Inherent Vice – Paul Thomas Anderson – 2015

inherent-vice-image-joaquin-phoenix-katherine-waterston-joanna-newsomStrange days.

   6.5   Pas certain que ça me restera mais je pense que le cinéma américain et plus particulièrement le cinéma de Paul Thomas Anderson peut se porter autrement, après un truc aussi solaire et diaphane, chic et décomplexé. Tout est foutraque, tient sur des esquisses burlesques égarées, des absurdités douces. C’est un film noir qui ne ressemble à aucun film noir, sans repères, tout en collages, astucieux ou hermétiques au choix.

     Je n’ai jamais compris le cinéma de PTA que je trouve surestimé, suffisant, trop accompli mais là j’entrevois ce qui l’anime, qui dépasse largement le cadre du livre (que je n’ai pas lu) duquel il s’inspire, puisqu’il ne s’agit que de mise en scène, de folie de mise en scène, à l’image du premier dialogue entre Phoenix et Wilson. Je n’ai pas l’impression d’avoir déjà vu quelque chose de similaire, de si flottant, embrumé, comme un épais nuage de fumée de pétard, qui reste et imprègne tout. J’étais dedans, j’étais bien, sans trop savoir ce qui m’arrivait, sans trop comprendre quoi que ce soit non plus d’ailleurs.

     J’ai dû m’assoupir un moment, j’ai récupéré le fil quand Shasta est à oilpé. Scène hallucinante. Je n’avais jamais entendu autant le bruit du cuir au cinéma. On entend beaucoup le cuir dans Inherent Vice, il craquelle et exhale un parfum érotique et terrifiant à la fois. Globalement le film est assez hallucinant ou hallucinogène de toute façon, parcouru par des images folles, des bribes indomptables, de sacrés présences (Brolin et ses bananes enrobées de chocolat glacé WTF) un peu comme un Jackie Brown sous LSD, une mouvance sans précédent. C’est un film qui donne le tournis. Un tournis agréable, un good trip post fumette.

     Le grand geste formel pompeux auquel il se raccrochait, jusqu’à There will be blood qui s’ouvrait dans un puits de pétrole et s’égarait dans le grotesque, avec ces interprétations taillées pour les Oscars (Daniel Day Lewis ou Paul Dano), ça me fait penser à Inarritu. Lui avait démarré avec la sidération d’Amores Perros avant de s’engluer dans les films concept (Un plan-séquence pour Birdman) et la prestation hallucinée de Di Caprio en route pour la statuette (The Revenant). PTA s’est trouvé une voie en marge, avec The master, que je n’aime pas spécialement mais dont je reconnais une reconversion assez stimulante. Inherent Vice vient confirmer ce dérèglement. Pour la première fois avec un film de PTA je me dis que je pourrais le revoir avec plaisir, assez vite.

     Inherent Vice rend bien compte d’une frontière, un changement de ton, de période, qui marquerait la fin des années 60 hallucinées, flower power et ses promesses pour entrer dans les années 70, la dégénérescence de l’ère Reaganienne, entre corruption et paranoïa, la fin du rêve. Big Foot en dévore un cendrier de beuh. La lugubre bande originale de Jonny Greenwood affronte quelques morceaux plus chancelants et doux de Neil Young à Minnie Riperton. Il y a une vraie ambiance. Douce et morbide.

     Les deux présences superbes que sont Katherine Waterston et Joanna Newsom, traversent le film comme des flashs, solaires, fragiles, spectrales. Un brouillard permanent d’où s’échappent des saillies burlesques généralement produites par un Joaquin Phoenix hagard et désarticulé, ridicule et fascinant, lucide et débile à la fois.

     Quant à s’ouvrir sur Vitamin C de Can et se fermer sur Any day now de Chuck Jackson, ce n’est ni plus ni moins qu’une belle démonstration de goût.

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