Du danger de se livrer à des rêves ambitieux.
6.0 Depuis un moment maintenant, Woody s’enlise dans la médiocrité, alternant le bon (Cassandra’s dream) et le moins bon (quasi tout le reste) alors comme il pond un film par an (la désormais traditionnelle cuvée Allenienne) ça commence à se voir ou pire ça ne se voit plus. On attend désormais ses films comme on attend ceux de Loach donc en gros, on ne les attend plus. Blue Jasmine m’avait exaspéré même si avec le recul, je lui reconnais du nouveau – comprendre du mieux, un peu, dans le fond, qui sortait de la tendance guide touristique et carte postale européenne. Irrational man commence assez mal : Ambiance malabar, cours de philo en pantoufles, décor désuet, personnages mal définis, désincarnés. Entre un Joaquin Phoenix bedonnant et dépressif, une Emma Stone pimpante et surdouée, une Parker Posey dont la jovialité apparente masque difficilement une détresse sexuelle, chacun rentre bien dans ses cases. Un trio parfait qu’on pourrait aisément retrouver dans un bon gros truc de vieux à la Mike Leigh, quoi. Comme je n’avais strictement rien lu du propos je fus agréablement surpris par le basculement narratif au tiers. Cette séquence au café et le changement de point de vue qu’elle charrie produit un vertige assez dingue dans la mesure où il se révèle très simple, quasi anodin, alors que c’est tout le cheminement du film qui s’en trouve modifié. Alors certes, sur la suite on est loin de ce qu’Allen était capable de faire jadis. On a d’ailleurs la sensation continue qu’il accepte d’avoir fait du vent depuis dix ans pour nous plonger dans un dérivé de Match point. Mais je me suis laissé embarquer. J’aime l’idée qu’un homme désespéré qui ne peut plus ni écrire ni bander, trouve le salut dans le meurtre, trouve le juste milieu entre l’alcool et la muse, entre Dostoïevski et Hitchcock. J’aurais aimé que ça aille plus loin, que ça dérape et s’ouvre davantage (le film est quand même un peu trop écrit et verrouillé) mais en l’état j’ai retrouvé un peu de ce que j’aime chez Allen. Sans transcendance non plus. Mais j’aime ce que le film me laisse, qui plus est lors de sa pirouette finale.