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Archives pour 17 juillet, 2015

La vallée – Barbet Schroeder – 1972

feX1lNKOc6XdOGZjPlYTQ0eJwahDans la brume.

   9.0   La beauté singulière du deuxième film de Barbet Schroeder c’est qu’il échappe aux canons que le genre pourrait imposer. Il n’y a plus ni intrigue ni dramaturgie claire, on est dans le pur récit d’initiation, entre la fiction contemplative et le documentaire ethnologique.

     Un petit groupe de marginaux occidentaux arrêtés dans une mission de Nouvelle Guinée, a entrepris de faire un voyage de plusieurs semaines, en land rover puis à cheval, afin de rejoindre ce qu’il nomme leur paradis, une étrange tâche blanche sur la carte, lieu inexploré (ou tout du moins lieu dont ses explorateurs ne sont jamais revenus) renfermé par les nuages.

     Au début c’est une histoire de plumes qui perd un peu Viviane (sublime Bulle Ogier), femme de consul en quête d’objets exotiques mais à priori peu enclin à l’aventure qui se laisse plus ou moins séduire par un blondinet hippie, qu’elle blesse malgré elle. Et c’est une autre affaire de plume qui la mènera sur le haut d’une montagne où un vieux sage lui offrira le présent convoité avant qu’elle ne se perde progressivement dans l’ivresse du sexe, de la drogue, de la passion du retour à la nature, la rivière Sepik, les serpents verts, jusqu’à l’état primitif, au point de désirer elle aussi découvrir cette fameuse vallée. Je retrouve là-dedans ce qui me plait tant chez Herzog.

     Schroeder avait prévu, après le succès de son premier film More, de tourner au moyen de financements hollywoodiens sur une jonque chinoise. Lâché par les investisseurs, il se replia sur une production française, moindre, qui lui imposait de faire autrement et donc de choisir l’Afrique. Le film est d’autant plus fou qu’il arrive après la bataille, si l’on se tient à son délire mystique marqué par la génération hippie.

     Un moment, le petit groupe débarque au beau milieu d’une tribu primitive, qui les initie au rite annuel festif, maquillages et dégustation de cochon compris. On atterrit soudainement dans le documentaire, la fiction n’existe plus. Schroeder n’hésite d’ailleurs pas y intégrer les mots du chef de la tribu « Vous emporterez les images pour votre film à l’autre bout du monde » renforçant cette abolition totale des frontières. Plus tôt, on filmait aussi un festival dans les Hautes terres occidentales dans laquelle avait lieu un rassemblement des tribus de toute l’île (rite commandé par les colonisations) dans laquelle on y engouffrait les acteurs, qui à l’image de Viviane, se faisaient littéralement engloutir dans cette immensité indomptable, ce que l’on pourra retrouver dans les mots de l’une des filles plus tard, qui témoigne de leur voyage comme d’une petite bouteille que l’on jette ouverte dans l’océan.

     En s’abandonnant aux peuplades dans lesquelles il s’immisce le film s’adoucit, s’émerveille, oublie qu’il tente de raconte un voyage d’occidentaux déracinés. Il filme les coutumes locales, dans leur beauté et leur cruauté, leurs danses et leurs cris.

     Pour autant si le film semble prêcher cet état de retour à la nature, il n’en reste pas moins éloigné, apportant son lot de scepticisme à l’image de Jean-Pierre Kalfon dissertant sur ce retour qui pourrait être vu comme « Mordre une deuxième fois dans la pomme ». Puisque finalement, la femme dans cette société primitive, n’a pas les droits qu’elle a dans le monde occidental. Que le film se permette se recul et ce détachement-là me sidère.

     La vallée est un objet hybride, insondable, rempli de soubresauts inutiles au sein de son semblant de récit mais si sa lente agonie dans la jungle pourrait être associée à des effets appuyés (à l’image de ce que Hooper utilise dans Easy rider) mais il n’en est rien ici, il n’y a de délire que l’immersion hypnotique jamais dans un visuel ostensible. Schroeder fait absolument confiance dans le travail de Nestor Almendros, sans doute l’un de ses plus beaux travaux en tant que chef opérateur. L’étrangeté du procédé participe je pense à cette fascination générale qui transpire dans chacune des séquences, aussi bien d’un point de vue technique (le son, sérieusement…) que de la simple présence des acteurs, habités, happés dans les fragrances vaporeuses de la jungle, sans pourtant en faire trop. Top 1 film hippie ever.

Barbara – Christian Petzold – 2012

68Le rideau déchiré.

   7.0   C’est un très beau personnage. Les films de Christian Petzold sont souvent de grands films de personnages. De générosité, d’abnégation. J’aime essentiellement que le film le montre pour deux choses, pour aider la jeune fille évidemment (même si l’on sent que c’est décidé sur un coup de tête) mais surtout par amour pour son collègue infirmier. A la petite vie pépère de petite femme dévouée à son mari (c’est en gros ce que son homme lui promet) elle choisit sa vie de travail et donne une chance à sa rencontre avec l’autre homme (qui au passage je trouve est un très très beau personnage, il est rare d’en voir des comme ça). En somme je trouve que le film dit beaucoup sur l’émancipation de la femme. Le dernier échange de regard m’a offert de beaux frissons. Quant aux officiers de la RDA ils m’ont fichu les jetons pendant tout le film ces cons, j’en tremblais pour Barbara en permanence. A part ça, j’aime tout particulièrement que ce soit un film au présent, jamais contaminé par le passé sous forme de flashback ou autre. Le passé est continuellement évoqué mais toujours au travers d’une discussion à l’intérieur du film, en totale transparence (dans Essential killing, de Jerzy Skolimowski, que j’aime pourtant beaucoup pour plein de choses, cette idée là m’avait semblé complètement raté). Tout cela apporte une dose de mystère en continu, on ne sait parfois plus vraiment qui est Barbara, ce qu’elle veut faire, ce qu’elle est capable de faire. L’idée du « sentiment » (comme elle dira un moment évoquant le garçon qui a manqué de se suicider) devient quelque chose d’opaque, inaccessible, c’est en elle ou pas, on ne sait plus vraiment ce qu’elle abrite en son intérieur. La scène de la ratatouille est très belle. Et puis il y a ces retrouvailles d’un soir avec son homme (et son absence, et sa rencontre avec sa voisine de chambre, discussion La redoute etc…) où il y a un détachement qui n’est pas ostensible, au sens où la mise en scène de souhaite pas démontrer ce détachement, c’est Barbara qui l’a en elle, c’est son propre détachement. Inutile de préciser combien la mise en scène de Petzold s’accorde à merveille avec ce que le film raconte.


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