Démon domestique.
7.5 Je n’en gardais pour ainsi dire aucun souvenir hormis ces quelques séquences qui en bon standards de terreur ont traversé le temps, les écrans et les souvenirs comme des flashs. En fait, dans sa mécanique et sa construction, même dans son tempo, le film est à peu près tout le contraire de ce à quoi on l’a catalogué. Il s’agit moins de produire de la peur que de la sidération. Moins de scruter le spectacle (gore) que le drame (intime). Il est à l’image de la transformation de Regan : On en voit les secousses mais rarement les séismes. C’est d’autant plus glaçant de jouer sur ce crescendo (jusqu’à son déploiement écœurant : râles, blasphèmes, vomi et crucifix) qui n’a d’autre but que de déplacer le film, le sortir de ses écrous, lui changer de ton, l’enfermer dans une chambre froide. Friedkin avait un culot et une foi dingue dans le cinéma à cette époque : Max Von Sydow qui joue l’exorciste, est sacrifié hors-champ, brutalement. Avant cela, il y a la longue séquence introductive en Irak, mystérieuse. Et il faut bien 45 minutes avant de voir les premières crises de Regan. Et la mère qui n’est plus que le fantôme d’une mère ensuite, hallucinante dans sa retenue et son effacement. Sans compter qu’il n’y a quasi pas de musique alors que je m’attendais à entendre le célèbre morceau en permanence. Le film m’aura vraiment surpris en continu, alors qu’il me semblait assez loin du Friedkin de French Connection et Sorcerer que j’adore. En fait c’est exactement le même. Un vrai sorcier, capable d’aller capter l’inexplicable et la possession, le diable dans l’apprentissage sexuel d’une adolescente, les tourments religieux d’un prêtre en pleine crise de foi, à travers une mise en scène inventive, anxiogène et cauchemardesque jamais vu jusqu’alors.