Le coup de grâce.
6.5 Contrairement à ses compères de l’horreur (Carpenter et Romero) plus formalistes que lui, Craven aura souvent investi un cadre plus domestique et une structure plastique plus banale et c’est dans ce septième opus de Freddy, mais seulement le second qu’il réalise (bien qu’il ait son importance dans le troisième épisode) qu’il trouve l’apogée de son style entrant dans la trivialité quotidienne de ceux qui ont nourri Freddy et plus particulièrement le premier volet. Comme s’il voulait s’extirper de Freddy à tout prix, Craven en fait une mise en abyme totale, à la manière d’un faux documentaire. Ainsi, Freddy est devenu Robert Englund ; Et Nancy, Heather Langenkamp. Les acteurs qui les jouent. C’est dans cet apparent miroir de la réalité (Wes Craven jouant aussi son propre rôle) que le cinéaste va donner le coup de grâce à une franchise dont ce serait de la complimenter que de simplement dire qu’elle s’essoufflait.
Craven brise d’un claquement de doigts ou presque ce qui faisait le sel des innombrables suites. Et nous épargne la possibilité qu’un nouveau tâcheron reprenne le flambeau. Il y a cette introduction qui semble reprendre une trame classique déjà croisée auparavant. Mais c’est un leurre. Le gant mécanique puis la main de Freddy dont on aperçoit aussi le pull rayé, appartiennent en réalité à un technicien dans le tournage d’une suite, qui n’en sera pas une puisque ce n’était qu’un rêve. Celui de Heather Langenkamp, dont la vie ne se résume désormais qu’à une multitude d’interviews, durant lesquelles les journalistes lui demandent inlassablement si oui ou non Krueger est mort. Plus tard, sur un plateau télévisé, on lui fera la surprise d’être accompagné par Robert Englund, venu dans son personnage, déguisé et maquillé. Plus tard encore, elle rend visite au producteur Bob Shaye à la New Line, qui lui fait part d’une volonté secrète de Craven : Faire un dernier Freddy. Elle finit alors par croiser Wes Craven, qui lui avoue faire des cauchemars (les mêmes que les siens ?) le poussant à briser définitivement le mythe qu’il a créé.
Intitulé New Nightmare voire Wes Craven’s New Nightmare, le film fera un bide. Mais Craven n’a jamais évolué comme les autres : Entre deux réussites sauvages et baroques, que sont L’emprise des ténèbres et Le sous-sol de la peur, il pondait Shocker. Rien de bien étonnant alors que de le voir revenir aux sources sans pour autant s’en satisfaire et suivre son processus purement mercantile. Il va donc créer ce retour torturé, vertigineux, qui sera la matrice méta de sa filmo à venir, qui deviendra comme chacun sait, sa plus grosse réussite au box-office. Freddy septième du nom est donc sa première véritable incursion dans le méta-film, terrain de jeu qu’il perpétuera jusqu’à plus soif dans sa saga Scream, sur quatre étages. Mais l’idée est essentiellement d’enterrer l’édifice. On oublie alors l’ambiance cartoon qui irriguait la plupart des suites (pour le meilleur (le 3) et pour le pire (le 6)) ainsi que les bavardages et blagues salaces d’un Freddy devenu beauf, et même dans la foulée les allées et venues rébarbatives rêve/réalité. Cette fois, Freddy Krueger s’invite dans le monde réel. Le titre français est par ailleurs très beau : Freddy sort de la nuit, double signification puisqu’il renait de ses cendres (Des suites toutes plus insipides à mesure) tout en réactivant son mythe en plein jour.
Et si Krueger réapparait (alors que tout le monde le croyait bel et bien carbonisé à jamais) c’est parce qu’il est guidé par la plume d’un Craven himself en train d’écrire le script du cauchemar éveillé d’Heather Langenkamp. Craven boucle la boucle. Il fait sa propre critique de la saga, jusqu’alors uniquement guidée par des fins commerciales. Et aurait pu en faire son chef d’œuvre s’il ne s’enlisait pas ci et là dans un décorum superficiel et une esthétique volontiers foutraque (La séquence ratée de l’autoroute) jusqu’à un final relativement décevant. Craven avait retrouvé ses couilles. Mais pas au point de faire un truc aussi beau que son Nightmare on Elm Street, aussi sale que La dernière maison sur la gauche et aussi fascinant que son premier Scream.
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