Hors Satan.
5.0 On sent Craven davantage dans un dispositif de commande que dans ses métrages précédents où il expérimentait l’espace et la construction. La ferme de la terreur ne sera pas une date dans l’histoire du cinéma d’horreur, loin de là, d’abord parce qu’il n’installe aucune tension, aucun crescendo, ensuite car le film est relativement peu exaltant dans sa dynamique de récit, ses enchaînements, ses poussées de violences et effusions de sang. Après La dernière maison sur la gauche et La colline a des yeux, on était en droit d’espérer un retour dans les salles un peu plus sale et généreux que ce si tristounet Deadly blessing, qui parfois flirte vraiment avec le nanar de luxe. Le film n’est cependant pas encore trop ancré 80′s – probablement ce qui le sauve – enfin il l’est autant que peut l’être le Starman de Carpenter, toute proportion gardée.
La ferme de la terreur prend racine dans un village paumé du Texas où une communauté de Amish-like (Hittites anachroniques) fait respecter ses coutumes (Autarcie, uniformes, refus de la technologie, puritanisme, barbes et chapeaux) face à l’humain ordinaire qu’il sait dominé par l’incube – Le démon. Un jour, l’un des enfants du patriarche gourou (Un Ernest Borgnine qui s’est comme planté de tournage) qui avait été renié par ses pères pour avoir fricoté avec une athée, est assassiné. Mais bientôt c’est au tour de l’un des plus fervents Hittites (le retour de Michael Berryman : Jupiter dans The hills have eyes) de casser sa pipe dans une sombre grange.
Après cette longue intro, trois demoiselles frivoles deviennent les moteurs du récit. Martha (sublime Maren Jensen) la petite amie de l’ancien Amish trucidé par son tracteur, est accompagnée de deux amies, venues passer quelques jours de vacances. L’une d’elle (Sharon Stone à ses débuts) aura des visions nocturnes de mygale lui inspectant la bouche et les nichons. L’autre dévergondera un autre Hittite avant de se faire cramer dans une bagnole. Quant à Martha, elle aura en plus du reste, une drôle d’aventure avec un serpent dans une baignoire – les prémisses énormes d’une séquence célèbre des Griffes de la nuit.
Craven ayant lui-même grandi dans une communauté baptiste il était inévitable que cela se ressente dans ses oeuvres. Ses premiers essais portaient déjà l’idée : La famille bourgeoise face aux vagabonds violents d’un côté ; La petite famille américaine typique face aux monstres consanguins du désert californien de l’autre. Chaque fois c’est une histoire de lieu, de terre. Une forêt, un désert, une ferme. Règlement de compte pur et simple, dans la mesure où le titre original lui-même accole la religion au mal, même si cette fin complètement ratée (sans doute imposée par la production) semble annuler toute l’entreprise de démolition.
Le film n’est pas désagréable, c’est un petit produit d’épouvante qui se suit bien sitôt que l’on accepte de le voir appartenir disons à un giron plus consensuel, même si l’on discerne assez bien une certaine parenté avec le giallo (caméra subjective, mains gantés, visage caché). Et surtout, on parvient à reconnaître la patte Craven, ici ou là, c’est ce qui compte. Et puis il n’est pas si troublant de le voir réaliser un film passe-partout non plus, La colline a des yeux avait déjà entamé un virage nettement plus soft après une l’ouverture bien crasse que constituait son premier long métrage.
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