Publié 22 janvier 2016
dans Alfred Hitchcock
Association fatale.
7.0 Si l’étranger (Stranger) n’a besoin que d’une petite lettre supplémentaire pour devenir l’étrangleur (Strangler) il en faut à peine davantage à Bruno (le mystérieux inconnu) pour convier Guy (Le joueur de tennis) dans une affaire de meurtre tellement absurde et préméditée qu’elle prend la tournure d’un jeu de rôle farcesque dans lequel chacun doit réaliser la volonté meurtrière de l’autre. Une femme à abattre d’un côté, un père de l’autre. Sauf que la perception de cette discussion entre inconnus – Entre le sérieux nonchalant de l’un et la colère fantasmée de l’autre – dans un banal trajet ferroviaire prendra une dimension irréversible dès lors que Bruno aura accompli le sien et voudra qu’on lui rende la pareille. Hitchcock s’amuse déjà voire encore (difficile de trancher puisque Stangers on a train se situe à mi-chemin de la filmographie du maître) avec les constantes de son cinéma, puisque si tout n’y est pas encore maitrisé comme plus tard (De nombreux instants dans la seconde partie me dérangent vraiment) tout y est déjà présent, précisément. La fuite, la machination, le meurtre, la folie, le méchant charismatique (Qui rappelle Laughton dans La nuit du chasseur) et le double : Vertige qui naît sous les traits de la fille du Sénateur dont Bruno y retrouve malgré lui beaucoup, lunettes à double foyer aidant, de celle qu’il a minutieusement étranglée dans la fête foraine en honorant sa part du contrat – La plus belle séquence du film (Tunnel of love). En continu, le film effectue un chassé-croisé passionnant de jeu de miroir, entre reflet envoutant à peine déformé et/ou double maléfique.
Publié 22 janvier 2016
dans Anton Corbijn
Falling.
5.5 A l’instar de J.C.Chandor, Corbijn fait partie de cette nouvelle vague de cinéastes hollywoodiens faussement indépendants, qui proposent sinon un univers personnel reconnaissable entre tous, une sensibilité et une minutie d’orfèvre qui les place forcément dans une veine suffisamment non académique (ce fameux classicisme moderne) pour ne pas tomber dans le gouffre de l’Entertainment sans âme. Certes ils n’ont pas le même CV ni la même nationalité d’origine ni le même âge, mais leur évolution (On pourrait citer Gray dans ce panier aussi) dans le cinéma, est rempli de similitudes. D’autant que son travail de photographe et réalisateur de clips ne transparait plus beaucoup aujourd’hui.
Faire un biopic sur Joy Division dans un noir et blanc léché tourné à Macclesfield, puis enchainer vite sur un polar au ralenti avec Clooney dans les Abruzzes, d’emblée Corbijn séduisait par cette évolution au moins aussi original que pouvait l’être en son temps un Cimino, par exemple. Le voir plonger dans un projet de film d’espionnage post 9/11 avec en chef de casting (de haute volée) Philip Seymour Hoffman (dont ce sera par ailleurs son dernier film crédité) et une action située entièrement à Hambourg (qui devient un vrai personnage) attisait curiosité, une fois de plus, non sans prolonger cette frustration de voir Corbijn devenir inéluctablement un bon artisan façon Doug Liman.
Et c’est malheureusement le cas. Alors, malheureusement, oui et non car le film est vraiment fort, prenant, intelligent, limpide, hyper travaillé, ne tombe jamais dans la facilité démonstrative. Après voilà, je ne vois plus rien de Corbijn là-dedans. Certes je préfère le voir faire A most wanted man que de devenir un énième réalisateur de clip reconverti en cinéaste passe-partout, mais c’est un fait : Le film est bien fait comme on dirait que La vie des autres est bien fait, mais il est aussi très froid, programmatique, trop pour me happer pleinement, ne pas tomber dans l’oubli instantané et me faire croire que le Corbijn de Control et The american existe toujours.