School of rock – Richard Linklater – 2004

School-of-Rock-2“No way! That’s so punk rock.”    

   8.5   Je suis très sensible au cinéma de Linklater, de plus en plus. Je ne sais pas si c’est une passade, mais c’est pile ce que j’ai envie de voir ces temps-ci – cette année. Je suis en revanche nettement moins sensible au jeu de Jack Black, à priori. C’est donc avec une curiosité sceptique que je me suis lancé dans School of rock (oublions le titre utilisé chez nous) qui prenait gentiment la poussière sur une étagère. Et nom d’un petit bonhomme, c’est absolument génial ! Assurément même, l’un de mes futurs films de chevet. La réussite insolente du film qui réussit à peu près tout ce qu’il entreprend, ne tient pas qu’à la présence de Jack Black – absolument extraordinaire ici et je pèse mes mots, à tel point que ça effacerait d’un trait toutes ses autres prestations qui jusqu’ici m’avaient gonflées – mais beaucoup à lui, quand même, malgré tout. Cette énergie qu’il parvient à insuffler à chaque scène, la douce euphorie qu’il génère autour de lui, ses penchant one man sans en faire trop, ce statut de looser magnifique qu’il égrène avec brio relayé par un coup du sort improbable, l’aisance de son jeu dans les circonstances les plus incommodantes (chanter, jouer, danser) et la tendresse de son personnage de manière générale. Franchement, il m’a bluffé. Ça aurait pu être suffisant. Mais même pas et tant mieux.      School of rock est un super film de mise en scène. C’est fou comme de film en film et sur des sujets qui n’ont à priori rien à voir entre eux, Linklater impose son style, étoffe chaque situation par sa science de l’écriture et du découpage et réussit à donner à chacun des personnages – gosses compris, surtout eux qui plus est – une densité de jeu, de caractère, bref une présence indéniable. Tout son cinéma se résume dans cette fusion : Une somme d’individualités passionnantes se révélant à l’intérieur d’un tout. C’était ça dans la dilatation temporelle de Boyhood, le récit volontiers choral de Fast food nation ou la trajectoire initiatique de Dazed and confused. Léger en apparence, complexe dans sa profondeur. Faire de cette multiplicité une globalité magnifique, juste et émouvante. Et School of rock a peut-être ce truc supplémentaire d’être aussi un bel objet théorique sitôt qu’on le replace dans l’approche cinématographique de Linklater en général. Puisque le groupe est le sujet même du film. Jack Black y campe en effet un prof imposteur qui veut faire de sa classe un groupe de rock, avec un guitariste, un batteur, un synthé, une basse. Sans oublier le chant, la lumière, la sécurité, le management et j’en passe. Chacun des élèves aura une place à part entière, chaque personnage existera, évoluant même au gré des envies, doutes, requêtes, bouleversements en tout genre. Linklater aurait pu en faire une série – Je le verrai bien évoluer sous ce format, d’ailleurs.      C’est donc passionnant à tous les niveaux. C’est rythmé, c’est drôle, c’est osé. Le « I have been touched by your kids… and I’m pretty sure that I’ve touched them.” Sérieux ? Qui ose ça ? Et puis c’est un peu le même film que Dazed and confused, dans la mesure où l’univers cadenassé est souillé de l’intérieur en faisant succomber l’ennui et la crainte par l’abandon et l’épanouissement, dans lequel les personnages de McConaughey dans l’un et Jack Black dans l’autre pourraient être le miroir l’un de l’autre, à la différence que le premier rejouait l’ado pour un soir tandis que le second est resté cet ado-là. Ce qui n’empêche pas le film, au contraire, au moyen de son utopie flagrante (dérider l’institution, contourner les lois, laisser le parent hors-champ) de replacer son récit dans un contexte réaliste. La fin est très belle à ce titre. Et puis bon, c’est un peu l’un des plus beaux génériques de fin ever – Avec celui d’Inland empire. Qui va d’ailleurs jusqu’à rejouer malicieusement cette dimension théorique sans la surjouer, offrant à chacun sa part de scène, jusqu’aux plus jeunes, nouvelle recrues anonymes initiés par cet ami sur le retour, qui a trouvé comment combiner son confort et son rêve. C’est un grand film de transmission. Et puis c’est un peu un rêve, tout ça, quoi : Avoir une matière en primaire qui t’enseigne l’histoire du rock, avec un prof aussi cool. Bref, c’est très beau. Et puis c’est fou car on voit tout venir dans les grandes lignes, ou presque, mais c’est tellement bien écrit que c’est toujours surprenant. Je ne suis pas prêt d’oublier cette petite classe. Et ravi d’avoir enfin découvert un Jack Black à la juste valeur de son jeu. Quant à Linklater je pense pouvoir officiellement dire que c’est l’un des cinéastes américains en activité qui compte le plus à mes yeux. 

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