Corps brisés.
4.5 Avant de parler de Dheepan, le dernier film de Jacques Audiard, couronné de la plus haute distinction au dernier festival de Cannes, je tenais à revenir sur celui-ci qui était lui passé plus inaperçu, malgré Cotillard sans jambes et Matthias Schoenerts. Il y avait quelque chose de plus sage, de plus simple surtout, des moments très réussis et puis d’autres trucs attendus. Le film était venu me chercher par moments, notamment grâce à ses personnages féminins. Problème est, comme souvent, qu’Audiard s’intéresse davantage à ses personnages masculins, à leur virilité, leur corps, leur capacité à encaisser et mettre des coups. Dans Un prophète ça fonctionnait forcément, là moins. En fait, je me rends compte que je n’aimais pas les premiers films de Jacques Audiard, j’ai l’impression qu’ils adoptent un mauvais rythme, qu’il se cherche constamment mais confondant l’inventivité et l’essai psy stylé. A partir de Sur mes lèvres je trouve qu’il se passe un truc. Hormis quelques fautes de goûts, De battre me prend aux tripes. Un prophète est un excellent film carcéral à mon sens, enfin ça m’avait laissé sur le carreau. Audiard doit trouver cet état de transcendance pour que son cinéma s’embrase. Il n’en était pas loin là, mais il bute un peu sur ses deux histoires/personnages, il ne sait pas vraiment laquelle privilégier, il ne sait pas non plus s’il doit être délicat ou dur, doux ou violent, ça donne un film entre-deux, hybride (tout le contraire du très beau Une vie meilleure par exemple) mais qui n’est jamais loin d’atteindre quelque chose. Je pense qu’il est aussi très coincé dans la performance et dans une volonté de ne pas déborder. Le film surprend en effet très peu (à la fin peut-être, il se passe un truc) mais surtout, sans en faire trop, on sent qu’Audiard aime montrer qu’il réussit (il préfère filmer le corps amputé de Cotillard plutôt que son personnage, comme il préférait la transformation de Tahar Rahim à la prison dans le précédent, ce qui était nettement plus justifié).
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