Brève histoire d’amour.
8.0 Déjà, il s’agit je crois de l’un des seuls films à évoquer aussi ouvertement La guerre d’Algérie, sans pour autant s’en servir comme de rampe scénaristique. Si l’histoire entre Geneviève et Daniel file lentement vers une attendue séparation, c’est moins à cause d’un traumatisme de guerre que d’un éloignement insaisissable.
L’amour à la mer est un superbe document sur une liaison fragile, une amitié inébranlable, Paris et Brest. Le film varie ses tonalités de couleurs dans son noir et blanc, roses, jaunes, sépia, suivant la marque du souvenir, intense, sensitif. Le film est surtout marqué par des relations épistolaires comme si déjà, par l’échange, il empêchait de se mouvoir dans le présent. On ouvre des tiroirs de souvenirs comme on feuillette un livre, à l’image du souvenir de Paris qu’en a gardé Guy, l’ami de Daniel, campé par Guy Gilles lui-même. Difficile de ne pas y voir de lui dans ce personnage.
L’amour à la mer, en tant que rejeton rejeté de la Nouvelle Vague, est composé d’apparitions brèves et délicieuses : Jean-Pierre Léaud, Juliette Gréco, Jean-Claude Brialy, Alain Delon. Il est surtout marqué par une voix off intermittente, accompagnatrice du voyage, doux et triste, dans la beauté et la pauvreté. Ailleurs, c’est le montage alterné qui déroute. Je ne sais plus si c’est Daniel ou Guy qui dira « J’aime beaucoup les objets pourvu qu’ils portent en eux les traces du temps » mais qu’importe, l’idée symbolise assez bien l’ambiance dans laquelle le film s’enlise et se fige. C’est une attente mutuelle engluée dans la mélancolie.
Il y a ici une fraîcheur, une jouvence enthousiasmante, qui s’imprègne de la Nouvelle Vague, mais d’une autre manière, quelque part entre Adieu Philippine, Lola et Vivre sa vie mais il y a une mélancolie folle que la Nouvelle Vague n’avait pas encore atteinte. En se libérant de son histoire d’amour, le film se fige dans un désespoir silencieux. On croise une mariée sur un trottoir, joyeuse dans sa belle robe, en réalité shootée pour une pub de mode. Le retour final, malgré toute la tendresse qui s’en échappe est un leurre. Le temps a fait son office. C’est l’histoire d’un amour qui s’évapore. On ressent beaucoup la mort dans L’amour à la mer sans qu’elle y soit présente au sens propre. Guy Gilles n’a que 22 ans quand il se lance dans ce premier long métrage. C’est un jeune romantique. Fuyant et triste.
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