7.5 A l’instar d’Engrenages, avant de me pencher sur la saison 5, parlons un peu de celle-ci. Je suis resté ici sceptique le temps de deux épisodes, le premier sans intérêt et le deuxième très drôle mais un peu trop wtf pour moi. Tout s’est très vite embrasé avec l’épisode 3 notamment puis avec la rencontre avec la voisine hongroise (les six épisodes Elevator sont ce que la série a fait de plus beau je trouve) puis avec le retour de Pamela – On a vraiment quelque chose du Two lovers de Gray là-dedans. C’est sublime. Et c’est d’autant plus beau que cette saison donne la part belle aux enfants de Louie, plus encore qu’avant et se permet le temps de deux épisodes allongés d’effectuer un judicieux parallèle avec son enfance à lui. Cette saison réussi à créer trois niveaux passionnants tout en restant hyper cohérent, franchement chapeau. On ne peut décidément rien prévoir, bref j’aime de plus en plus. Et puis la fin dans la baignoire, mon dieu…
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Archives pour 27 juin, 2015
Lumière silencieuse.
7.5 C’est toujours un peu délicat d’entrer dans un film d’Eugène Green, d’autant plus pour moi qui suis habituellement pas le plus sensible à son cinéma. Le pont des arts (2004) et La religieuse portugaise (2009) sont des films que j’admire mais pour lesquels je ne parviens pas à m’investir autant que je le voudrais, la faute à des postulats mise en scénique qui m’extraient de cette pesanteur dont Green, cinéaste de la lumière, de la beauté en est le parangon moderne. La sapienza ne déroge pas à la règle. C’est un film très beau mais qui me laisse régulièrement en retrait, de part cette construction méthodique des plans, notamment ces champ/contrechamp chers à Green, où l’on a le sentiment gênant que les personnages tentent de briser la toile en s’adressant à nous, les yeux dans les yeux. Déroutant au possible. Au moins le premier quart d’heure puis on s’y fait, on accepte, on se plie aux volontés de Green, même s’il faut accepter d’être déstabilisé, à l’image de cette distance un peu trop appuyée qui règne au début au sein du couple. Evidemment, le récit viendra magnifiquement justifier cela mais en attendant une aide narrative je trouve les intonations de la langue ainsi que les postures figées bien trop appuyées pour laisser respirer le couple, aussi fragile soit-il. Le film me plait davantage dès l’instant qu’il brise le couple géographiquement, en redistribuant ses cartes, proposant deux relations, les hommes d’un côté en route pour Rome, les femmes de l’autre rivées à Stresa. Cette idée de dédoublement intergénérationnel est la grande idée du film, qui n’est qu’obsession du temps, des fantômes, de la lumière. On n’avait peut-être pas vu ça depuis L’étrange affaire Angelica, du regretté Oliveira. Et surtout, Eugène Green parvient à filmer l’espace qu’il met en lumière. Il y en a peu qui traversent vraiment le film mais il les filme, dans leur densité, leur profondeur, leur mystère : Le lac-majeur, le Saint-Suaire de Turin, une boite de nuit. Décors sublimés. Et lorsqu’il resserre sur les visages, il les filme alors avec la même tendresse que lorsqu’il scrute les parois architecturales. Le corps d’Alexandre (Fabrizio Rongionne) est d’abord extrêmement figé jusqu’aux lèvres à peine entrouvertes lorsqu’il parle, avant de se détendre progressivement, s’ouvrir et sourire. Ce qui est moins le cas de Lavinia (je suis ravi de retrouver la jeune Arianna Nastro, qui jouait dans La solitude des nombres premiers : il y a en elle et dans son jeu une légèreté mystique assez fascinante) atteinte d’une curieuse maladie de langueur, qui reste fidèle d’un bout à l’autre à son rôle protectrice, garante de la lumière, au moins pour son frère qui l’inquiétait. Cette lumière c’est la transmission, le savoir, la sagesse, une certaine idée de la sapience, terme dont on connait le sens mais avons perdu l’usage, pour citer les mots d’Alexandre. Je trouve le film très beau sur ce qu’il raconte du couple qui survit aux ténèbres, un ami suicidé, un enfant décédé. Et cette manière qu’il a de rejouer la rivalité (Borromini/Bernin, Jeunesse/Sagesse, Harmonie/Chaos, Baroque/Hiératisme, Lac Majeur/Périph de Paris, Passé/Présent) sur une somme considérable de niveaux de lecture est hyper stimulante. Bref, je pense que c’est à ce jour le film d’Eugène Green qui me touche le plus. Surtout que plastiquement, architecture italienne aidant, c’est absolument somptueux.
8.5 Et donc Engrenages, quatrième opus. Je suis a deux doigts de crier au chef d’œuvre. Je ne sais pas encore si je préfère celle-ci ou la troisième saison. Toujours est-il qu’on a ingurgité non-stop ces douze sublimes épisodes. Tous plus surprenants, angoissants et tristes les uns que les autres. Je ne suis pas prêt d’oublier les doutes de Tintin, la scène de la péniche, l’arrestation du sans-papier, ce commissaire ignoble, le dilemme de Laure, la scène de la carrière, celle du commissariat à la fin, entre autres car j’en oublie. J’en ai des frissons rien qu’en y repensant. Et puis j’adore le fait que cette saison reprenne quasiment là où s’arrêtait la précédente. Franchement je n’ai jamais vu un groupe (dans la police) aussi bien rendu, étoffé, réel que dans Engrenages. C’est fascinant à quel point la mise en scène ne fait que des bons choix. Je parle très bientôt de la saison 5, promis.