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8.0 Je vous épargne les images gores, ai préféré opté pour un photogramme disons plus traditionnel, mais je préviens, cette saison ne lésine pas. Quoiqu’il en soit c’est fort, très fort. Je persiste donc : The Knick est sans nul doute le chef d’oeuvre de Steven Soderbergh.
Voici dix nouveaux épisodes tous réalisés par Steven Soderbergh. Et ça a son importance tant cela crée une unité d’ensemble, un dosage parfait. On a pu le constater avec la première saison de True detective ainsi qu’avec la récente création de David Simon, une bonne série n’est pas qu’affaire de bon showrunner. Lorsqu’un seul réalisateur s’y colle entièrement ça se sent.
La série reprend là où elle s’était arrêtée et creuse à nouveau chacun de ses personnages majeurs qui apparaissaient déjà dans la saison introductive : John Thackery, en cure de désintoxication, qui se venge sur l’héroïne, ce qui conduit Algie Edwards à le remplacer au poste de chef de chirurgie, ce qui n’est pas du goût de Gallinger qui va enlever « Thack » et le ramener au Knick à sa manière. Trois personnages phares, complémentaires et contradictoires, acteurs de l’Histoire, révélateurs de l’époque.
Et puis il y a ceux plus secondaires que la série va prendre grand soin à fouiller de fond en comble : Lucy et sa relation avec son père, pasteur de retour à New York, dont elle suit le prêche avant de se confesser et d’en encaisser les coups ainsi que son rapprochement avec Henry Robertson. Barrow et les pots-de-vin que lui procure la construction du nouvel établissement ainsi que son entichement pour une prostituée dont il décide qu’elle sera la nouvelle femme de sa vie. Soeur Harriet et son mis au ban suite à son importance dans les avortements clandestins, avant d’y voir sa relation avec Cleary, l’ambulancier attitré du Knickerbocker.
La série multiplie les chassés croisés entre le quotidien de l’hôpital, les grandes discussions autour de son éventuel rachat, sa délocalisation prochaine, la dépendance et la folie de Thackery (Clive Owen est décidément un acteur incroyable), la montée de l’eugénisme (Et la stérilisation des immigrés), les inventions médicales (Rachianesthésie) et toutes les autres (La naissance du cinéma, de la psychanalyse) et poursuit brillamment les interactions entre les personnages, surtout entre Edwards et Gallinger, brosse des portraits personnels profonds de chacun d’eux.
Certains épisodes se concentrent sur des intrigues parallèles passionnantes et parfois très émouvantes. C’est le cas de ces soeurs siamoises, qui appartiennent à un sale type qui en a fait des bêtes de foire, que Tackery va rencontrer et aider, moins par altruisme que pour s’offrir un défi supplémentaire en leur offrant de quoi les séparer – Ce plan qui les voit marcher chacune de leur côté avec difficulté mais avec le plaisir affiché d’un enfant qui fait ses premier pas, le regard méfiant et émerveillé, est d’une beauté folle. Il y a le nez d’Abigail et cette syphilis (qui s’est à nouveau détériorée à cause d’une bague en toc en guise de greffe) que Thack tente d’abord de guérir en lui faisant choper le paludisme de manière à ce que la forte fièvre tue la première maladie, avant de traiter la seconde. Ici le morphinomane, crâne béant (Séquence devant laquelle il est difficile de ne pas détourner les yeux). Bertie qui après s’être fait un petit séjour à l’hôpital juif du Mont Sinaï, revient avec une obsession pour les sauvetages en dernier recours à base d’adrénaline et essaie de mettre en place les recherches de Pierre Curie pour soigner les cancer par radiothérapie. Là l’explosion dans le chantier du métro rappelle ce que pouvait être les gros rush d’Urgences, les jours d’accident.
L’épisode 9 sublime s’ouvre et se ferme au Nicaragua par la rencontre entre Thackery et Robertson et crée un troublant parallèle entre les relations avec les pères : Le parricide de Lucy Elkins d’un côté (couronné par un monologue absolument sidérant de la belle Eve Hewson), le suicide du père Robertson de l’autre, dans les flammes du futur nouveau Knick. C’est riche et passionnant à tous les niveaux.
Dans la première saison, le score de Cliff Martinez qui faisait très post Drive me dérangeait un peu dans la mesure où il appuyait l’anachronisme, jouait la carte de la sensation. Dans cette seconde salve, je le trouve enfin en phase avec le récit et la forme, plus discret tout en restant marqué au sein de chaque épisode, mais plus puissant dès que retentit le générique final de ces dix épisodes. Comme pour Soderbergh à la réalisation, l’homogénéité de la bande-son accentue la cohésion et la continuité.
Si ma réserve cette fois tournait au début sur les couleurs (du bon gros filtre bleu, froid, écarlate) lors des scènes extérieures – C’était déjà le bémol que j’avais soulevé après avoir découvert le très beau Magic Mike – je ne le ressens plus dès l’instant que le récit et ses multiples strates se sont mises en route.
En un sens je retrouve ce qui me séduisait dans une série comme Deadwood, cette sensation du zéro compromis (jusqu’aux personnages, dont les caractères sont nuancés au point de mêler d’une séquence à l’autre identification et rejet), d’être face à quelque chose en marge, qui se construit moins sur ce qu’on attend de lui, que sur une volonté de foncer, agrémenter, enrichir un récit déjà bien dense et complexe.
Même quand il est prévisible, à l’image du retour de cure de Thackery, on ne sait pas non plus où le récit nous emmène. Ça foisonnait déjà l’an passé mais il me semble qu’on a franchit un nouveau cap ici. J’ai l’impression d’être passé à côté de plein de choses, l’impression que je pourrais aisément tout me relancer et découvrir des éléments nouveaux.
Les dernières minutes du dernier épisode sont monstrueuses. Frustrantes mais démentes. Je n’en dis pas plus. De toute façon c’est ouvert. On peut tout faire avec une fin pareille. Ou ne rien faire justement (que ça me conviendrait largement) c’est ce qui est beau.
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