4.5 Au risque de me faire conspuer par les puristes clouzotiens, c’est quand même pas terrible si ? Alors c’est vrai c’est tourné en pleine occupation, Ok, mais quand je vois Les diaboliques j’ai vraiment la sensation que la mise en scène guide le récit tandis qu’ici pas du tout. C’est bien écrit, bien fait mais sans fulgurances. Je trouve ça même moins inventif dans la forme et passionnant dans son déroulé que pouvaient l’être les Maigret de Delannoy et Grangier. Ou je suis passé au travers, ce qui est fort possible aussi.
- Accueil
- > Archives pour février 2016
Archives pour février 2016
Le corbeau – Henri-Georges Clouzot – 1943
Publié 3 février 2016 dans Henri-Georges Clouzot 0 CommentairesThe mask and mirror.
3.5 Thriller sulfureux dans la lignée de Basic Insctinct et Sliver (ces trois scénars sont écrits par le même gars) qui ressemble malheureusement plus au second qu’au très beau et vénéneux film de Paul Verhoeven. C’est un film paresseux et sans grand intérêt fait par un Friedkin un peu paumé qui tente de réactiver de sa superbe en lorgnant du côté de Cruising (ambiance SM) et French connection (la grosse course poursuite de bagnoles à mi-chemin) mais tout parait raté, impersonnel, comme s’il n’avait plus cœur à l’ouvrage. Sauvons de cette médiocrité globale une ouverture prometteuse avec ce meurtre hors-champ accompagné du torride score de Loreena McKennitt et cette pluie de masques qui habite ce plan-séquence vide et glaçant ; Ainsi qu’un meurtre bien sauvage dans la rue, un peu plus tard. Quant à ce que le film raconte de ces flics et criminels réversibles, tout est bien trop poussif et grossier pour dégager un semblant de subversif qui avait toujours irrigué l’imagination Friedkinienne.
Mildred Pierce – Todd Haynes – 2011
Publié 1 février 2016 dans * 100, * 2011 : Top 10, * 730 et Todd Haynes 0 CommentairesAlways chasing rainbows.
10.0 Janvier 2013 : Ma première confrontation avec l’univers de Todd Haynes.
Ne connaissant ni le livre de James M. Cain ni l’adaptation cinématographique de Curtiz je ne savais vraiment pas à quoi à m’attendre devant ce film fleuve, exploité selon cinq épisodes d’une heure, réalisé par Todd Haynes que je ne connaissais pas non plus. Prenons d’emblée les devants : Mildred Pierce est un film immense. Une merveille de mélodrame, à la fois traditionnel et sans précédent. Douglas Sirk en aurait rêvé.
C’est une histoire douloureuse, mais loin des digressions mélodramatiques habituelles, le film ne jouant à aucun moment la carte du sensationnalisme. Peu de grands rebondissements finalement, simplement un récit qui s’étire et se dilate, puise sa force sur sa durée imposante, joue magistralement de l’ellipse et s’aère avec élégance avant de se faire âpre là où on ne l’attend pas.
C’est un film qui me restera longtemps en mémoire dans la manière qu’il a d’aborder le couple, sur ce point là on le rangerait presque aux côtés de Scènes de la vie conjugale. C’est une sorte de hors-champ du film de Bergman. Point de collisions mais de la dissolution, de l’éloignement, de l’absence. Dix ans d’impasse et de douleurs qu’ils vont traverser chacun de leurs cotés.
Mildred Pierce, c’est le titre. Donc bien entendu on s’attend à une focalisation sur ce personnage, campé par Kate Winslet, habitée et sublime, comme à son habitude. Pourtant, ce mari qui fait ses valises dans la première séquence pour ne plus revenir – personnage que l’on s’attend à ne plus voir du tout – réapparaît quelquefois, lors d’un échange de garde d’enfant ou d’un drame. La longueur du film ajoute un supplément non négligeable dans la surprise de le voir réapparaître. Peut-être parce qu’on l’a oublié, en somme. C’est un très beau personnage, accablé dans un premier temps et embelli à mesure.
Le récit n’appuie jamais la carte du seule contre tous, heureusement. Mais c’est avant tout l’ascension professionnelle d’une femme, dans l’Amérique des années 30, ancienne mère au foyer qui va devoir travailler pour s’en sortir seule, et devient serveuse par hasard avant de monter une chaîne de restauration. Mais pas de gloire, jamais. Sa fille compte plus que tout pour elle, bien qu’elle ne lui rende pas cette affection, et cette fille essuie un échec cuisant dans sa jeune carrière de pianiste.
L’ambivalence du récit est monumentale. Les rencontres, les ruptures, les focalisations. Et pourtant c’est d’une limpidité exemplaire. Et puis il y a cette relation, entre cette fille diabolique et sa maman qui la couve davantage depuis que la benjamine s’en est allée, terrassée par la fièvre. La fin du second épisode est au passage aussi puissant qu’inattendu puisque le drame intervient alors que Mildred retrouve enfin un semblant de bonheur égoïste dans les bras d’un dom juan arriviste. Cette séquence endeuillée, où elle enlace sa fille, la grande, celle que l’on déteste, est bouleversante.
Le film est surprenant dans le traitement de cette relation électrique, il ne stigmatise jamais et pourtant on n’a jamais rien vu d’aussi cruel. Dix années de ce que la vie peut révéler comme bouleversements, Todd Haynes aurait pu jouer la carte de la fresque sur-maquillée, avec les vieillissements et les reconstitutions imposantes mais il se concentre sur l’intimité et si modifications physiques il y a elles sont transparentes, fondues dans le temps, et si reconstitution il y a (et elle est prodigieuse) elle ne prend jamais le pas sur le récit ni sur la mise en scène. On n’est pas dans le film gadget, c’est une immersion sans cesse renouvelée, un grand film d’amour. La dernière scène est incroyable, à la fois déclaration de remariage magnifique et geste de rébellion démesuré, il m’a fallu un moment pour digérer ces dernières paroles.
Janvier 2016 : L’après-Carol et la confirmation Mildred Pierce.
Je ne voulais pas quitter Carol alors je me suis relancé Mildred Pierce. Si j’en avais gardé un fort souvenir de la relation épineuse entre mère et fille, Mildred et Veda, j’avais un peu oublié à quel point celle entre Mildred et Bert (le père de ses enfants) était la pierre angulaire de tout le récit, ce qui est d’autant plus paradoxal que lui, nous le voyons peu et qu’ensemble nous ne les voyons pour ainsi dire jamais sinon lors d’évènements familiaux, avec leurs filles notamment. Sauf dans deux scènes, majeures, décisives, convergentes. Deux scènes miroir : L’ouverture, étirée, de douceur et violence mêlées, qui voit une de leurs disputes qui les propulsent au divorce. Et la dernière, dix ans plus tard, dans laquelle ils décident, alors qu’ils viennent de se remarier, de faire chemin ensemble contre vents et marées, se saoulant « Let’s get stinko » tout en reniant leur diable de fille « To hell with her ». Si la boucle temporelle qui ouvre et clôture Carol est une magnifique idée de mise en scène qui change le film tout entier, que dire de celle-ci, terrible, bouleversante, qui referme brillamment dix ans de récit et 5h30 de film ? J’étais inconsolable,encore davantage que la première fois. Je pense que c’est l’un des plus beaux films du monde.