Elle et lui.
5.5 Doillon adapte Lutte d’amour, un tableau de Cézanne. Exit les quatre couples de la toile (à moins qu’elle ne soit la quadruple projection d’un même couple) le cinéaste n’en garde qu’un auquel il ne donne aucun nom, campé par Sara Forestier et James Thierrée. La première joue une jeune femme de retour sur ses terres natales, qui doit vendre la maison de son défunt père. Le second un ermite mystérieux retranché dans la mêmes contrée. On s’en tient presque là-dessus des attributs romanesques. Ce qui intéresse Doillon c’est la collision des corps et la danse des mots que ces violentes étreintes corporelles égrènent sur leur passage. Dis comme ça, Mes séances de lutte avait tout pour être calibré pour moi. Mais premièrement, j’ai du mal avec Forestier. Et je pense qu’elle est à contretemps de la représentation que le film souhaite trouver. Elle fait star. Un peu comme Léa Seydoux, ailleurs. Et du coup le deal (l’équilibre entre les deux) ne fonctionne pas entièrement. L’autre problème c’est la place de la parole. Le film aurait presque mérité d’être muet, enfin pas totalement, disons que les dialogues hors relation Forestier/Thierrée sont plutôt bien agencés, avec l’amie ou la soeur par exemple. Mais dès qu’on entre dans le jeu/défi de (non) séduction tout est hyper ampoulé. Ma dernière réserve concerne la mise en scène de ces balais corporels. Hormis la fin où le film semble enfin se libérer et s’échapper on ressent très peu l’étourdissement que devrait motiver ce jeu de « suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis » atypique. Il y a pourtant quelque chose de très stimulant au travers de toutes ces ellipses qui permettent de n’en revenir qu’à cette lutte sans fin, un peu comme Rivette revenait lui sans cesse à cette peinture dans La belle noiseuse. Il y a donc un gros déséquilibre entre ce que l’on voit et ce que l’on ressent, évoluant d’une séance à l’autre sans véritable point de chute ou de rupture (une violence soudaine, un revirement puissant, un bouleversement quelconque) qui aurait permis de dynamiter toute cette topographie du désir de lutter contre la pulsion de l’autre, finalement assez terne. Je ne reçois pas ce que Doillon a chercher à montrer à savoir une somme de séances de lutte prenant chaque fois une forme différente ; tout m’apparaît moi hyper monotone et calculé. Je préfère nettement les variations qu’apportent Pialat dans Nous ne vieillirons pas ensemble, par exemple.