer sur le terrain en Iran. Immense personnage. Et l’actrice est formidable, elle réussit merveilleusement à jouer la maîtrise et la candeur sans que l’on y décèle fausseté ou performance. C’est finalement cette part formatrice de la peinture de la DGSE qui me fascine vraiment dans Le bureau des légendes, moins ce qui tourne autour de Cyclone, un de leurs agents enlevé en Syrie. La fin est mortelle, surtout qu’elle annonce clairement le début d’autre chose ; La fin de l’affaire Cyclone, mais l’ouverture sur une infinité de possibles. Hâte de retrouver cette petite équipe secrète (Malotru, Pépé, Mémé, Moule à gaufres, Rim, Marie-Jeanne…) dans une prochaine saison.
- Accueil
- > Archives pour le Samedi 20 juin 2015
Archives pour 20 juin, 2015
Le bureau des légendes – Saison 1 – Canal+ – 2015
Publié 20 juin 2015 dans + 2014/2015 : Top10 Séries, Eric Rochant, Le bureau des légendes et Séries 4 Commentaires5.5 La partie mélo est belle. La partie espionnage, moins. Curieux. Je suis probablement l’un des seuls mais j’ai trouvé ça pas mal. Alors évidemment juste pas mal, car on est bien loin du grand Rochant, croisé avec Les Patriotes, le film est parfois confus, un peu mal branlé, parsemé d’invraisemblances et mécanique, mais j’aime malgré tout son tempo, sa sensualité et la relecture libre du Notorious d’Hitchcock.
Le lys de Brooklyn (A tree grows in Brooklyn) – Elia Kazan – 1948
Publié 20 juin 2015 dans Elia Kazan 0 Commentaires8.0 Second film que je vois de Kazan. Celui-ci est son premier de cinéma après sa carrière de théâtre et c’est incroyable de voir à quel point il transcende son sujet et tous les oripeaux théâtraux car ce film là avait tout pour n’être qu’un théâtre filmé. En fait c’est absolument magnifique. Film social, familial d’une énergie fulgurante. Ce qu’il reste de son passage au théâtre : ses acteurs, tous très bons, tout particulièrement celle qui joue la gamine, personnage difficile à campé et tout bonnement bouleversant.